Un passé flou

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Les deux jeunes hommes étaient en train de retourner au parking du cimetière, mais Jae-Sun glissait régulièrement des regards en arrière pour vérifier que Margot les suivait. Son visage s'était terni et ses traits s'étaient durcis ; les sourcils froncés, les lèvres scellées, elle avait l'air complètement ailleurs et il devinait combien les soupçons de Thomas avaient engendré des pensées chaotiques et effrayantes en elle. L'image de sa famille, charismatique et altruiste, se détruisait peu à peu dans son esprit et la panique la gagnait de plus en plus. Et si ce qu'elle découvrait lors de cette enquête ne lui plaisait pas du tout ? Et si elle finissait cent fois plus blessée ?

Toutefois, elle réunit ses quelques forces restantes et chassa ces idées négatives. Peu importe si les révélations finales anéantissaient pour de bon les Rosea, tant que les victimes étaient vengées. Elle s'était promis de leur rendre justice coûte que coûte. Alors elle avança plus vite et les rattrapa. Thomas s'était muré dans un silence gêné. Il se demandait probablement s'il avait pris la bonne décision en se confiant au coréen. En réalité, il désirait lui aussi enquêter et percer à jour le mystère de ces coïncidences, mais il n'y arriverait pas seul. C'est égoïstement qu'il avait conduit Jae-Sun jusqu'ici. 

— Nous avons beaucoup entendu parler de Laura, fit-elle, mais pas vraiment de Vicky. Pose-lui des questions à son sujet, s'il te plait. 

Jae-Sun hocha imperceptiblement de la tête pour lui montrer qu'il était d'accord avec elle et il pivota légèrement vers Thomas.

— Tu étais plus proche de Laura et de Margot, mais tu voyais Vicky souvent. N'est-ce pas ? D'ailleurs, j'ai toujours trouvé ça étrange qu'elle ne reste pas avec vous. 

— Elle avait quatre ans de plus que nous.

Cette déclaration surprit Jae-Sun à un point où il en oublia de marcher. Il s'arrêta en plein milieu d'une allée et questionna du regard le français. A vrai dire, il sentait que Victoria était plus âgée de plusieurs mois ou qu'elle était bien plus mâture que sa cousine, mais il n'aurait pas imaginé que quatre ans les séparaient. 

— Pourquoi était-elle dans notre classe, dans ce cas-là ? C'est facile de lire sur ton visage, pouffa Thomas. Elle a quitté le secondaire après l'obtention de son diplôme et a pris une année sabbatique pour voyager, ce qu'elle a fait. Vicky a tellement adhéré à l'Australie qu'elle s'y est installée pendant deux ans supplémentaires. Ses parents adoptifs l'ont rappelé en Corée, parce qu'ils avaient une proposition intéressante d'emploi qui s'est soldée en échec total. Vicky déteste travailler. Elle a quand même accepté de ne pas repartir à Perth. L'année suivante, Margot a passé le concours d'entrée pour notre école et puisqu'elle jouait du piano très bien, elle s'est prêtée au jeu et elle a candidaté. Elles ont reçu les résultats le même jour et j'étais là. Je me souviendrai longtemps de la tête de Vicky ! Elle a regretté sur l'instant, parce que tu te doutes, qu'en plus d'avoir une aversion pour le travail, elle n'était pas une fan des études ! Au final, elle s'est dit que cette place lui revenait de droit, car elle était très douée, et elle s'est réellement invertie. 

— Je ne savais pas ! s'exclama Jae-Sun. Elle faisait plus ou moins notre âge !

— Elle ne souhaitait pas le crier sur tous les toits. Elle pensait que les autres la jugeraient pour avoir abandonné les études et pour prendre la place de quelqu'un de plus méritant. C'est pour cette raison qu'elle étudiait à fond ! De cette façon, si les rumeurs sur son âge venaient à se répandre, elle pourrait sortir sa carte de bonne élève ! Elle préférait traîner avec les étudiants des classes supérieures, tout en se faisant passer pour la dongsaeng

Margot gloussa sans comprendre tout de suite pourquoi les mots de Thomas l'amusaient. Une intuition lui soufflait à l'oreille que c'était du Vicky tout craché ! Même si elle ne s'en rappelait pas, cela ne l'étonnait pas. Elle avait l'impression que sa cousine était une personne indépendante et aventurière, tout le contraire d'elle. Jae-Sun avait atteint des conclusions similaires sur cette française au caractère bien trempé. Elle avait beau étudier correctement, elle entrait souvent en conflit avec des étudiants, masculins pour la plupart. Il y avait deux affronts qu'elle ne pardonnait sous aucun prétexte : les garçons qui l'admiraient d'un peu trop près et les opposés qui critiquaient ses courbes soi-disant volumineuses. 

Avenge the FallenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant