Avenge the Fallen

La prière des morts

Plusieurs jours s'étaient écoulés. Durant chacun d'eux, Margot s'était abandonnée à la déraison et aux insolences. En premier lieu, elle avait rejoint le bureau d'Amriel et avait saisi un à un les manuels divins, puis elle les avait jetés aux flammes. L'Ange supérieur était rentré dans la pièce et à deux doigts courroux céleste, il avait failli tomber dans les pommes et piquer une crise, stupéfait par l'arrogance de la blonde. Elle avait décharné sa colère sur tous les objets à sa portée. Bien sûr, le grand patron n'avait pas toléré ce comportement et avait ordonné à ce qu'elle soit consignée dans sa chambre. Fulminante, elle s'était calmée peu à peu.

Aujourd'hui, elle avait décroché les tableaux sur les murs et les avait déchirés, avait propulsé les vases dans la pièce, avait mis sans dessus dessous son lit. Ainsi, quand elle fut convoquée pour indiscipline, elle s'était rendue à nouveau dans le bureau d'Amriel, sans rien tenter cette fois. Elle s'était assise sur une chaise, sagement, d'un mouvement lent et contrôlé et s'était posée des questions inutiles pour patienter. 

Justinien ne la quittait pas des yeux, la sondant, surveillant ses réactions. A tout instant, elle aurait pu brûler davantage de livres précieux ou renverser quelques tables. Puis, Valentino entra et s'assit en face d'elle, son regard reflétant autant son désarroi que son amusement. Il avait déjà compris depuis un moment ce qu'elle faisait et n'en était pas surpris au vu de son caractère têtu. Tantôt, il était passé par sa chambre et avait découvert le ravage. Il lui semblait affronter une enfant en pleine adolescence qui se déchaînait contre le monde. Pourtant, Margot était supposément mature et capable de maîtriser sa fureur, apparemment pas. Ces derniers jours sur terre l'avaient complètement déstabilisé. Du moins, c'est ce que tous les Anges de la Mort pensaient, mais pas le garçon qui sourit en coin.

— Amriel ne tardera pas, informa le garçon. Je l'ai entendu pester en chemin, à priori il se serait fait réprimander à ta place parce qu'il ne parvient pas à te tempérer.

— Je n'ai pas agi en mal, contrairement à certaines personnes dans cette pièce, bougonna-t-elle, s'attirant une œillade réprobatrice de Justinien.

— Mal ? répéta ce dernier et il ironisa. Non, en effet ! Détruire les textes sacrés et insulter l'Ordre divin... Comment qualifierais-tu tes actions, dans ce cas ? Ne joue pas aux imbéciles, Margot. Il détient tous les droits de s'énerver contre toi.

— Aucune de vos lois prohibait vos actes.

Finalement, Amriel déboula dans son bureau, furibond, et il somma une énième fois la jeune femme de bien se comporter avec un brin de désespoir dans la voix. Le Seigneur persistait à ne pas souhaiter la réprimander et elle devenait de plus en plus hors de contrôle. Elle sortit aussitôt de la pièce et retourna dans sa chambre quelques minutes de reproches plus tard ; tout avait été nettoyé, ce qui l'irrita davantage. De quel droit effaçaient-ils les preuves de sa colère ? 

Son tempérament s'apaisa une journée. Le lendemain, elle atteignit une nouvelle forme de rage. Elle ignora chaque ange, bouscula les faucheurs qui ne se décalaient pas à son passage ou lui lançaient des regards noirs, ou encore lorsqu'ils essayaient de s'adresser à elle ; Margot se moquait bien des représailles. En réalité, elle aspirait à se faire comprendre tout en respectant son engagement. Elle s'était notamment chargée d'accueillir l'âme de Noh Jin-Hyun et elle réaffirma ses convictions révoltées à Ray dans l'après-midi, tandis qu'elle s'apprêta à traverser l'embarcadère et qu'il s'efforça de la retenir.

— Pourquoi aurais-je l'envie de rester auprès de meurtriers ! attaqua-t-elle, abruptement. Vous considérez-vous vraiment comme des anges ? Répandez-vous le bien, la parole de votre Seigneur ? Pourtant, je ne vois que la désolation, le chagrin et la souffrance ici. Regardez-vous ! Regardez-vous, bon sang ! Vous n'êtes même plus l'ombre d'humains ! Vous vous lamentez constamment dans l'au-delà et descendez sur terre uniquement pour assister à des bains de sang ou à des infamies... L'homme bon perd la vie et ses meurtriers s'en sortent indemnes. Comment pouvez-vous autoriser les humains à agir de la sorte ? A punir les honnêtes gens et à gracier les criminels ? Je ne tolérerai pas ça ! Et si votre Seigneur le permet, c'est que nous ne serons jamais sur la même longueur.