L'étudiant sans nom

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Cassant le silence entre eux, l'étudiant s'exclama sur un ton de reproche sans rompre l'étreinte :

— Tu entres dans la salle de musique pendant que je joue, alors que tout le monde sait que je déteste ça. Tu me fixes d'une manière...assez perturbante ! Tu me gifles et tu me pinces ! Sans compter que les rumeurs à ton sujet sont inquiétantes... Tu es bien vivante !

— Non, souffla-t-elle.

— Non ? Ah bon ? Je parle donc à un fantôme ! Super, railla-t-il. Bon, Margot, s'il te plaît, si tu ne veux rien me dire, appelle tes parents, tes amis ou peu importe, mais ne reste pas là à tourner en rond ! Tu...Tu as besoin de compagnie ?

Margot fronça les sourcils et tiqua à sa façon de choisir ses mots avec précaution. 

— Pourquoi est-ce que tu me traites comme si j'avais besoin d'aide ? Ou plutôt comme si j'étais vulnérable ? Pourquoi une telle prudence ?

La jeune femme comprit qu'elle avait visé dans le mille, quand il se sépara d'elle lentement. Son visage se scinda en deux et il perdit ses moyens. Il bafoua des mots flous.

— Eh bien...tu sais...ce n'est pas moi qui vais t'expliquer ce qui se passe dans ta vie ces derniers temps.

— J'aimerais bien pourtant, maugréa-t-elle.

— Q-Quoi ? Bref, euh, tu n'as toujours pas répondu. Que faisons-nous ? Si tu n'as pas envie d'appeler tes parents, tu n'as qu'à attendre la fin de la journée et rentrer à l'heure prévue, mais je te déconseille de retourner en cours dans ton état. Monsieur Kang n'est pas très délicat et il se pourrait qu'il te pose des questions qui ne concernent personne d'autre que toi devant toute la classe. 

Satisfait du peu d'informations qu'elle avait obtenu grâce à lui, Margot l'ignora et fit une synthèse de son avancée. D'abord, il était évident que sa mort n'était pas la seule tragédie du moment ; il n'arrêtait pas de mentionner sa famille. Qu'était-il advenu des Rosea récemment ? Ensuite, elle avait déduit qu'ils ne faisaient pas partie de la même classe, puisqu'ils ne détenaient pas un emploi du temps similaire. Se connaissaient-ils uniquement de nom ? Ou avaient-ils des amis en commun ? Trop d'idées lui vinrent à l'esprit et elle les refréna pour ne pas s'encombrer de pensées inutiles – elle lui demanderait plus tard. Et pour finir, elle conclut que ce garçon était en fait très gentil, contrairement à l'image froide et hautaine qu'il renvoyait. Il devait en avoir marre des pies qui voletaient autour de lui.

— C'est le moment où tu es censée me donner une réponse, Margot. 

Elle sursauta une nouvelle fois à son intervention qui l'extirpa de sa liste mentale et elle lui lança un regard agacé qu'il ne comprit pas. L'étudiant lui saisit la main, pivota et la tira à sa suite. Surprise, la jeune faucheuse ne rechigna pas, curieuse de l'endroit où il la menait. Allaient-ils à l'infirmerie ? Elle fronça les sourcils et fut tentée de le retenir. Il passerait pour un fou à traîner une morte dans l'école ! Toutefois, Margot se sentit touchée par son attention et se lamenta qu'un si jeune homme perde bientôt la vie.

Vivait-il réellement ses derniers instants ? Elle éprouva une soudaine culpabilité : au lieu de s'occuper d'elle, il devrait jouer du piano et chanter à tue-tête, il devrait sortir avec ses amis, rendre visite à sa famille, faire une tournée d'adieux et attendre la mort sans regret. Il gaspillait son temps si précieux en sa compagnie. Toutefois, elle ne parvint pas à se détacher. Cet étudiant était susceptible de connaître son passé et de pouvoir tout lui raconter. Malgré l'impression de lui voler des minutes cruciales, Margot ne put renoncer à lui.

Elle l'aida un minimum et s'approcha le plus possible de lui pour ne qu'il ait l'air de tendre le bras dans le vide et que les autres étudiants le regardent bizarrement. Il se déhancha souplement d'une allure vive et décidée, ses pas naturellement confiants et amples la menèrent jusqu'à l'extérieur de l'école. Les quelques élèves dans les couloirs le fixèrent avec admiration ou jalousie sans se douter de quoi que ce soit. Par chance, il ne lui parla pas et elle prit grand soir de se taire. Dehors, il lui glissa à l'oreille :

Avenge the FallenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant