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P.d.v. de Souadou

Absente, les larmes coulant, je fixais un point imaginaire. Je n'entendais plus rien, je ne voyais plus rien.
Je m'agrippais au drap de toutes mes forces: j'avais trop mal et plus intérieurement qu'extérieurement.
Je n'ai pas prononcé un seul mot, je n'ai pas bougé d'une semelle, mon regard n'a pas quitté sa place, pas une seule seconde.

Mon silence était anormale, Diamila le savait. C'est elle qui m'a élevé et elle s'est toujours vantée pouvoir lire dans mes pensées.
Pourtant la voilà entrain de danser sous les félicitations des griots qui la glorifient pour l'éducation qu'elle m'a donné.

Elles sont comme en compétition, chacune parlant des cadeaux qu'elle me donnera plutard, sûrement quand toutes leurs invités seront présentes, je les regarde juste.

Mes larmes ne peuvent s'empêcher de couler car une chose est sûr : là, elle évite de me regarder et c'est ça qui est suspect. Et toute la douleur que je ressens se transforme en une haine gigantesque que je dirige à l'encontre de toute ces femmes présentes dans la pièce et qui commencent sérieusement à m'étouffer.

La seule qui partage mon silence, c'est ma tante Amsa, mais pour les autres, c'est comme si je n'étais pas là.

Puis, ce qui est tout de même ironique, tante Latifah et sa sœur Diamila sont sorties avec les griots prétextant: allez s'occuper de la préparation du déjeuner, me laissant seule avec ma tante paternelle avec une autre femme qui devaient s'occuper de moi.

-Tu n'es pas trop fatiguée j'espère?

Me demande ma tante Amsa à qui je n'adresse même pas un regard.

-Princesse? C'est à toi que je parle!

Réitère t-elle face à mon mutisme mais je ne lui réponds toujours pas.
Elle se contente alors de soupirer avant de m'aider avec l'autre à prendre un bain chaud qu'elles avaient elles-mêmes préparé.
J'ai toujours été très pudique mais aujourd'hui, je laisse ces deux femmes me laver pour ensuite me ramener dans la chambre où elles ont entrepris de me masser: je subissais tout, en silence.
Je pleurais mais silencieusement.

Elles m'ont ensuite habillée d'une robe large, sûrement de celles que m'avaient pris Djamila et m'ont couvert d'un foulard sur ma tête dont j'avais nul envie de coiffer.

-On va te préparer quelque chose à manger, je reviens tout de suite. D'accord princesse?

Je ne lui répond toujours pas et me contente de me recoucher, ayant moins mal que tout à l'heure mais ma colère toujours au summum.

-Où est Jules?

Lui demandé-je après avoir ruminé une bonne dizaine de fois pour prononcer son prénom avec beaucoup de dégoût.

-Il est sorti! Khamna dafa beuri kersa ni yaw rek, ma chérie!
Je sais que tu es très pudique mais tu n'as pas à avoir honte, c'est tout à fait normal tu sais, li gnoune gneup diar nagnou ci!

Réponds l'autre dame.

-C'est tout de même farfelu, Nogaye! Wakhone nako latifa mais mom dafa beug you reuy!

-Boul wakhé ni ci kanamou khalé bi yawitt! Latifah a fait ça sûrement pour éteindre les rumeurs, tekk ci sa dôme siguil nala kay da nga wara contane!
Souadou massa tiono! Wathie nga dôme! On revient tout de suite, d'accord?

Je les regarde sortir de la pièce et je me lève difficilement pour aller fermer la porte à clef derrière elles.
Je me laisse tomber à même le sol, pleurant de plus belle.

RegretsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant