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P.d.v. de Mously

Je lançai un regard fatigué aux monticules de dossiers qui étaient éparpillés sur mon bureau et me massait les tempes, les yeux fermés.

Hyacinthe m'avait parlé de l'accord passé entre les Sylla et papa Karim et que ce dernier m'avait lui-même confirmé: il leur avait demandé de me laisser un mois pour soit trouver une meilleure solution pour la boîte, soit accepter leur ultimatum, allant même jusqu'à leur donner sa parole comme quoi il allait lui-même se charger de me faire signer leur proposition si jamais je venais à échouer.
Ceux-ci ayant une parfaite connaissance de l'état de l'entreprise qui n'a aucune chance de se relever en un délai si court, tout comme de l'importance que papa donne à sa parole, ont de suite accepté et n'ont donc sûrement pas eu du mal à convaincre leur patron je suppose et moi, dans tout ça, je suis là à essayer de mener une bataille perdue d'avance.

Je suis fatiguée!

Physiquement comme mentalement car malgré toute cette pression, je suis plus tourmentée par ce que m'avait raconté Djamila que l'échec luisante et certaine qui s'annonce pour moi.

Cette femme est une vipère et malheureusement, elle a réussi a déverser son venin sur moi.

Je pensais pouvoir passer outre de ce qu'elle m'avait dit à propos des tests qu'avaient pratiqué Bachir sur ma fille mais c'est à croire que je me suis lourdement trompée dessus.

Des jours depuis ce fameux épisode et pas une seconde ne passe sans que j'y repense et ça empire quand je vois la complicité qu'il y a entre Bachir et Maréme qui ne fait que corroborer les dires de Djamila: "Il s'est senti coupable et elle est devenu la prunelle de ses yeux"...

Et je m'en veux tellement de me laisser perturber par de telles pensées, allant même jusqu'à en faire des cauchemars, oui des cauchemars comme quoi, psychologiquement j'étais atteinte.

Inconsciemment j'avai assimilé Maréme à Ahmed, notre fils mort à cause du déni de son père ce qui me rappelle tous les remords que j'ai pu ressentir à la disparition de ce dernier et aujourd'hui, quand je regarde ma fille, une once de culpabilité m'envahit et c'est assez torturant!

Et aujourd'hui je me rend compte d'a quel point je suis vulnérable et maudits cette peste tout en me battant corps et âme pour qu'elle ne se doute jamais de combien elle m'avait troublé...

Je secouai frénétiquement la tête comme pour sauter du petit nuage sur lequel j'étais et quittais mon fauteuil pour marcher hors de mon bureau aménagé dans la maison.

La semaine dernière Bachir s'était plaint du fait que je passais trop de temps au travail raison pour laquelle je fais des efforts pour rentrer plus tôt et terminer certaines tâches à domicile.

Bien-sûr cette petite remarque m'avait encore une fois ramené aux mots de sa femme: "Il ne te fait pas confiance!"

Mais toujours dans la perspective de ne pas me laisser atteindre, j'avais omis cette pensée me convaincant qu'il n'était pas question de confiance: c'est moi qui voulait superviser tout le travail de mon équipe, stressée à l'idée de perdre la boîte et rentrant donc à des heures abusive: il s'est juste inquiété pour moi: rien de plus...

Et c'est la même chose pour chaque mot, chaque remarque se raccordant à ma discussion avec ma co-épouse: elle n'est apparemment pas que douée pour la comédie celle-là: avec brio elle arrive à semer le doute dans l'esprit des gens: quelle vilaine femme!

Je marchai nonchalamment pour rejoindre ma chambre, espérant faire le vide et dormir un peu.

Bachir y était, confortablement installé sur un fauteuil, les jambes croisés sur la table et parlant visiblement au téléphone.

RegretsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant