God's Shadows -Renaissance-

CHAPITRE XXXI

Un grognement animal les amena à s'arrêter. Une panthère noire revint vers eux, gracieuse et féroce. Lula planta son regard dans le sien et leurs yeux se mirent à briller en symbiose, comme à chaque fois qu'elles communiquaient. La japonaise releva la nuque et son regard s'éteignit.

— Sentou a trouvé quelque chose. Il y aurait un affrontement à une centaine de mètres à l'est. Que faisons-nous ?

— Allons-y, cela ne pourrait que nous servir pour la suite.

Personne ne répondit à la proposition de l'anglais. A vrai dire, les gens ne répondaient jamais lorsqu'il émettait une suggestion. S'en était agaçant. N'y avait-il personne capable de s'opposer ou non à lui ? Sentou, « flèche » en japonais, frotta sa tête contre la jambe de sa maîtresse avec un respect et une adoration non feinte. Puis l'animal prit la tête et les autres le suivirent un par un. Alana fermait la marche. Elle n'avait pas dit un mot depuis le commencement du Grand Jeu. Elle avait l'air perdue dans ses pensées, comme dans un autre monde. Sentou se métamorphosa en un oiseau bleuté qui leur montra le chemin de ses ailes. Les bruits se faisaient de plus en plus forts au fur et à mesure qu'ils se rapprochaient. Jusqu'à ce qu'on aperçoive une lutte concrète... entre les membres d'une même équipe. Grace Lipsen, sœur aînée de Marie qu'Alana avait affronté dans l'arène un mois auparavant fit tournoyer sa lance au-dessus de sa tête. Sa pointe aiguisée trancha l'air. Elle était la dernière debout. Jusqu'à ce qu'un sabre ne tranche son arme en deux et qu'on lui assène un violent coup à l'arrière du crâne. Ses gestes étaient d'une rapidité et d'une précision déconcertante. Il était cinquième au classement des combattants du Centre et ce n'était pas pour rien. Ethan ne l'avait jamais combattu et à vrai dire il ne savait pas qui gagnerait entre eux. Xander se baissa et récupéra une pièce dorée dans une poche de l'australienne. D'un mouvement habile des doigts, il la lança en direction de Cléria qui l'attrapa maladroitement.

— Je peux savoir ce que tu fabriques ?

Ethan était agacé et ne s'en cachait pas. Xander et lui avait toujours eu des relations tendues car le blond n'en faisait toujours qu'à sa tête. Et cette fois-ci ne faisait pas exception à la règle. Il leur souriait effrontément, toujours aussi arrogant.

— Je suis un éternel insatisfait. Si je suis frustré alors les autres doivent l'être également et cette évaluation m'empêche d'aller tirer un coup alors que mon dernier c'est très mal terminé, expliqua le mannequin en lançant un regard à Cléria qui ne put s'empêcher de rougir. En attendant je ne suis pas là pour raconter ma vie et vous pour l'écouter. Je vous laisse à vos occupations.

Xander ne leur laissa pas le temps de répondre qu'il prononça un mot en grec ancien et lui ainsi que les membres de son équipe se firent téléporter dans l'infirmerie en un quart de seconde.

. . . . . .

Ethan sentit le danger seulement une seconde avant l'impact. Une masse sombre sauta d'un arbre et atterrit sur Lula. Elle tomba à terre, agrippa son assaillant et roula avec lui jusqu'à ce qu'ils se fassent arrêter par un arbre. Les quatre autres membres de l'équipe au foulard blanc s'arrêtèrent et attendirent, sur leurs gardes, que l'équipe adverse se décide à se montrer. Marie Lipsen se détacha de Lula, époussetant ses vêtements pleins de poussière. Nathaniel Grych sortit de derrière un arbre et se posta face à son ancienne petite-amie, tirant une grimace à Cléria. En suivirent un grand jeune homme bâtit comme une armoire à glace et d'un autre, plus chétif et plus fin.

— Alyssia.

Alyssia Kirk sauta de son arbre et arriva au sol dans un nuage de poussière. Elle était très grande, bien plus que la normale, des muscles saillants sous sa combinaison de couleur grise. C'était une bonne combattante, Ethan le savait, mais elle sa trop grande fierté pouvait lui attirer des ennuis. A en voir son regard menaçant, elle avait d'ores et déjà décidé de son adversaire.

Jacob tira son énorme sabre de derrière son dos. L'épée d'Ethan ne rivaliserait que difficilement avec son arme, il allait devoir se la jouer fine.

Alana paraissait en très mauvaise posture. Et quel euphémisme ! Alyssia avait sorti une double matraque de sa ceinture, s'empressant de la faire tourner dans le vide du poignet. Du coin de l'oeil, Ethan pouvait apercevoir sa coéquipière couchée à terre, la respiration haletante. Alana réussi à esquiver en roulant sur le côté mais la chance – et la dextérité – n'étaient pas avec elle. Alyssia la frappa sur le flanc de son pied, la retournant d'un seul coup. De sa double matraque, elle se mit à lui fouetter les jambes de son arme jusqu'au sang, et elle ne semblait pas prête de s'arrêter. Les gémissements de douleurs d'Alana se transformèrent très vite en cris à lui brûler les cordes vocales. Ethan esquiva le sabre démesuré de Jacob et lui servit un coup de pied dans l'abdomen qui lui coupa le souffle. Alana saisit une dague de sa petite ceinture et la lança en direction de son agresseur à l'aveuglette. Ceci eût la chance de faire reculer la jeune femme de surprise. La lame fusa sur son flanc gauche, déchirant sa combinaison en un mince filet de sang.

Jacob tomba au sol, à bout de force. Ethan essuya discrètement le sang sur sa lèvre inférieure. Sa main se porta à son torse et il grimaça de douleur. Alana s'était redressée entre temps, ses poings dressés devant son visage, prête à parer les coups à tout instant. Sa posture était celle d'une combattante – certes encore légèrement tremblotante par moment – mais ses progrès étaient stupéfiants et il serait idiot de ne pas le reconnaître. Ses poings fermés frappèrent en premier et décrochèrent la mâchoire d'Alyssia avec une violence inouïe. Le coup était si puissant que la jeune femme tomba au sol sur les fesses. Dans un élan de brutalité, Alana agrippa ses cheveux de ses doigts et lui écrasa la tête contre son genou avant d'enchaîner avec un coup de pied dans le ventre. Son souffle était erratique au point d'en être presque inexistant. Ses jambes étaient ruisselantes de sang, ses yeux remplis de larmes, mais elle tenait debout avec une force qu'elle ne soupçonnait même pas.

— Ce n'est pas fini.

Alyssia était toujours au sol mais avec la plus grande des précisions, elle lança l'une de ses lames au ciel. L'arme trancha l'air au-dessus d'eux.

Puis un énorme bruit sec retentit. Tout se passa très vite. Une centaine d'abeilles s'échappèrent de la ruche brisée au sol dans un nuage menaçant.

— Courez ! rugit Ethan.

Harry partit le premier, suivi de très près par Cléria et Lula. Alana commença à courir, faisant abstraction au mieux de l'intense douleur qu'elle ressentait à chacun de ses pas. A vrai dire elle n'allait pas bien du tout depuis le début mais son état ne s'arrangeait pas. Ses yeux la brûlaient, une boule semblait s'être formée dans le creux de sa poitrine. Plus le temps passait, plus sa peine s'aggravait et ses joues était à présent ruisselantes de larmes. Elle ne vit même pas qui lui prit la main et la tira à sa suite.

— De l'eau ! Hurla Lula droit devant. Il nous faut sauter dans une rivière, les abeilles ne nous suivront pas là-bas.

— J'entends une cascade sur la gauche, lui répondit Harry en bifurquant à travers les arbres.

Ils débouchèrent sur une prairie avec une gigantesque cascade à sa fin. Alana tira sur son poignet et se libéra. Le grondement de l'eau lui montait à la tête et une boule d'anxiété se forma dans son ventre à cette vue. Mais le grésillement des abeilles se rapprochait de plus en plus. Alana sentit qu'on lui attrapait la main et la tirait en avant. Elle tomba dans le vide.