Une personne entra dans la pièce. Grand, cheveux châtains foncés aux magnifiques yeux bleus, sa carrure robuste et sa posture sûr de lui apportaient au tableau un petit plus qu'Alana ne put décrire précisément. Si tous étaient des soldats, il en était le roi.
— Je constate que vous ne m'avez pas attendu. Je suis ravi de me rendre compte que l'on m'écoute un temps soit peu ici.
Sa voix était d'une neutralité effrayante. On ne pouvait deviner le fond de ses pensées, que ce soit par le ton employé que par son visage. Ses pommettes étaient hautes, son menton anguleux et sa mâchoire carrée. Ses traits étaient d'une perfection sans faille, il en était presque trop beau. Matthew lança un regard au nouveau venu et sans qu'aucun des deux n'eût besoin de prendre la parole, ils hochèrent la tête simultanément, signe d'un accord commun. L'inconnu passa devant Meredith qu'il dominait d'une tête et demi et sans même un regard pour elle, s'arrêta devant Alana. Les deux saphirs qui lui servaient d'yeux se fixèrent sur sa silhouette et sans détourner le regard, il partit s'installer à côté de Matthew. Alana ne sût comment réagir. Qui était-il ? Pourquoi l'avait-il dévisagé de la sorte ?
— Avez-vous des questions ?
La douce voix de Matthew la sortit de sa torpeur et Alana le dévisagea perdue. Meredith pressa son bras et lui adressa un regard rassurant, signe qu'elle prenait les devants.
— Si j'ai bien compris, il y a des réincarnations de dieux Grecs sur Terre et vous en faites partis. Vous pensez donc qu'il en est de même pour nous. Enfin pour ma part, j'ai eu ma confirmation ce matin. Je suis une nymphe de la Terre, un être divin, alors qu'Alana posséderait l'âme d'un dieu ou bien d'une déesse.
— A vrai dire, nous en sommes sûrs mais nous ne connaissons pas encore l'identité de son dieu. Cela peut prendre un peu plus de temps à se manifester. Nous ne savons juste pas la durée exacte de l'attente. Il nous faut attendre qu'il se manifeste de lui-même. C'est la seule solution.
. . . . . .
— Nous voici dans le hall d'entrée. A gauche se trouve le salon, ainsi qu'un bar. C'est moi qui l'ait demandé, je l'avoue. Mais je pense que personne ne s'en plaint.
Alana sourit, à défaut de pouvoir rire sans douleur. Ben était un agréable guide. Le géant fait tout de muscle s'était proposé de lui faire visiter ce qu'ils appelaient tous la Maison Blanche. Il s'agissait d'un centre d'accueil pour les gens de leur « condition », leur permettant d'apprendre à manier leurs pouvoirs ainsi que d'avoir une famille d'accueil. Rester mélanger à la population était bien trop dangereux pour tout le monde, alors ils restaient reclus dans ce bâtiment qui apparaissait comme de simples ruines pour tout humain lambda. La maison était gigantesque, mais c'était sans aucun doute la moindre nécessité pour la cinquantaine de colocataires. D'après ses explications, il existait une hiérarchie au sein de cet établissement : un conseil de dix adultes, les plus vieilles réincarnations que l'on appelait les anciens servait d'instance ultime, gérant la vie en société et les missions sur le terrain.
Alana frappa une phrase sur son téléphone avant de la montrer à son compagnon de route qui lui avait proposé cette idée de communication.
— Quand je suis arrivé ici, j'avais quinze ans. C'était il y a quatre ans de cela. La plupart d'entre nous sommes arrivés à cet âge-là. Certains bien plus tôt. La tranche d'âge parmi nous est assez espacé, Perry a vingt-cinq ans tandis que Jaimie, en a seulement sept. Sa grande sœur Jasmine vit également ici, il n'est donc pas tout seul.
— D'où viens-tu ? Enfin il me semble entendre un accent et tu n'es pas le seul à vrai dire.
— Nous venons tous des différentes parties du monde. Je suis jamaïcan, Matthew est irlandais tandis que Cléria est galloise. L'anglais nous permet de tous nous comprendre et nos différences nous permettent d'apprendre de nouvelles langues, de nouvelles cultures.
— Comment vous-êtes vous retrouvés ici ?
— Quand une âme divine se manifeste dans le corps du réceptacle, des changements commencent à s'opérer. Il devient plus fort, plus rapide, ses sens sont aiguisés. On prend alors conscience de ce qui nous arrive et c'est comme si notre corps et notre esprit était connecté aux autres. Alors nous décidons de quitter la maison, parce qu'il en va de leur sécurité, puis nos pas nous guide jusqu'à nos semblables.
— Je suis désolée. Abandonner sa famille à un si jeune âge...
— Je m'assure qu'ils vont bien une fois par mois, sans qu'ils ne le sachent bien sûr. C'est une façon pour moi de rester connecté avec eux. Voici la cuisine, c'est la dernière pièce du rez de chaussé.
La voix de Ben avait pris un ton triste mais malgré cela il restait souriant, la mélancolie éclairant son visage.
— Sais-tu qui nous a sauvé des dokatriz avec Meredith ? Et ce qu'ils faisaient là ?
— Les dokatriz sont des êtres damnés. Nous n'avons pas connaissance de leur origine mais nous pensons qu'ils viennent tout droit des Enfers. Certains semblent obéir à leur maître, Hadès, tandis que d'autres trouvent des brèches dans notre monde et arrivent à s'y infiltrer. Ils se nourrissent de la peur des humains, et à l'occasion de leur chaire humaine. Ethan et Matthew ont capté leur présence sur notre radar, en même temps que la votre apparaissait.
— Ethan ?
— Ethan Sherwood, le retardataire de notre réunion. Il est anglais, un peu froid sur le bord, c'est un maniaque du contrôle. Il est la réincarnation de Zeus, le roi des dieux.
— Et toi ? Qui est-tu ?
Ben se mit à rire de sa grosse voix et commença à monter les marches devant elle.
— Ben Atari, premier du nom. J'ai deux frères ainsi que deux sœurs. Je suis le cadet de la famille. Accessoirement, je suis également la réincarnation d'Arès, dieu de la guerre.
Ils s'arrêtèrent au premier étage, devant long couloir beige et aux multiples fenêtres.
— Cet étage est réservé aux femmes, le second aux hommes. Les membres du Cercles possèdent une aile à eux tout seuls.
Il continua d'avancer d'un pas lent mais Alana ne put que remarquer sa démarche plus raide, ses muscles plus tendus. Il paraissait tracassé, tiraillé de l'intérieur.
Ben s'arrêta devant un porte surmontée du chiffre huit. D'un geste de la main, il débloqua le verrou. La chambre était spacieuse, lumineuse et d'une grande simplicité. Deux lits de taille moyenne collés chacun à un côté du mur, une penderie intégrée à la pièce et une double fenêtre. Neutre, elle attira presque aussitôt l'attention de la jeune femme qui s'y sentit à son aise.
C'est le silence du jamaïcain qui inquiéta au plus au point Alana. Le sourcil levé, elle le questionna sur son comportement plus que suspect. Ben recula de quelques pas jusqu'à se trouver dans le couloir.
— Je suis désolé Alana.Il faut que tu saches que je n'étais pas d'accord avec tout cela mais je n'ai pas le choix. C'est pour ton bien. Il faut que tu restes ici. Je te promets que tout ira mieux demain. Mais en attendant...
C'est quand la porte commença à se refermer qu'elle comprit seulement. Le visage désolé de Ben fut la dernière chose qu'elle aperçut avant qu'elle n'entende le verrou s'actionner. Si en avait eu les capacités, Alana aurait crier à s'en briser les cordes vocales. Mais seuls ses poings rencontrèrent la bois de la porte. Elle ne s'arrêta que lorsqu'elle sentit ses phalanges s'ouvrirent sous la violence de ses coups. Alors elle tomba au sol, s'adossant au lit. Et elle attendit.
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God's Shadows -Renaissance-
Teen FictionDe nos jours, New York, 2019 Qui n'a jamais rêvé d'appartenir à une cause supérieure à ce que tout humain ne pourrait jamais imaginer? Ce n'était pas le cas d'Alana, jeune adolescente à la vie normale en tout point. Du moins jusqu'à ce qu'...