CHAPITRE XXVIII

45 7 0
                                    


Cléria n'avait pas mangé. A vrai dire elle n'avait pas eu la force ni l'envie de manger quelque chose. Depuis qu'elle était rentrée dans sa chambre en fin d'après-midi, elle ne l'avait pas quitté. Et il était maintenant vingt-heure trente. Elle avait décidé de passer la soirée sur son lit, le classique anglais sur l'orgueilleux monsieur Darcy dans la main. On toqua à la porte. Cléria avait décidé de feindre son absence alors elle l'ignora. Mais on recommença. Par deux fois même.

— Cléria je sais que tu es là. Ouvre-moi.

Cléria fut si surprise qu'elle en oublia de mettre son marque-page. Chose qu'elle avait en horreur et qu'elle savait qu'elle regretterait dans le futur. Son esprit fut pris d'une hésitation à en lui donner le tournis.

— S'il te plaît.

Sa voix était grave, presque suppliante, et légèrement triste. Et c'est ce qui la décida finalement à ouvrir la porte. Il lui coupa le souffle. Son smoking noir lui saillait à merveille, ses cheveux blonds légèrement tirés en arrière par du gel lui donnait une ou deux années de plus. Il était tout bonnement magnifique.

— Qu'est-ce que tu...

— J'aimerai que tu viennes avec moi. S'il te plaît.

— Mais enfin où veux-tu que j'aille ? Dans cette tenue ? Elle désigna son pyjama d'une main et se rendit compte de la légèreté de sa robe de nuit, la faisant croiser les bras afin de se protéger.

— Tu es parfaite telle que tu es. Ne t'inquiète pas.

— Pourquoi te suivrai-je ? Je ne t'ai pas vu de la journée et tu te pointes maintenant, à me demander de venir avec toi, je ne sais où. Sans la moindre explication ! Donne-moi seulement une bonne raison de ne pas te refermer la porte au nez.

Quel goujat ! Il osait se montrer et lui demander de l'accompagner alors qu'il l'avait ignoré toute la journée.

— Je dois te montrer quelque chose. S'il te plaît. Je t'expliquerai tout une fois là-bas et tout pourra partir à n'importe quel moment. Je te le promets.

Ses yeux brillaient de tristesse et de volonté de rédemption, implorant le pardon. Il paraissait si sincère que Cléria se décida à accepter sa demande. Elle espéra seulement ne pas le regretter.

— Ferme les yeux.



Cléria regarda Joshua avec une certaine hésitation. Il l'avait amené devant la salle d'entraînement et l'odeur âcre de la magie qui s'en échappait sous entendait qu'ils n'allaient pas pénétrer dans la pièce pleine d'armes habituelle. D'une légère pression sur le bas de son dos, on la fit avancer et les ténèbres se refermèrent sur eux quand les portes claquèrent derrière.

Sa première réaction fut de frissonner. L'air s'était bien rafraîchit et la chair de poule sur ses bras et ses jambes en témoignaient. Elle marcha à l'aveuglette et sursauta légèrement lorsque ses pieds nus rencontrèrent de l'herbe froide mais douce sur sa peau. Elle resta ainsi dans l'obscurité pendant quelques instants jusqu'à ce que d'une pression sur le bras on la fasse s'arrêter.

— Tu peux les ouvrir.

La lumière était tamisée et la pleine lune apportait un charme fou au tableau. C'était absolument... il n'y avait pas de mots pouvant décrire ce qu'elle voyait et ressentait à cet instant. C'était une grande plaine au bord d'un lac. Au loin, sur une colline verdoyante, on pouvait discerner l'ombre d'un château de pierre. Et au milieu de tout ça, une table en bois recouverte d'une nappe, de verres et d'assiettes, abritée sous un arbre éclairé d'une guirlande lumineuse. Cléria sentit ses yeux s'embuer de larmes en reconnaissant cet endroit dans son pays natal où elle allait toujours pic niquer avec sa tante et sa sœur Rosalind. Elle lui avait montré en photo il y a quelques mois de cela et il avait tout reconstitué. Pour son anniversaire. Pour elle. Cléria fondit en larmes. Ses mains se portèrent à son visage afin qu'il ne la voit pas. Par les dieux qu'elle avait honte ! Elle qui l'avait traité de goujat, méprisé dans sa tête pendant toute la journée. Et lui... Si gentil, si doux et prévenant, il avait reconstitué le paysage de son enfance pour qu'elle se sente bien, heureuse et en paix. C'était le plus beau cadeau qu'il pouvait lui faire.

God's Shadows -Renaissance-Où les histoires vivent. Découvrez maintenant