Eléa n'était sortie des toilettes juste quelques minutes avant la sonnerie annonçant la pause de midi, toujours perturbée mais ne souhaitant pas croiser d'autres élèves venus se soulager ou se remaquiller avant de retourner en cours.
Elle évita le self devant les portes duquel se formait déjà une masse grouillante et affamée, ne voulant voir et approcher personne, encore moins que d'habitude.
De toute manière, elle avait l'estomac noué à cause de l'incident avec Eve et elle ne comptait pas expérimenter les nouvelles brimades inventées par ces chers camarades pour lui couper l'appétit.
Elle avait l'habitude de passer l'après-midi le ventre vide.
Son sac sur l'épaule, elle redescendit dans le halle où elle jeta un regard à la large porte donnant sur la rue avec l'envie de la franchir pour retourner chez elle, ces quelques heures lui ayant amplement suffit, seule le CPE lui en aurait tenu rigueur et sa sanction ne serait guère terrible, mais, dans un soupir, elle renonça à cette idée.
Pas question de fuir et d'abandonner.
Elle allait rester et affronte le reste de la journée la tête haute et fière malgré tout ce qu'elle subissait.
Choisissant donc rester avec son courage, elle alla ranger son sac dans son casier, soulagée qu'aucun nouveau piège n'y soit installé. Cela faisait longtemps déjà qu'elle ne se demandait plus comment ses camarades avaient régulièrement accès à son casier.
La porte métallique claqua lorsqu'elle la referma d'un coup de coude. Son regard se baissa sur la large tache bleue foncé circulaire et hérissée d'éclaboussures.
L'encre avait commencé à sécher sur le carrelage blanc.
Eléa soupira, lassée.
Préférant profiter que tout le monde était en train de manger et donc absents pour pouvoir la voir récurer le sol, s'évitant encore plus d'humiliation et ne tenant pas à hériter du surnom de Cendrillon, qui serait clairement une insulte puisque aucun prince charmant ne viendrait l'arracher à son existence de misère, elle décida de la nettoyer maintenant avant que l'encre ne s'incruste davantage.
Elle partit donc à la recherche d'un agent d'entretiens pour lui demander une serpillère ou quelque chose du même genre.
Grommelant en songeant à la satisfaction du CPE qui constaterait qu'elle aurait sagement effectué sa punition, elle s'engagea dans les couloirs jusqu'aux escaliers se trouvant au fond.
Trainant souvent dans les couloirs à l'heure des cours, car elle était en retard ou qu'elle évitait une heure pénible avec ses camarades, elle savait que le nettoyage de l'établissement durant la pause de midi débutait toujours par là pour une raison qu'elle ignorait mais elle ne s'était jamais posé la question.
En effet, une femme en blouse bleu-ciel accompagnée de son chariot équipé d'un bac rouge, d'un sac poubelle et chargé de différents produits d'entretiens, balayait les premières marches.
Eléa se racla la gorge pour signaler sa présence, économisant ses paroles, auxquelles on accordait peu de crédit de toute manière.
La femme se retourna et elle l'examina comme si elle était une des saletés qu'elle ramassait quotidiennement.
Ne s'en préoccupant pas, ayant l'habitude comme pour tout le reste, la jeune fille se contenter de lui expliquer en quelques phrases qu'elle devait nettoyer le sol devant son casier. La femme arqua le côté supérieur gauche de sa bouche en un rictus méprisant puis elle poussa son chariot jusqu'à Eléa, le lui remettant brutalement entre les mains, et elle partit sans plus se soucier de la jeune fille, peut-être pour aller prendre un café.
Eléa lui adressa une grimace dans le dos, comptant comme toujours sur sa musique pour se calmer, puis elle saisit le chariot et le tira derrière elle jusqu'à son casier.
Soupirant et grommelant, elle se saisit d'un balais-serpillère qu'elle immergea dans le bac rouge remplis d'eau savonneuse, à moins que ce ne soit un produit quelconque, ce dont elle se moquait bien, puis, le laissant dégouliner sur le carrelage,elle le posa contre la large tache et commença à frotter.
Sauf que, évidemment, l'encre ne s'effaça pas aussi simplement. Il fallait qu'elle insiste. Toujours plus lassée, elle trempa une nouvelle fois le balais dans l'eau mais elle ne put reprendre sa besogne.
Un coup au niveau de son genou lui fit involontairement plier son articulation et elle chuta dans la flaque où se mêlaient encre et eau grisâtre.
Se redressant sur son coude, elle releva les yeux sur Eve accompagnée de deux garçons dont son petit ami actuel.
Eléa serra les dents.
Elle ne pouvait pas être tranquille plus d'une heure, c'était visiblement trop demander.
Ses yeux descendirent sur le T-shirt d'Eve, qui n'était plus le même que toute à l'heure. Certainement s'était-elle changé pour se débarrasser du sang l'ayant taché.
Le cœur d'Eléa s'emballa alors qu'elle songeait de nouveau à cet incident et elle s'en sentit étrange et troublée.
Aurait-elle pu avoir une quelconque influence sur une trainée de sang séché ?
Elle ne voulait pas y penser. Elle ne devait pas user de ses pouvoirs et ne pas les laisser s'échapper de la prison dans laquelle elle les gardait soigneusement enfermés au fond d'elle.
Elle quitta brusquement ses réflexions lorsque Eve la saisit à la gorge en enfonçant ses ongles manucurés dans sa peau matte pour approcher son visage du sien.
La jeune fille rousse semblait réellement furieuse. Ce n'était pas seulement de l'amusement aux dépends d'Eléa pour se sentir supérieure mais une question d'orgueil personnel et de vengeance.
Visiblement, elle n'avait vraiment pas apprécié qu'Eléa se révolte en utilisant sa magie contre elle, même si c'était involontairement, elle s'en moquait elle voulait seulement lui faire payer.
Sans rien dire, Eléa la laissa la traiter ainsi, ayant comprit que résister serait permettre à son pouvoir de s'échapper en causant tous les dégâts dont il était capable.
Alors, la seule réaction qu'elle eut lorsque Eve la gifla sans la lâcher fut de s'assurer que ses lèvres n'étaient pas fendues, tout comme elle espérait que ses ongles dans son cou ne la feraient pas saigner. Si elle avait un accès direct à cet élément, elle craignait que, enfermée ou non, sa magie se libère et agisse seule, comme dans les toilettes il y avait une heure environ.
Un sourire mauvais et satisfait fendit le visage d'Eve alors qu'elle constatait qu'Eléa avait abandonné sa décision de résister et se laissait faire sans s'opposer.
Se penchant vers elle, elle siffla avec un regard torve :
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Les Yeux du Pouvoir - Tome 1 : Rouge Sang [Terminé]
ParanormalRepérés à la naissance à cause de leurs yeux d'une couleur inhabituelle, qui varie selon la magie pratiquée, les magiciens ont toujours eu à souffrir de discriminations à cause de leur différence. C'est le cas d'Eléanora qui doit tous les jours affr...