Chapitre 35 - Christophe Sarbes

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Julie se tourna vers son collègue dont les sourcils étaient encore davantage froncés que les siens au-dessus de ses yeux toujours rivés sur la fenêtre au carreau brisé depuis laquelle Salim s'était adressé à eux et où restaient quelques traces de sang.
Au coup de feu, tous se raidirent, prêts à intervenir, et plus particulièrement les membres du Raid qui portèrent la main à leurs fusils en regardant les deux inspecteurs, attendant leurs directives. En réponse à cette question silencieuse, Martial secoua négativement la tête, leur ordonnant de ne pas intervenir et de seulement rester en position ici.
Le preneur d'otages leur avait clairement certifié qu'il n'hésiterait pas à faire feu si ils approchaient et l'état dans lequel se trouvait Salim laissait grandement supposer qu'il était tout à fait capable de mettre sa menace à exécution or, la sécurité des élèves demeurait la priorité, déjà que la détonation ayant résonné quelques secondes après la disparition de Salim à la fenêtre n'était guère pour les rassurer.
Cela ne signifiait pas qu'ils ne comptaient pas agir, bien au contraire, mais seulement qu'ils ne pouvaient pas le faire sans connaissances précises de la situation. Ils devaient en apprendre davantage sur l'identité et les motivations de l'homme, sur la position et l'état de santé des élèves qu'il ne fallait pas risquer de blesser. Leur priorité et objectif premier demeurait de les sauver, neutraliser le preneur d'otages était secondaire, bien qu'ils devraient certainement passer par cette étape pour les en délivrer.
Il leur fallait donc obtenir davantage d'informations et ils ne disposaient pas de beaucoup de moyens pour ce faire. En charge de l'opération puisque déjà sur place, les deux inspecteurs s'isolèrent de quelques pas pour se concerter, Julie s'en remettant à son collègue plus expérimenté qui, lui recherchait son assentiment. Ils convinrent qu'ils n'avaient réellement qu'une seule piste pour se renseigner sur leur homme : l'adresse fournie par Salim, qui ne l'avait sûrement pas fait pour rien, et avait donc une importance peu anodine. Avec quelques recherches, ils devraient obtenir quelques informations d'intérêt et pourraient même envoyer un officier subalterne sur place pour voir de quoi il s'agissait.
Après quelques minutes d'échange, ils décidèrent donc que Martial se chargerait de s renseigner sur cette mystérieuse adresse,seul réel indice qu'ils possédaient, pendant que Julie s'efforcerait de communiquer avec la preneur d'otages, à la fois pour récolter plu d'informations, plus sur son état d'esprit que sur son identité, mais surtout car, tant qu'il parlerait, il ne menacerait et ne blesserait personne.
Peut-être même réussirait-elle à le convaincre de relâcher l'un des élèves. Même un seul serait déjà une victoire et avancée encourageante ainsi qu'un espoir pour le reste des prisonniers. Ce n'était pas par hasard qu'ils avaient préféré confier cette tâche à l'inspecteur Guyon. Premièrement car les gens s'ouvraient plus facilement à une femme et deuxièmement car elle glaçait nettement moins ses interlocuteurs que son collègue. Elle pouvait également compter sur son expérience gagnée au fil des différents interrogatoires menés dans le cadre de ses fonctions pour décrypter les réponses et interpréter le comportement de l'homme ainsi que sur une licence de psychologie. Des deux, elle était clairement la plus apte à mener cet échange et à parvenir à le faire révéler des informations sur ses intentions et libérer l'un des élèves.
Gardant son arme dissimulée sous sa veste, elle s'avança sous la fenêtre partiellement brisée qu'elle observa, les yeux plissés pour accroître son acuité visuelle, mais elle ne voyait rien à travers, seulement le mur opposé peint d'une couleur pêche, celui où s'ouvrait la porte qui était actuellement bloquée par l'une des tables. Julie hocha le menton avec une pointe de satisfaction.
Ils avaient déjà une connaissance supplémentaire sur la disposition de la salle et l'organisation que l'homme avait adopté pour sa prise d'otages. Crayon en main, elle sortit son calepin, toujours sur elle dans l'une de ses poches, et y inscrivit que la porte était obstruée de l'intérieure mais pas impossible à ouvrir, avec un bélier par exemple.
Après avoir noté ce détail, qu'elle n'aurait certainement pas oublié de toute manière, elle se retourna pour voir son collègue s'engouffrer dans le dortoir, où ils avaient installé le poste de commandement, pour mener les recherches sur l'adresse. Martial lui adressa un signe d'encouragement, conscient qu'elle appréhendait grandement comme elle n'avait jamais participé à ce genre d'opération et qu'elle savait parfaitement que la sécurité, la vie, des otages reposaient sur ses épaules mais également confiante en ses capacités à réussir.
Prenant une grande inspiration pour s'encourager, elle fit de nouveau face à la fenêtre et appela sans citer aucun nom, criant seulement à la cantonade,mais personne ne répondit. Cependant, elle crut tout de même apercevoir furtivement un regard dans l'angle de la fenêtre. Bien, même si on ne lui répondait pas, elle avait la confirmation qu'elle avait l'attention de son interlocuteur.
En effet, plaqué contre le trumeau et les deux mains serrées autour de la crosse de son pistolet, l'homme observait l'inspectrice d'un regard discret, tenter d'observer sans se faire repérer vérifiant que son ordre était respecté et qu'aucune approche ne se faisait, ce qui était effectivement le cas. En revanche, il ne semblait pas davantage disposé à communiquer avec les autorités.
À l'inverse, les élèves se mordaient l'intérieur des jours pour résister à la tentation de répondre à l'appelle de l'inspectrice. Estimant qu'il fallait qu'ils lui réponde, et surtout que Salim reçoive des soins – le jeune homme grognait toujours de douleur à terre – Gabriel ouvrit la bouche mais Eléa l'empêcha de formuler en serrant plus fortement sa main dans la sienne.
Scellant de nouveau ses lèvres l'une contre l'autre, il regarda la jeune fille qui secoua la tête de gauche à droite pour le dissuader d'aller au bout de sa décision, ses yeux rouges remplis de larmes. Elle ne voulait pas le voir dans le même état que Salim ou que Lavande quelques minutes auparavant ou encore pire, elle ne le supporterait pas.
Si elle n'avait pas craqué en cédant totalement à la panique c'était uniquement grâce à sa présence à ses côtés, à ses doigts entre les siens, et elle ne pourrait pas affronter cette situation si elle perdait ce contacte. Gabriel le comprit à travers son expression et les mouvements nerveux qui traversaient son aura bordée de rouge. Saisissant qu'il remplirait aussi bien son rôle, si ce n'était davantage, en continuant à soutenir Eléa qu'en se sacrifiant, il renonça à son idée et s'installa de nouveau contre le mur et, comme les autres, s'efforçant de garder le silence. Eléa soupira de soulagement.
Même si, actuellement, sa seule envie était de se jeter sur leur agresseur pour lui arracher son arme et s'en servir pour le rouer de coups, elle demeurait réaliste et savait que, si elle ou un autre tentait quelque chose du genre, ils échoueraient avant même d'avoir réellement commencé. Dans ces circonstances, le secours viendrait certainement de l'extérieur et non d'eux-mêmes, leur tâche étant de demeurer en vie.
D'ailleurs, la police se chargeait de les faire sortir et l'inspecteur Guyon reprenait :

Les Yeux du Pouvoir - Tome 1 : Rouge Sang  [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant