Chapitre 6 - Installation

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Aux paroles de Gabriel, l'appréhension d'Eléa revint l'étreindre et elle oublia son désir de se serrer contre le jeune homme.
Que voulait-il lui faire comprendre par cette phrase ? Qu'est-ce qui l'attendait derrière cette porte ?
Elle regarda Gabriel cogner quelques coups alors que son imagination s'affolait en l'inquiétant, les dents mordillant sa lèvre inférieure et se tordant les mains. Quelques secondes s'écoulèrent puis la porte pivota. Eléa releva son regard sur l'une des deux personnes dont elle allait partager la chambre.
Comme elle s'en doutait, il s'agissait d'une jeune fille et elle était aussi grande que Gabriel, ce qui se sentir Eléa encore plus minuscule. Sa peau avait la couleur de l'ébène, tout comme ses cheveux coupés très courts sur son crâne, à la garçonne, un style qui contrastait énormément avec sa tenue : une jupe droite vert émeraude, un élégant chemisier blanc sans manche et blazer court noir, tout comme le maquillage sophistiqué qu'elle arborait. Ses yeux bordeaux en amande, plus ouverts d'un côté que de l'autre, étaient soulignés d'un trait d'eye liner qui se terminait en pointe relevée et ses paupières étaient recouvertes d'un fard cuivré. Ses lèvres charnues, elles, étaient colorées d'un brun tirant légèrement sur l'amarante. Sa pommette droite, haute et marquée, comme sa jumelle de gauche, était piquée d'un grain de beauté mais impossible de savoir si il appartenait au reste du maquillage ou si il était naturel.
En tous cas, elle ne paraissait pas aussi terrible que le laissait supposer la remarque de Gabriel.
Au contraire, elle sourit en avisant Eléa qui se tenait légèrement en retrait derrière Gabriel, appréhendant.
Lui tendant la main, elle se présenta :

« Bonjour, je suis Marianne Delors. Tu es Eléanora Sergan ?
- Eléa, je préfère. Indiqua cette dernière sans serrer la main de Marianne, sur la défensive. Tu attendais quelqu'un d'autre ?
- C'est juste que je ne t'imaginais pas comme ça.
- Navrée de te décevoir. Ironisa Eléa.
- Je vais déjà apprendre à te connaître avant de savoir si je suis déçue ou non.
- Bon, je vais te laisser t'installer. À tout à l'heure, sûrement.

Déclara Gabriel en laissant sa valise à Eléa, puis, après un sourire plastique supplémentaire, il remonta le couloir pour disparaître ensuivant le tournant, les mains dans les poches.
Eléa le suivit des yeux avant de revenir sur Marianne, qui lui adressa un regard éloquent. Eléa baissa le menton, gênée d'être ainsi découverte.
Ne faisant cependant aucun commentaire, Marianne s'écarta de l'embrasure de la porte pour lui permettre d'entrer avec son énorme valise.
L'organisation de la chambre était simple. Deux lits en face de la porte séparés par une fenêtre, celui de gauche poussé contre le mur ouest, et le dernier était dissimulé par l'angle de la porte et était le seul à être installé à l'horizontal. Chacun avait son bureau, contre le pied pour celui de gauche, juste à côté pour celui de droite et contre le mur de l'autre côté de la porte pour le dernier. Pour terminer, un immense placard occupait tout le mur ouest ainsi qu'une portion du sud.
Eléa traina sa valise au centre de la chambre en l'examinant. Pas difficile de deviner où elle s'installait. Les deux lits côte à côte étaient visiblement déjà pris. Celui de droite, parfaitement fait, était recouvert d'une parure brunes aux reflets dorés satinés et lissés et le bureau à côté était rangé avec une incroyable rigueur. Quant à celui de gauche, les draps, à motifs léopard rose d'un goût discutable, étaient froissés et roulés en boule. Le dessus du bureau était à cette image, avec des stylos, des feuilles, deux classeurs, quelques livres et un ordinateur portable fermé s'éparpillant dessus dans un complet désordre.
Les deux côtés étaient de parfaits reflets inversés, certainement comme les deux jeunes filles qui les occupaient, sauf que Eléa ne pouvait pas réellement juger puisque sa deuxième camarade ne se trouvait pas là. Il n'y avait que Marianne, qui reprit la lecture de son roman, allongée sur son lit, sans plus sembler se préoccuper d'Eléa. En réalité, elle la laissait s'installer tranquillement sans l'importuner ou la déranger et elle ne comptait pas l'interroger sur elle et sa vie, préférant la découvrir et apprendre à la connaître au fil du temps qu'elles passeraient ensemble.
Eléa préférait cela également. Elle ne se sentait pas plus à l'aise même si elle constatait qu'elle était acceptée comme n'importe qui. Sa coquille et ses habitudes de protection qu'elle s'était forgé durant toutes ces années lui hurlaient de se méfier, de rester sur ses gardes et la défensive, qu'elle ne pouvait pas être certaine de la sincérité de personne et que même Gabriel ne semblait pas pleinement sincère avec ses sourires figés à la chaine.
Ça, même si elle aurait souhaité le nier, elle était obligée de le reconnaître. Le jeune homme portait comme un masque de bienveillance.
Ses écouteurs dans les oreilles, créant sa bulle autour d'elle, elle tira sa valise jusqu'au lit qui était à présent le sien. Le matelas était simplement posé sur le sommier sans rien de plus, mais il était pourvu d'un tiroir, ce qu'elle n'avait pas remarqué auparavant. S'agenouillant, elle ouvrit sa valise au sil et entreprit de la vider en en sortant ses affaires qu'elle organisa sur son lit avant de les ranger à leurs places définitives, dans le tiroir sous le sommier, sur le bureau ou dans la partie du placard lui étant réservée.
Efficace et ne trainant pas, elle eut rapidement terminé de tout mettre à sa place malgré la grande quantité d'affaires apportée. Ne restait que celles de toilette qu'elle chargea dans ses bras pour franchir la porte à côté de son lit et qu'elle devinait être celle de la salle de bain. Supposition juste.
Un lavabo surmonté d'un miroir accolé à une cabine de douche et un porte-serviette accroché au mur opposé se partageaient l'espace de la petite pièce. Il y avait également une étagère blanche à côté de la porte pour poser les affaires et, à l'image de la chambre, deux parties bien séparées se distinguaient. L'une organisée et triée, celle de Marianne, et l'autre où tout était entassé, celle de sa deuxième colocataire qui ne se montrait toujours pas. Eléa rangea sa trousse de toilette sur la planche libre et jeta sa serviette avec les autres puis sortit en éteignant la lumière.
Repliant sa valise, elle la cala dans un coin de placard qu'elle avait gardé pour cela puis elle regarda autour d'elle, toujours aussi troublée et incertaine dans ses pensées.
À présent, elle était officiellement installée et appartenait à l'institut Belforde, au même titre que tous les autres pensionnaires, mais elle ignorait toujours ce que cela lui faisait ressentir exactement. Peut-être que l'idée ne s'était pas encore pleinement ancré dans son esprit, qu'elle ne se rendait pas encore réellement compte. Pourtant, c'était son nouveau foyer et sa nouvelle vie.
Certainement lui faudrait-il quelques jours, le temps de se prendre dans la routine de l'endroit, avant qu'elle ne réalise véritablement.
Elle embrassa la petite chambre d'un regard circulaire et ses yeux s'arrêtèrent sur le lit aux draps léopards.
Prenant la parole après un long silence d'une demie-heure, non pas pour réellement faire la conversation, mais pour se renseigner et ainsi savoir à quoi s'attendre, l'appréhension ne l'ayant pas quitté, mais s'étant seulement momentanément réduite, elle demanda à Marianne en montrant l'espace de désordre d'un mouvement du menton en se référant au nom en rose sur la porte :

Les Yeux du Pouvoir - Tome 1 : Rouge Sang  [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant