Chapitre 34 - Salim et la mort

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Plus personne ne respirait et Léo encore moins, les yeux rivés sur la bouche mortelle, s'attendant à en voir jaillir la balle qui n'aurait presque pas de distance à parcourir pour se loger dans son crâne.
Il devait reconnaître que si, effectivement, il était demeuré sur ses gardes et avait relativement prévu ses actions durant sa diversion qu'il avait pensé à organiser, il n'avait absolument pas songé à la fin ou à ce qu'il se produirait lorsque Lavande serait soignée et qu'il cesserait de déployer ses pouvoir pour détourner son attention. Pourtant, il était évident qu'il ne pourrait pas rejoindre le groupe de ses camarades, toujours tassés contre le mur du fond, comme si de rien n'était, avec la permission de leur attaquant qui le laisserait tranquillement faire sans rien dire.
Après tout, il l'avait attaqué, avait défié son autorité qu'il maintenait avec son arme, qui plus était, à l'aide de sa magie, ce qu'il abhorrait et était venu détruire d'après ses dires.
Comment cela aurait-il pu bien se terminer ? Comment n'avait-il pas réfléchis aux conséquences de cette action ?
Car il était inconséquent et qu'il n'avait pas vu plus loin que le fait que Lucille avait besoin d'une diversion pour soigner Lavande. Alors, sans réfléchir davantage, comme bien souvent sauf que, aujourd'hui,c'était véritablement sa vie qu'il mettait en jeu par son irresponsabilité, il lui en avait fourni une sans songer à ce que cela impliquait réellement pour lui.
Le coup ne partait toujours pas et le temps paraissait se dilater, les secondes se muant en heures.
Relevant le regard, il croisa de nouveau celui de Lison aux pupilles tremblantes. Il la sentait prête à bondir pour intervenir, ce qu'il ne souhaitait pas. Non pas qu'il tenait davantage à adopter la figure du héros se sacrifiant qu'un peu plus tôt mais qu'il était inutile qu'un autre se retrouve ainsi en aussi mauvaise posture, et surtout pas Lison. Elle risquerait de devenir la cible de leur agresseur et Léo préférait vraiment recevoir cette balle plutôt qu'elle soit blessée. Pas question qu'elle le soit par sa faute.
Sauf que la jeune fille n'avait pas non plus l'intention de le laisser être blessé, elle ne permettrait pas qu'il soit tué sous ses yeux et son clin d'œil ne suffisait pas à lui faire croire que tout irait et allait bien. Le pistolet était contre son front, il ne s'agissait pas seulement d'une plaisanterie qui tournait mal dont il pourrait s'échapper d'une pirouette.
Alors pourquoi agissait-il comme si avec ce sourire et ce clin d'œil qu'il lui adressait comme sereinement ? Certainement ne voyait-elle pas le tremblement de ses mains ni le spasme qui déformait son sourire sur la gauche.
Quoi qu'il en était, elle n'assisterait pas impuissante à cette exécution, pas question. Certes, elle ne pouvait pas grand chose pour l'empêcher, à part se jeter sur l'homme, contre qui elle n'avait guère de chances de victoire, bien plus fluette, ce qui n'aurait comme conséquence que d'offrir quelques secondes à Léo avant de le rejoindre. Seule, il n'y avait pas de réel secours qu'elle puisse apporter et les autres se demandaient également que faire.
Tentant le tout pour le tout,faisant la seule chose qui était en son pouvoir, Lison usa de sa magie. Un son discordant et affreusement strident résonna dans la salle de classe, poussant tout le monde à se plaquer les paumes sur les oreilles pour se protéger les tympans, y compris l'homme qui, pour ce faire, éloigna involontairement le canon du front de Léo, pointant l'arme vers le plafond.
Cette attaque sonore ne dura pas longtemps, seulement quelques secondes, mais laissa à leur agresseur l'ouïe défaillante, envahie d'acouphènes, et l'esprit déstabilisé, regardant autour de lui sans comprendre ce qu'il venait de se produire, oubliant totalement Léo et l'arme qu'il braquait sur lui et qui ne visait maintenant plus rien, tournoyant au rythme des mouvements de son propriétaire perturbé.
L'instant semblait parfait pour en profiter, c'était ce que pensa Léo, mais il commençait à peine à se relever que le pistolet se dirigea de nouveau vers lui, son mouvement ayant rappelé sa présence à l'homme.
Pas pour longtemps car on le saisit fermement par le poignet en lui tordant le bras pour éloigner l'arme de Léo.
Personne n'avait vu Salim bondir ni ne l'avait prévu ou s'y attendait. Pourtant, c'était bien lui qui serrait l'avant-bras de l'homme, le forçant à le lever vers le plafond, l'empêchant ainsi de tirer sur Léo. Trop épuisé par sa forte dépense de magie, ce dernier ne songea pas à prêter main forte à Salim ni même à s'éloigner.
Résistant et luttant, l'homme envoya son coude dans l'abdomen de Salim, le faisant se plier en deux alors que tout l'air était chassé de ses poumons, mais il ne le libéra pas contrairement à ce qu'il espérait.  À l'inverse, il resserra sa prise autour de son poignet par réflexe, enfonçant ses ongles dans sa peau. Sauf que l'homme ne comptait pas abandonner, persuadé d'être porté par la plus grande des causes, et, se moquant de la douleur provoqué par les griffures, il chercha à s'arracher à la poigne de Salim, tirant son bras vers l'avant, mais Salim ne lâchait toujours pas, aussi déterminé et obstiné que lui.
Ne pouvant cependant pas résister à la traction, il se retrouva plaqué contre le dos de son adversaire qui avança de quelques pas.
Grognant d'effort, il referma sa deuxième main sur la crosse du pistolet, tentant de le lui arracher, mais sa prise n'était pas idéale, tout comme sa position. Sans compter qu'il peinait de plus en plus à garder ses mains en place à cause des ruades et des coups que donnait l'autre. Pour ajouter à cela, il était déconcentré par la vision qui l'assaillait et se rejouait dans son esprit depuis qu'il était en contacte avec leur attaquant qui, lui, pouvant se focaliser entièrement sur leur affrontement et ne se privait pas pour frapper Salim dans le but de le faire lâcher prise.
Heureusement, le jeune homme subissait une telle torture psychologique chaque jour que la douleur physique n'avait guère d'emprise sur lui. Seulement, il n'allait pas pouvoir rester ainsi à se contenter de s'accrocher au pistolet, surtout que ses doigts glissaient dessus, et à encaisser les coups dont l'homme lui labourait le ventre et la poitrine.
Il devait s'emparer de son arme pour annuler ce qui faisait la majorité de sa menace et rendait le danger réel.
Gagnant quelques centimètres d'un bond, plus petit que leur agresseur, Salim change de prise sur l'arme. Ses doigts se refermèrent autour du canon qu'il s'efforça de ramener en arrière, vers lui. En réaction, l'homme raffermit sa propre prise sur l'arme et, dans l'empoignade, il pressa involontairement la gâchette.
Le bruit de détonation résonna encore entre les murs de la salle de classe.
Tous sursautèrent et s'observèrent les uns les autres, en panique, cherchant qui était blessé, avant de comprendre que la balle s'était logé dans le plafond, comme en témoignait l'impacte et la poussière de plâtre qui tomba sur Salim et son adversaire.
Bien qu'ils en furent tous deux surpris, n'ayant pas eu l'intention d'actionner la détente, ce coup de feu ne permit pas à l'un d'entre eux de prendre l'avantage. Du moins, pas immédiatement, car, se reprenant le premier, Salim remonta violemment son genou dans le dos de son adversaire, le faisant tituber et chuter contre une table sur laquelle il se rattrapa.
S'appuyant contre lui, le plaquant davantage contre la table, le jeune homme essaya de récupérer le pistolet mais l'autre réagit rapidement et riposta. Dressant le pied vers l'arrière, il frappa Salim au tibia, ce qui ne le fit toujours pas lâcher sa prise. Enchaînant en relevant vivement la tête, son crâne heurta brutalement Salim au visage et son nez craqua douloureusement.
Sa vision se voilà momentanément de noir et sa poigne faiblit à cause du coup mais il s'obligea à demeurer alerte,s'empêchant de vaciller en arrière, et gardant les doigts serrés d'un côté sur l'arme de l'homme et de l'autre sur le bras de ce dernier, qui put se redresser sans que le jeune homme n'oppose de réelle résistance, sonné malgré ses efforts. Salim toujours donc accroché à lui dans son dos, il recula de quelques pas jusqu'au mur le plus proche puis, prenant un peu d'élan, il écrasa violemment le jeune homme contre, l'assommant à moitié et se libérant enfin.
Salim resta appuyé contre le mur où il s'agrippa pour ne pas s'affaisser au sol avec le goût du sang dans la gorge.
Se forçant à remettre ses pensées en ordre et à retrouver ses esprits, il secoua la tête de gauche à droite, projetant des gouttelettes de sang autour de lui depuis son nez blessé. Se reprenant, il découvrit le canon du pistolet braqué sur lui, Léo réfugié auprès des autres et Raphaël sur le point d'exploser, bien que Salim savait qu'il se contiendrait en conservant sa magie enfermée car, si il la libérait,les dégâts seraient certainement plus graves et importants que ceux que causeraient leur agresseur avec seulement son arme or, c'était bien l'une des dernières choses que le garçon souhaitait.
Apparemment, l'homme avait oublié Léo qu'il avait remplacé par Salim, qui se retrouvait donc en fort mauvaise posture.
Pourtant, il ne parut pas s'en inquiéter. Au contraire, un sourire étira ses lèvres. Pas un sourire joyeux ou victorieux, ni même fou, mais en coin, amer et désabusé, reflétant son intériorité. Il essuya le sang maculant son visage et lança, pas un défis ou une provocation, mais juste comme une simple déclaration :

Les Yeux du Pouvoir - Tome 1 : Rouge Sang  [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant