Chapitre 17 - Conséquences

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Un deuxième réveil difficile, consécutif au premier pour Eléa et, comme la veille, elle ne souhaitait pas se lever, n'en ayant pas le courage, préférant rester enfouie sous ses draps plutôt que d'affronter la situation qui lui faisait regretter sa gêne concernant Gabriel et leur baiser échangé.
Le réfectoire était plein lors de ce nouvel incident, presque tous les pensionnaires y avait assisté et les autres se l'étaient fait raconter. Il n'y avait pas une personne qui l'ignorait. Cela n'arrangerait guère sa réputation et la crainte que beaucoup manifestaient déjà à son égard à cause de sa magie.
Après que ses camarades l'aient convaincu de remonter du sous-sols, elle s'était réfugié dans sa chambre et n'en était pas ressortie de la journée, même pour le dîner, que Gabriel lui avait monté et avait partagé avec elle, assis au sol. Le jeune homme n'avait pas reparlé du baiser et Eléa n'y songeait plus vraiment, davantage préoccupée et inquiétée par cette nouvelle explosion incontrôlée de sa magie. Les autres lui avaient également tenu compagnie, s'efforçant de la rassurer, de la réconforter, de l'encourager, de la soutenir ou encore de la faire rire, avec moyennement de succès.
En effet, ce nouvel incident ne faisait que renforcer son avis négatif sur ses pouvoirs et donc surelle-même, tout comme il avait éveillé le souvenir d'Eve totalement ensanglantée dans son esprit. Si bien qu'elle avait cauchemardé et pleuré une grande partie de la nuit, forçant Marianne et Roxanne à rester à côté d'elle jusqu'à ce qu'elle se calme. Pourtant, aucune des deux jeunes filles ne s'étaient plaintes et elles s'étaient montré d'un grand soutiens pour Eléa, même si cela ne lui suffirait pas à ce qu'elle s'apaise réellement.
Même la voix douce et rassurante de sa mère à l'autre bout du fil n'avait pas pu le faire. Irina lui avait proposé de venir la chercher et de la ramener chez eux mais Eléa avait refusé. Elle était heureuse dans cette école prévue pour ceux comme elle et elle ne voulait pas fuir, elle souhaitait triompher de cette épreuve,ou au moins essayer, même si c'était fort difficile.
C'était donc éprouvée qu'elle se réveillait.
Alors que la sonnerie de son réveil s'élevait dans la chambre pour la quatrième fois, couvrant les paroles que Marianne et Roxanne échangeaient d'un ton bas, Eléa pensa qu'il était vraiment temps qu'elle se lève avant d'être en retard pour la première fois depuis son arrivée. Elle tenait à être présente et à suivre les cours normalement, ne serait-ce que pour s'empêcher de sombrer dans sa détresse et également pour donner une bonne impression, prouver qu'elle restait une élève comme les autres, aux autres ainsi qu'à elle-même.
S'encourageant mentalement en réunissant ses forces, elle repoussa sa couverture et se leva. À présent debout, elle remarqua que Marianne et Roxanne ne conversaient pas dans la salle de bain en se préparant mais, à côté de la fenêtre donnant sur le rue devant l'institut où elles désignaient régulièrement l'extérieur.
Intriguée et se demandant ce qui monopolisait ainsi leur attention, Eléa s'approcha. La remarquant, les deux autres jeunes filles la saluèrent et Marianne passa un bras réconfortant autour de ses épaules, s'apercevant bien qu'elle ne se portait pas réellement mieux que la veille.
À sa question silencieuse, manifestée par ses sourcils arqués, Roxanne lui dit de regarder à l'extérieur pour comprendre.
S'exécutant,elle s'approcha jusqu'à poser sa paume contre la vitre froide et constata que, massé devant le portail de l'école, se trouvait un groupe d'une trentaine de personnes brandissant des pancartes et hurlant injures et slogans. Cette scène rappela le jour où ses parents avaient choisi de l'inscrire à l'institut à Eléa car il s'agissait évidemment de militants anti-magiciens qui venaient clamer leur opposition à leur existence directement sous leurs fenêtres.
Bien que tous aient l'habitude de ce genre de réaction à leur égard, l'événement paraissait plutôt exceptionnel et préoccupant. Ils pouvaient remercier Marjorie pour cela car c'était son émission qui avait rendu l'institut Belforde célèbre et avait donné sa localisation. Sans compter que c'était certainement l'épisode de la veille qui avait poussé ces personnes à venir les accuser d'être des dangers pour tous, de les condamner au seul motif de leur différence.
En effet, ils avaient eu la forte mauvaise surprise, notamment Eléa, de découvrir, que, non seulement l'équipe de télévision avait enregistré l'incident au réfectoire mais que,surtout, elle s'était empressé de l'encodé et de le monter pour qu'elle soit diffusé dans la soirée. Toutes les personnes regardant le reportage avaient pu assister à la perte de contrôle d'Eléa, à l'explosion des bulles de sang et aux saignements des autres élèves.
Pour tous ceux qui avaient déjà un avis négatif sur les sorciers, cette scène servait d'arguments pour prouver la dangerosité et le manque de maîtrise des magiciens qui apparaissaient alors comme de véritables fléaux, des bombes à retardement, bien loin de la vision méliorative que cette émission était censée donner à la base.
D'ailleurs, Marjorie était demeurée invisible, craignant certainement de subir des représailles, aussi bien des élèves que de l'administration de l'établissement, à raison car tous étaient furieux. Léo avait même clairement menacé la jeune femme et il avait paru très sérieux. En revanche, Damien était venu trouver Marianne, piteux et la jeune fille avait transmis ses excuses à tous de sa part. Il avait apparemment tenté de dissuader Marjorie de diffuser cette séquence mais sans succès.
Eléa serra les poings en observant ces personnes qui les condamnaient sans chercher à comprendre et sans savoir et qui exigeaient leur enfermement, ou encore plus extrême, pour leur sécurité, sauf que sa colère n'était pas entièrement dirigée contre elles, ni même complètement vers Marjorie, mais également contre elle-même car c'était son incapacité à contrôler sa magie qui avait déclenché tout cela et provoqué cette réaction. Elle s'en voulait terriblement.
À cause de son manque de maîtrise, l'institut Belforde et sous ses pensionnaires allaient souffrir et devoir subir cela en serrant les dents car, si les habitants du quartier toléraient leur présence, ce n'était pas le cas d'autres qui venaient le faire savoir en déclamant leurs slogans haineux. Aujourd'hui, elle détestait encore plus ses pouvoirs et ce qu'elle était. Sans même le souhaiter ou y penser, elle blessait les seules personnes qui l'appréciaient et toutes celles qui partageaient son quotidien.
La jeune fille s'extirpa de ses pensées lorsque, depuis la rue, un homme les repéra derrière leur fenêtre et les indiqua à ses comparses. Ayant à présent des cibles tangibles à viser, le groupe se dirigea vers la façade où s'ouvrait la vitre en les invectivant et les pointant du doigt.
Eléa préféra reculer, supportant ces propos sans rien dire en serrant les dents comme elle en avait prit l'habitude durant ses années de brimades et Marianne l'imita en secouant la tête de gauche à droite, désapprouvant évidemment mais ne souhaitant pas leur accorder davantage de considération.
Contrairement à elles, Roxanne resta devant la fenêtre sous les invectives de ces individus. De toute évidence, elle brûlait de répliquer à ces attaques verbales et, pour  répartie, elle se tourna et, baissant le bas de son pyjama, elle exposa son fessier, dévoilé par un étroit string noir, aux manifestants, leur signalant ainsi fort élégamment qu'ils pouvaient tous aller se faire voir. Apparemment satisfaite, elle remonta son pantalon pour se diriger vers la salle de bain en déclarant qu'elle sentait que ça allait être une bonne journée. Que ce soit effectivement la vérité ou non, elle eut au moins le mérite d'arracher un sourire à Eléa, amusée par la désinvolture de Roxanne, qui ne se gênait jamais pour se dévoiler.
Cependant, son sourire disparu bien vite pour céder la place à une expression perplexe lorsque quelques coups furent frappés contre la porte. Eléa et Marianne échangèrent un regard, se demandant de quoi ils pouvaient bien s'agir si tôt.
N'ayant qu'un moyen pour les avoir, elles allèrent toutes deux ouvrir, s'attendant à trouver l'un des innombrables petits amis de Roxanne mais, à la place, elle découvrirent Gabriel, habillé, mais semblant soucieux, chose qui se comprenait au vue de la situation en ce début de mâtinée.

Les Yeux du Pouvoir - Tome 1 : Rouge Sang  [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant