Raphaël avait beau déployer toute la discrétion dont il était capable, se dissimuler et se voiler derrière pour disparaître, cela était inutile et il demeurait toujours aussi visible sur le petit divan. Il fallait dire que, seul face à Elisabeth, cette dernière n'avait personne d'autre à regarder.
Raphaël s'agita sur l'assise rembourrée en se tordant les mains, très mal-à-l'aise d'être ainsi observé. Il préférait nettement lorsqu'on l'oubliait, comme bien souvent, ce qui l'arrangeait au lieu de le blesser, que d'être le centre de l'attention comme actuellement.
Sans compter que, dans ce petit bureau, il devait parler de lui, de ce qu'il ressentait or, c'était bien le domaine où il était le moins à l'aise.
Déjà qu'il ne savait pas comment formuler ses émotions à lui-même, alors à quelqu'un d'autre, c'était pire qu'une épreuve. Il ne savait pas comment parler à autrui or, ici, les deux étaient réunis.
Heureusement, de séance en séance, année après année, il avait commencé à s'y habituer, et avait apprit à supporter ces conversations où il devait se confier. Il arrivait même à s'ouvrir un peu, tant qu'Elisabeth se chargeait de mener la discutions et posait les questions comme des pistes à suivre qu'empruntait Rapaël pour se confier.
Cette petite pièce était bien le seul endroit où il racontait ses secrets en dévoilant l'intérieur de son cœur.
Le sachant très bien, la psychologue prit la parole la première sans prendre la peine de passer par les politesses d'usage qui gênaient le garçon :« La situation n'est pas évidente en ce moment. Comment vis-tu tout ça ?
- Je crois que ça va.
- Es-tu sûr ? On ne peut pas se sentir comme d'habitude dans une situation pareille.
- Je suis surtout inquiet pour Salim. Lui, il est en prison alors qu'il n'a rien fait.
- Tu penses donc qu'il est innocent.
- Évidemment ! Il n'aurait jamais fait ça ! Les autres ne s'en rendent pas compte mais je vois beaucoup de choses, tout le temps, et je sais, pas seulement car j'aimerais y croire, mais car je le crois pour l'avoir observé et donc le connaître parfaitement. Le coupable court toujours et Salim est en cellule, tout seul.
- Il est seulement en garde-à-vue et reviendra demain. Sais-tu si l'avis des autres est le même ?
- Ils doutent. Je suis le seul à être aussi certain.
- Tu ne peux pas leur en vouloir. C'est dur d'avoir des certitudes sans preuve. Le doute est normal dans ce genre de circonstances.
- Peut-être... De toute manière, Salim s'en moque, je crois...
- C'est quelqu'un de très difficile à cerner, même pour toi qui dis le connaître.
- Je voudrais seulement que tout s'arrange...
- Comme tout le monde. D'ailleurs, ta famille est-elle au courant des derniers événements ?
- Oui, ma mère m'a appelé, puis Adrien et Jean-Baptiste. Ils sont inquiets et ils préféreraient que je rentre à la maison pour quelques temps.
- Et tu as refusé, toujours pour la même raison, je suppose.
- Bien sûr. Je suis partie de la maison pour une bonne raison et il n'est pas question que j'y retourne, surtout alors que je suis tendu à ce point. Ma magie pourrait jaillir d'un coup et les blesser, c'est la dernière chose que je souhaite. C'est à cause de moi qu'on a dû quitter notre village, parce que je suis incapable de contrôler mes foutus pouvoirs.
- Quand as-tu provoqué un accident pour la dernière fois ? (Raphaël réfléchit sans répondre). Nous sommes d'accord, ça remonte à longtemps. Tu sais maîtriser ta magie.
- Non, je ne crois pas. Je ne suis pas prêt et j'ai trop peur de les blesser, ce serait affreux.
- C'est surtout une question de confiance ce dont tu me parles.
- Justement, je n'ai pas confiance en moi...et puis, c'est chez moi ici. Je...je ne peux fuir comme ça. Et puis, je veux m'assurer que Salim va bien.
- Je comprend mais tu ne peux pas empêcher tes proches d'être inquiets à cause de cette situation.
- Oui mais comment leur dire que ça ira ? Ou comment dire à Salim que je sais qu'il n'a rien fait ? Je le lui ai dit mais ça n'a pas eu l'air de le toucher...
- Tu es le seul à le savoir.
- Mais je ne sais pas parler aux autres. Je me sens tellement décalé par rapport aux autres.
- Ce n'est qu'une impression et peut-être que ce qui te la donne c'est ton secret.
- Non, je ne crois pas que ce soit en cause, c'est la seule chose pour laquelle je suis sûr. »
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Les Yeux du Pouvoir - Tome 1 : Rouge Sang [Terminé]
ParanormalRepérés à la naissance à cause de leurs yeux d'une couleur inhabituelle, qui varie selon la magie pratiquée, les magiciens ont toujours eu à souffrir de discriminations à cause de leur différence. C'est le cas d'Eléanora qui doit tous les jours affr...