Chapitre 32 - Mâtinée ordinaire

109 25 14
                                    

La sonnerie du réveil de Marianne résonna dans la chambre de l'internat.
La jeune fille se pressa de la couper avant qu'elle ne dérange ses camarades endormies dans la chambre. Comme elle se levait bien plus tôt que Roxanne et Eléa, et encore plus aujourd'hui, elle s'efforçait de faire le minimum de bruits pour ne pas les réveiller, principe normal de cohabitation qui ne serait alors pas possible si elle n'avait aucun respect pour la vie de ses camarades.
Se levant donc en silence, elle repoussa sa couverture. Le froid du sol remonta le long de ses jambes depuis la plante de ses pieds nus et un frisson la traversa alors qu'elle faisait son lit, fidèle à sa routine matinale parfaitement réglée et ordonnée.
Récupérant la tenue qu'elle avait prévu la veille et qui était restée soigneusement pliée sur la chaise de son bureau, elle se dirigea vers la petite salle de bain mais, avant de s'y engouffrer, elle s'arrêta quelques instants face au lit de Roxanne où dormait cette dernière. Au moins, elle n'avait pas découché. Avec un lent mouvement pour ne pas importuner la jeune fille, Marianne plaça sa main sous le nez de Roxanne pour vérifier qu'elle percevait bien son souffle contre sa peau, ce qui était effectivement le cas.
Marianne soupira de soulagement en ramenant son bras vers elle. Elle avait prit l'habitude de s'assurer chaque matin en se levant que Roxanne respirait toujours il y avait déjà plusieurs années, hantée par la crainte qu'elle fasse un arrêt cardiaque ou quelque chose du genre à cause de toutes ses consommations, s'efforçant de veiller sur elle au mieux de ce qu'elle pouvait. Ce qui n'était pas toujours aisé que de protéger quelqu'un mû par l'auto-destruction.
Rassurée quant à l'état de son amie, Marianne gagna la salle de bain encore froide. N'attendant pas qu'elle se réchauffe, n'en ayant pas le temps, elle retira son pyjama et revêtit ses vêtement, soit des collants gris sous une robe épaisse à manches longues incarnat resserrée à la taille par une fine ceinture tressée aux embouts dorés par dessus laquelle elle passa une veste de tailleur noir cintrée. Se maquillant comme tous les matins, elle ourla ses yeux bordeaux de noir, colora ses paupières avec un fard bronze et termina par du rouge à lèvres cuivré.
Retournant dans la chambre à côté de son lit, elle prit le soin de plier son pyjama qu'elle glissa sous son oreiller. Après avoir vérifié qu'elle n'était pas en retard sur la montre qu'elle portait toujours au poignet, au contraire, elle était en avance, elle enfila de larges créoles sur ses lobes d'oreilles et fut prête à partir.
S'assurant qu'elle  n'oubliait rien, comme elle en était coutumière, prévoyante et ne laissant pas de place à l'imprévu, elle regarda qu'elle avait dans son sac ses affaires pour la première heure de cours de la journée, parmi lesquelles se trouvaient également son porte-monnaie et son téléphone portable.
Enveloppée dans son manteau lui arrivant aux genoux avec de la fourrure au col et aux poignets, la jeune fille sortit de la chambre.
À l'étage inférieur, elle passa la tête par la porte du foyer pour vérifier si il y avait quelqu'un à cette heure matinale, Salim par exemple, comme il avait prit l'habitude de dormir sur l'un des canapés depuis qu'il devait partager sa chambre avec Sylvain, avec qui il ne souhaitait entretenir aucune proximité. En effet, le jeune homme dormait, la tête contre l'un des accoudoirs, ses lunettes posées au sol.
À cette heure encore bien matinale, guère de personne n'était encore réveillée. Il n'y avait certainement qu'une partie du personnel et Marianne qui traversa le dortoir.
À l'extérieur, son souffle se condensa en un nuage de buée s'élevant de ses lèvres entrouvertes. Elle enfila une paire de gants en cuir pour se protéger du froid, qui l'attaquait, alors qu'elle remontait les deux cours jusqu'à la grille du portail. À cette heure, la concierge qui se chargeait des entrées et des sorties ne se trouvait pas encore à son poste mais Marianne ne comptait pas attendre qu'elle arrive. Pas question qu'elle soit en retard.
Les anses de son sac passée sur son épaule et le calant fermement sous son bras, la jeune fille usa d'un peu de magie pour alléger la gravité autour d'elle. Gagnant ainsi grandement en légèreté, elle n'eut aucune difficulté à escalader le portail pour atterrir en douceur de l'autre côté. Les chose s'avéreraient certainement plus compliquées au retour lorsqu'elle devrait expliquer aux policiers les raisons d'une sortie aussi matinale avant le commencement des cours mais elle n'avait pas envie de s'en occuper pour l'instant. Elle verrait bien lorsqu'elle y serait confronté.
Elle vérifia l'adresse, qu'elle avait prit soin de noter sur son téléphone, puis se mit en route sur le trottoir de la rue que les lampadaires éclairaient encore, masquant les étoiles. Le cou enfoncé dans ses épaules et son col en fourrure pour tenter de mieux supporter le froid mordant, elle changea de quartier, laissant l'institut derrière elle.
Vers le centre de la rue suivante, elle repéra l'enseigne, notamment grâce aux lumières projetées sur le goudron depuis la vitrine. Une légère appréhension au creux de la poitrine car elle n'avait jamais réellement fréquenté ce genre de lieux, elle poussa la porte du petit café déjà plein de nombreuses personnes venant prendre leur petit-déjeuner avant de se rendre au travail, comme elle.
Encore transie de froid, elle promena son regard sur la salle peuplée de quelques conversations à la recherche de son hôte parmi les clients attablés dont les yeux de certains se tournèrent vers elle pour la détailler en se focalisant particulièrement sur le bordeaux inhabituel de ses iris. Cependant, Marianne ne se laissa pas gagner par le malaise, estimant qu'elle n'avait pas à rougir de ce qu'elle était. Alors, à ces regards parfois hostiles, elle répliqua par un autre, dur, leur conseillant de se concentrer sur leur petit-déjeuner et que, de toute manière, elle se moquait de leur avis.
Avant que cet affrontement visuel, dans lequel Marianne ne comptait pas céder, décidée et obstinée, ne se transforme en un véritable incident, l'attention de la jeune fille fut attirée vers le fond de la salle où on lui faisait signe. Un large sourire se dessina sur son visage en réponse à celui de Damien qu'elle rejoignit en se faufilant à travers les tables.
Le jeune homme la salua en l'embrassant sur la joue et tous deux s'installèrent face à face. Ils commandèrent un petit déjeuner auprès du serveur puis, alors qu'elle retirait son manteau et ses gants, Marianne observa Damien et constata que, aujourd'hui, il portait ses lunettes devant ses yeux gris-verts, celles qu'il n'avait jamais mises durant le reportage.
Le serveur leur ramena deux tasses de café que Marianne sirota alors que Damien s'enquérant :

Les Yeux du Pouvoir - Tome 1 : Rouge Sang  [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant