« Eléa, ta valise est prête ?
Demanda Irina depuis la pièce à vivre dans un cri pour que Eléa puisse l'entendre depuis sa chambre.
Ne répondant pas, la jeune fille s'assura qu'elle avait prévu suffisamment de vêtements puis glissa sa nouvelle paire d'écouteurs dans son immense valise achetée pour l'occasion, cadeau de départ de ses parents, avant de la refermer. Elle ignorait comment elle allait bien pouvoir la porter alors qu'elle faisait la moitié de sa taille.
Cela ne faisait qu'une semaine qu'ils avaient pris la décision de l'envoyer dans cette institut. Les choses s'étaient faites rapidement grâce à la compréhension du directeur qui s'était efforcé d'accélérer la procédure au maximum pour ne pas laisser Eléa dans cette situation entre pneus lacérés et messages insultants inscrits sur la façade de la maison. Une pierre avait même brisée la fenêtre de sa chambre en pleine nuit et elle n'avait plus osé sortir ces derniers jours où l'attroupement devant leur porte n'avait cessé d'enfler.
Eléa ignorait si elle se réjouissait ou non de ce départ. Elle était soulagée de s'extirper de cette ambiance et de cette hostilité généralisée à son égard mais elle avait de nombreux doutes et questionnements sur cette école, ainsi qu'une bonne dose d'incompréhension. Elle verrait bien une fois qu'elle serait surplace.
De toute manière, ce ne pourrait pas être pire que actuellement ou que dans son ancien lycée, surtout que, comme présenté sur le site, tous les élèves étaient des magiciens comme une partie du personnel.
La jeune fille fit un tour sur elle-même pour embrasser sa chambre d'un regard circulaire, s'assurant qu'elle n'avait rien oublié.
Comme cela na semblait pas être le cas, elle traina sa lourde valise derrière et rejoignit ses parents qui l'attendaient. Patrick prit sa valise pour la porter dans la voiture en un profitant pour vérifier l'état des pneus, routine à laquelle il s'était habitué durant cette semaine.
Le suivant à l'extérieur, Eléa prit place à l'arrière de la voiture après avoir observé l'intérieur de la maison. Elle ne savait pas quand est-ce qu'elle pourrait y revenir car elle ne comptait pas se remontrer dans les parages avant que les tensions ne soient apaisées et pas mal de temps devrait être nécessaire à cela. Irina les rejoignit et Patrick démarra le moteur pour se diriger vers la sortie de la ville alors que la mâtinée débutait.
Une fois qu'ils eurent laissé l'agglomération derrière eux, ce qui ne fut pas vraiment pour déplaire à Eléa qui en haïssait les habitants après ce qu'ils lui avaient fuit subir durant toutes ces années, ils prirent la direction de Saint-Théophile des Mines, à cinq heures vers le nord-est.
Pour s'être brièvement renseigné sur internet, souhaitant se faire une idée de ce à quoi s'attendre, Eléa savait qu'il s'agissait d'une ville assez importante située à l'extrémité du bassin de Saint-Etienne, qui s'était grandement développée grâce à l'exploitation du charbon pour ensuite se reconvertir par de nombreuses activités commerciales ainsi que dans le domaine de l'éducation.
Comme pour l'école, Eléa ignorait qu'en penser mais elle devrait être capable de s'adapter. Elle avait la capacité de supporter beaucoup de choses, ces années de brimade avaient au moins eu le mérite de lui avoir forgé cette qualité.
La ville disparu derrière eux alors que les roues de la voiture engloutissaient l'asphalte, kilomètre après kilomètre. Autour d'eux, il n'y avait que la campagne, des champs utilisés pour la culture ou bien l'élevage aux tailles variés, parfois ponctués de hameaux ou de villages, souvent dans le lointains, dans les hauteurs des montagnes qui se distinguaient un peu avant l'horizon. Il s'agissait là d'un paysage paisible et monotone mais il n'aidait pas Eléa à se débarrasser de ses appréhensions et de ses craintes alors qu'elle le regardait défiler derrière la vitre.
Le soleil éclaira bientôt la route d'une forte lumière qui obligea Irina et Patrick à abaisser leurs pare-soleil devant leurs yeux.
Personne ne parlait et il régnait dans la voiture un silence assez pesant et attristé de la part d'Irina et Patrick qui se sentaient peinés devoir Eléa partir. Certes, ce n'était pas comme si elle prenait pleinement et réellement son envole mais l'idée de la séparation restait difficile. Quant à la jeune fille, elle demeurait perdue dans ses pensées.
Ils échangèrent davantage lorsqu'ils s'arrêtèrent dans une petite ville par laquelle ils firent un détour pour manger dans un restaurant sans prétention mais très agréable et confortable. Ils s'y attardèrent un peu pour se détendre et se délasser puis ils reprirent la route et arrivèrent à Saint-Théophile des Mines en début d'après-midi, comme ils l'avaient prévu.
Alors qu'elle était plutôt somnolente et désintéressée par ce qu'il se passait de l'autre côté de la fenêtre, Eléa se redressa et observa.
Ils suivaient une large rue bordée de platanes des deux côtés et dont les frondaisons taillées en carré formaient comme une haie en hauteur et longée par des commerces de toutes sortes.
Elle fixa aussi longtemps qu'elle le put une jeune fille sur le trottoir et dont le regard était rose. Les gens autour d'elle semblaient l'accepter ou seulement la tolérer, à moins qu'ils se contentent de l'ignorer. Dans tous les cas, les habitants "normaux" de la ville paraissaient être habitués à ceux moins ordinaires attirés par l'école.
Tournant le volant, Patrick fit bifurquer la voiture dans un autre quartier qui semblait agréable.
À gauche se trouvaient quelques habitations dépareillées alors que, de l'autre côté, s'élevait un haut mur en pierres claires qui semblait se prolonger par la face d'un bâtiment en briques plus foncées. Le longeant en suivant la route, qui le séparait des petits commerces situés en face, ils arrivèrent bientôt à un portail en métal peint en blanc qui dépassait légèrement la taille d'un homme.
Effectuant un créneau, Patrick s'inséra entre les autres voitures garées le long du trottoir. Eléa s'extirpa en claquant la portière derrière elle, le regard fixé sur le mur et le bâtiment qu'elle apercevait de l'autre côté. Cela ressemblait aux photos du site, le doute n'était pas permis et l'appréhension augmenta.
Les mains agitées de spasmes nerveux, elle récupéra sa valise, que Patrick lui sortit du coffre, et la tira derrière elle en suivant ses parents, non pas jusqu'au portail mais plus loin, à l'extrémité du mur où, faisant l'angle de la rue, dépassait un petit bâtiment semi-circulaire dont les pierres se confondaient avec celles du mur. Une vitre installée en guillotine occupait une large portion de la façade et permettant le contact avec l'intérieur. Apparemment, rien ne pouvait entrer dans l'école sans d'abord passer par ce qui pouvait s'apparenter à un concierge. Prudence rassurante et certainement nécessaire même si le quartier paraissait paisible et relativement consentir à la présence des magiciens.
Patrick cogna quelques coups contre la vitre pour se signaler alors qu'Irina passait un bras protecteur autour des épaules d'Eléa, cherchant à la rassurer mais également angoissée. On aurait pu croire à une mère laissant pour la première fois son enfant pour son premier jour de classe.
Dans le poste du concierge, une femme entre deux âges portant des lunettes à monture fine les examina à travers la fenêtre, s'attardant tout particulièrement sur Eléa et son regard rouge, puis elle leur fit signe de retourner au portail, visiblement au courant de leur arrivée. Obéissant, ils s'exécutèrent, ce qu'Eléa jugeait stupide mais elle se garda bien de le préciser.
Ils n'eurent pas à attendre bien longtemps devant la grille. La femme les rejoignit et déverrouilla le portail à l'aide d'une clés qu'elle portait sur un trousseau avec une vingtaine d'autres. Leur tenant le battant métallique, elle les fit entrer en leur expliquant en quelques mots où trouver le directeur.
Eléa n'écouta pas ces indications, entièrement focalisées sur son environnement. Entre le mur et ce qui semblait être le bâtiment principal, celui posant sur la page d'accueil du site, avec le troisième étage plus petit que les deux inférieurs, un peu comme un donjon de château fort sur un dessin d'enfant. Deux ailes symétriques à gauche et à droite en partaient et descendaient vers le mur avec un angle arrondis.
Plusieurs arbres se côtoyaient apparemment sans véritable ordre sur la pelouse parfaitement tondue qui s'étalait sur toute la superficie de ce qui était la cour, sauf sur un chemin dallé de pavés bruns clair qui débutait depuis le portail en traversant ce qui s'approchait davantage d'un jardin de manoir et faisait le tour du bassin rectangulaire de la fontaine, se trouvant plus proche du bâtiment que du mur, puis se séparaient en trois pour mener à la porte de chaque aile. Pour terminer, des bancs peints en gris clair s'éparpillaient un peu partout le long des édifices.
Quelques élèves se repartissaient dans l'espace par petits groupes ou en solitaire, parfois aussi en couple et Eléa constata que les plus âgés avaient environ son âge. Elle en remarqua des plus jeunes, mais seulement de quelques années.
Tout en observant tout autour d'elle, Eléa emboîta le pas à ses parents qui s'engagèrent sur le chemin tracé à travers l'herbe.
Plusieurs regards intrigués se tournèrent vers eux et la jeune fille se sentit de nouveau l'écart, incapable de se mêler aux autres, même lorsqu'il s'agissait de magiciens comme elle.
Arrivant à la fontaine, Eléa remarqua trois personnes en pleine conversation, deux assises sur le rebord du bassin qui devaient avoir environ treize ans et une autre leur faisant face debout qui semblait plus âgée à en juger par sa taille, qui était celle d'un adulte. La voyant de dos, Eléa ne pouvait distinguer ses traits mais, si elle se fiait à ses longs cheveux roux foncés et lisses cascadant jusqu'au bas de ses reins et coiffés d'un large bonnet rouge clair, c'était d'une fille, peut-être de son âge, d'un mètre quatre-vingt environ et à la silhouette athlétique.
Les avisant, les deux plus jeunes suspendirent leur discussion pour les examiner. Eléa contracta les épaules, n'appréciant pas cette sensation d'être une bête curieuse.
Suivant leur regard, la jeune fille se retourna et Eléa comprit son erreur car il s'agissait en réalité d'un jeune homme, plutôt séduisant dans son genre d'ailleurs. Elle s'était fourvoyé à cause de ses longs cheveux mais, une fois qu'on l'avait face à soi, le doute n'était plus possible.
Il avait une vingtaine d'années, la peau rosée à peine bronzée. Le bas de son visage était fort avec les mâchoires et le menton légèrement carrés, mais le haut était un peu plus fin avec les pommettes hautes juste marquées, un front plutôt étroit et un nez droit et pointu aux narines étroites. Cependant, Eléa se sentit immédiatement attirée par ses yeux de chat violets clair, pas tout à fait mauve.
Il portait un simple blue jeans et une chemise blanche légèrement déboutonnée. Les examinant comme Eléa le faisait avec lui, il avisa le regard sanglant de la jeune fille et la valise qu'elle trainait à sa suite.
Comprenant, il sourit, exposant deux rangées parfaites de dents blanches et Eléa se sentit comme défaillir à la vision des fossettes qui creusèrent les coins de ses lèvres. La jeune fille secoua discrètement la tête de gauche à droite pourchasser ces pensées. Que lui arrivait-il ? Elle s'efforça de ravaler son trouble alors que le jeune homme s'avançait vers eux entendant la main en un geste de salut.
Patrick hésita quelques secondes, quelques peu déstabilisé par ce soudain accueil auquel il ne s'attendait pas, avant de la serrer dans la sienne alors que le rouquin se présentait en souriant toujours :
VOUS LISEZ
Les Yeux du Pouvoir - Tome 1 : Rouge Sang [Terminé]
ParanormalRepérés à la naissance à cause de leurs yeux d'une couleur inhabituelle, qui varie selon la magie pratiquée, les magiciens ont toujours eu à souffrir de discriminations à cause de leur différence. C'est le cas d'Eléanora qui doit tous les jours affr...