Chapitre 9 - Marjorie et son équipe

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Appelée par Roxanne, qui s'adressait plus à la cantonade qu'à elle en particulier, Eléa quitta la salle de bain, où elle était occupée à fixer ses mèches hérissées avec du gel pendant que Marianne terminait son maquillage, se partageant l'espace et le miroir comme elles le pouvaient, pour gagner la fenêtre où les attendait la jeune fille aux cheveux roses.
Lorsque ses deux camarades l'eurent rejointe, Roxanne pointa l'entrée de l'école, sur laquelle elle avaient une vue dégagée, que franchissaient quatre personnes équipées d'un imposant matériel : caméra et perche de prise de son entre autres. La fameuse équipe de télévision venait d'arriver et, comme il l'avait signalé de son ton agacé, Gabriel les accueillait avec son sourire qu'Eléa était certaine de savoir factice à présent.
Les examinant, Roxanne fit un commentaire sur le physique du caméraman, ainsi que sur celui de celle qui était certainement la présentatrice de cette vaste plaisanterie. Eléa ne s'en étonna pas.
Au bout d'une semaine, elle s'était habitué au caractère excessif de sa colocataire qui l'amusait et se montrait sympathique. Elle s'était également accoutumé au calme de Marianne qu'elle appréciait pour cela.
Plus généralement, elle s'était faite à la classe et à l'institut Belforde dans laquelle elle se repérait de mieux en mieux, même si elle aurait préféré s'y égarer pour que Gabriel continue à la guider. Durant les derniers jours, son trouble à propos du jeune homme n'avait pas diminué et devenait même de plus en plus visible, comme lui prouvaient les taquineries de Roxanne et Lison. Irwan et Alana commençaient eux aussi à s'y mettre, ce qui agaçait évidemment Eléa, bien qu'elle se sentait bien dans cette classe dont elle était un membre à part entière, acceptée et même appréciée, même si elle restait toujours un peu distante et renfermée, certes moins que Salim, Raphaël ou encore Shikou dont, en une semaine, elle n'avait toujours pas entendu le son de la voix.
Comme le lui avait affirmé Gabriel, Monsieur Belforde, le professeur d'Histoire et même ses camarades, tout était effectivement mieux ici, où elle était normale parmi des gens qui la comprenaient, et tout semblait parfaitement aller et rien n'indiquait que ça changerait. Ses parents étaient ravis que tout se passe bien et qu'elle ait pu trouver une situation plus saine et plus stable dans cette école spécialisée, même si elle leur manquait.
Pour rassurer sa mère, Eléa lui avait promis de l'appeler tous les dimanche. Elle craignait de passer pour une petite fille incapable de se séparer de ses parents et encore accrochée dans les jupes de sa mère mais, au contraire, quelques de ses camarades lui avaient fait la remarque qu'elle avait de la chance d'avoir des parents tenant ainsi à elle et elle avait remarqué l'ombre dans les yeux colorés. Apparemment, les problèmes familiaux et l'abandon parental faisaient régulièrement partie de la vie des enfants nés avec de la magie dans le sang.
Elle comprenait mieux pourquoi beaucoup n'était guère enthousiasmés à l'idée de devoir confier leurs existences devant des caméras, choses dont ils ne s'étaient jamais encore ouvert à Eléa. Il fallait encore attendre qu'ils se connaissent mieux, plus en détails, et qu'ils se fassent réellement confiance, avant d'en arriver à se confier sur des éléments personnels.
Après tout, Eléa entamait seulement sa deuxième semaine à l'institut Belforde.
Quant au cours, que ce soit ceux d'Histoire ou de toute autre matière, ils l'avaient tous relativement passionné et elle avait déjà des dizaines et des dizaines de notes, même si certains cours lui étaient plus difficiles et opaques que d'autres. Elle s'était véritablement découverte une âme d'élève studieuse et assez douée pour les études, même si elle ne s'y jetait pas complètement et entièrement. Même si elle s'intéressait beaucoup à ce qu'elle apprenait, lorsque les heures de cours étaient terminées, elle laissait les études de côté jusqu'au lendemain pour plutôt passer un peu de temps avec ses camarades.
Dans tous les cas, ces interviews redoutées paraissaient impossibles à éviter et ne tarderaient plus puisque l'équipe venait d'arriver et,installée à côté du bassin de la fontaine, ses membres effectuaient quelques plans sur la cour et les bâtiments, certainement pour le générique ou la présentation de l'émission.
Gabriel avait bien tenté de s'entretenir avec le directeur pour le faire revenir sur sa décision mais Monsieur Belforde n'avait rien voulu entendre et avait congédié le jeune homme sans plus de cérémonie, ce qui avait confirmé l'impression de ce dernier qui lui faisait dire que son tuteur se comportait de manière étrange en ce moment.
Tous s'étaient donc résigné, comme ils le prévoyaient déjà, à devoir passer à l'écran mais ils ne comptaient pas pour autant s'étendre sur leurs vies ou offrir des larmes aux téléspectateurs, surtout pour Eléa.
S'arrachant à l'observation de l'équipe de l'émission, qui s'entretenait avec Gabriel sur le disposition de l'école, avec nettement moins de bonne humeur et de plaisir qu'avec Eléa, bien qu'il conservait toujours son attitude sympathique, les trois jeunes filles terminèrent de se préparer, Eléa en enfilant ses boots, Marianne en colorant ses lèvres de cuivré et Roxanne en nouant sa cravate à son col. Eléa avait pu constaté qu'elle avait pour coutume de réinterpréter les costumes-cravates en une version plus sexy.
Se munissant de leurs sacs de cours respectifs, elles sortirent de la chambre les unes à la suite des autres.
À l'étage inférieur, croisant Sylvain qui quittait sa chambre, son sac sur les épaules et vêtu d'un pull à carreaux écossais verts et bleus, Roxanne lui lança sur le ton de la plaisanterie, dissimulant son soulagement qui demeurait tout de même visible sur son visage :

Les Yeux du Pouvoir - Tome 1 : Rouge Sang  [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant