Chapitre 1 - Clin D'Oeil

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- The name is Sherlock Holmes and the address is 221B Baker Street.

John Watson se réveilla en sursaut. Approximativement une fois par semaine depuis la mort de Mary Morstan, il faisait ce rêve ; celui dans lequel il revoyait sa première rencontre avec Sherlock Holmes, quelques années auparavant. Et à chaque fois, à la fin de cette phrase, juste après le clin d'œil du cadet des Holmes à son égard, John se réveille brusquement. Il sent en lui comme une sorte de gêne, de peur ; son front est souvent humide et sa respiration saccadée. C'était comme si ce jour là, la première déduction de Sherlock face à lui, ce clin d'œil, avaient poussés John à accepter, à tout accepter ; en passant de vivre avec lui en tant que colocataires, à résoudre des crimes à ses côtés, et en allant même jusqu'à lui demander d'être le témoin de son mariage. C'était comme si ce clin d'œil avait présagé toute la suite : les bons moments passés ensemble mais aussi les pires épreuves comme le décès de Mary et la promesse non tenue de Sherlock de les protéger tous les deux. Car oui, il avait failli. Sherlock Holmes avait failli. Le plus grand détective de tous les temps, le génie de la déduction, n'avait pas réussi à prévoir l'acte héroïque de la femme la plus courageuse que John n'ait jamais connu.

L'horloge affichait 4:00 a.m., ce qui ne surprenait absolument pas John ; ce rêve avait pour habitude de le tirer du sommeil en plein milieu de la nuit. On devait être jeudi ou vendredi. John ne se souvenait plus et de toute façon ça n'avait pas d'importance. Plus rien n'avait vraiment d'importance depuis la disparition de Mary, de la seule femme qu'il ait jamais réellement aimé.

L'ancien militaire se leva. Il fit quelques pas en travers de sa chambre, autour de son lit, avec ce qu'il fallait de discrétion pour ne réveiller ni sa fille assoupie à ses côtés, ni son meilleur ami qui dormait dans la chambre du bas.

"Meilleur ami"...

Marcher lui permettait de calmer ses pensées, mais malgré cela il ne pouvait pas empêcher son esprit de divaguer sur Sherlock. "Bien sûr que tu es mon meilleur ami" lui avait-il dit lorsqu'il l'avait choisi pour témoin. Il le pensait, évidemment, cependant ces jours-ci son esprit avait quelques doutes. Sherlock était-il réellement son meilleur ami ? L'était-il vraiment même si John lui avait reproché à maintes reprises d'avoir tué sa femme ? Même s'il l'avait violemment frappé jusqu'à s'être lui même fait mal pour la même raison ? Quel genre de meilleur ami était John pour reprocher à Sherlock quelque chose dont il n'était pas responsable ? Pour remettre une couche sur la douleur que ressentait le détective en se sentant coupable d'une telle tragédie ?

Car oui, il avait réellement ressenti de la douleur, et John l'avait remarqué. Il ne pensait d'ailleurs pas ce sociopathe de haut niveau -comme il aimait se décrire- capable d'une telle émotion, de sentiments aussi forts. Il ne tenait pas Sherlock pour responsable, plus maintenant, néanmoins il se sentait lui-même coupable de lui en avoir voulu. L'homme toujours là pour lui, toujours prêt à lui sauver la vie, celui qui l'avait extrait entre autre d'un feu de joie dans lequel il était pris au piège, n'aurait pas pu tuer sa femme, il ne l'aurait jamais fait.

John s'assit au bord du lit et pris sa tête entre ses mains. Comment avait-il pu faire ça ? Comment avait-il pu accuser son meilleur ami d'une chose aussi terrible ? Sherlock n'était pas facile à vivre, c'était quelqu'un de désagréable, arrogant et narcissique ; mais il aimait John, il éprouvait pour lui des sentiments amicaux qu'il n'avait jamais éprouvé pour qui que ce soit. Et à la moindre difficulté qui sortait de l'ordinaire, John s'acharnait sur lui.

L'heure beaucoup trop matinale et les émotions se mélangeant, John sentit les larmes lui monter aux yeux. Alors il pensa à ceux de Sherlock. Et par conséquent à ce clin d'œil.

Finalement, il n'avait pas pour but de présager quelque chose de mauvais, mais plutôt quelque chose de rassurant ; une vie ensemble, rythmée et trépidante, mais une vie accompagné, il ne serait plus tout seul, jamais. Sherlock avait laissé John le tenir pour responsable de la mort de Mary. Il aurait pu le repousser, lui dire qu'il n'avait rien à voir avec tout ça, que Mary l'avait sauvé et qu'il ne pouvait pas empêcher un sauvetage ; mais non, il l'avait laissé l'accuser, il l'avait laissé le frapper, le haïr, lui hurler dessus.

En fin de compte, Sherlock avait toujours été là pour lui. Quelle que soit la situation, quelle que soit la douleur éprouvée ; physique ou morale. Sherlock avait toujours fait preuve d'une profonde amitié envers John, sans jamais le lui dire certes, mais c'était bel et bien le cas. Il lui avait fait comprendre tout au long de leurs aventures que John était tout ce qui comptait pour lui, une sorte de pilier, de boussole, et qu'il ne désirerait jamais se séparer de lui, sauf si cela reviendrait à le mettre en sécurité, comme lorsqu'il avait falsifié sa mort.

Lorsque le vent d'est s'était levé, que Eurus réapparu dans la vie de Sherlock, celui ci avait choisi John au lieu de Mycroft. Il avait préféré sacrifier son propre frère, plutôt que celui qui l'avait tenu responsable de la mort de sa femme. Évidemment Sherlock n'avait pas appuyé sur la gâchette. Mais tout de même. Il mettait John au dessus de tout dans son monde. Il le mettait au dessus de Mycroft, de l'homme qui avait toujours un temps d'avance sur lui et qui par conséquent pouvait toujours l'extirper des ennuis dans lesquels il se mettait ; peu importe le contexte, le détective consultant avait toujours le gouvernement britannique de son côté. Malgré cela, il avait choisi John.

Et Mycroft le savait. Il avait su qui son frère allait choisir, sans aucune hésitation. Il avait d'ailleurs essayé de tout faire pour que Sherlock ne regrette pas son choix en se comportant odieusement, encore plus que d'habitude. Il n'avait même pas cherché à le dissuader car il savait qu'il n'en serait pas capable.
La seule faiblesse de Sherlock est John.

Et il ne fallait pas être un génie de la déduction pour s'en rendre compte.

Escape Your Deduction - JohnlockOù les histoires vivent. Découvrez maintenant