Chapitre 21 - Face À Face

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Le message qu'il venait tout juste de lire se répétait encore et encore dans la tête de Sherlock, toujours accompagné de la voix de son destinataire. Cette voix si piquante, irritante, et enjoliveuse. Cette voix qu'il avait entendue des centaines de fois. Cette voix qui tournait dans sa tête chaque jour, chaque minute, chaque seconde.

Viens jouer avec moi.

Ça ne pouvait être que lui. Qui d'autre de toute façon ? Qui d'autre pouvait être assez fou, assez vicieux pour vouloir jouer avec lui ? Qui d'autre pouvait être assez enfantin et machiavélique pour formuler de la sorte un tel message ? Qui d'autre s'amusait avec lui ? Qui d'autre s'amusait autant que lui ?

Viens jouer avec moi.

Que voulait-il ? Où le voulait-il ? Que pouvait-il bien se tramer dans son esprit aussi tordu que sordide de génie du mal ? Que lui avait-il préparé ? Devait-il s'armer ? Il n'avait pas l'avantage cette fois-ci, or il avait toujours l'avantage. Il n'aimait pas cela.

Viens jouer avec moi.

Que devait-il faire ? Y aller ? Reculer ? Il ne pouvait pas ignorer une telle demande de toute façon, il le savait, il était maladivement attiré par ce genre de danger. Que dirait John ? Est-ce que John devait venir ? Fallait-il prévenir John ?

Viens jouer avec moi.

Non. Pas John. Mauvaise idée. John serait en danger. John ne doit pas être en danger. Et s'il mettait John en danger ? John doit rester en dehors du danger. Pas John.

Viens jouer avec moi.

Il vit la porte. Tout paraissait si clair. Il n'avait qu'à se lever, partir. Il le saurait. Il savait tout. Il n'avait qu'à mettre son manteau, ses gants. Il le saurait.

Viens jouer avec moi.

Une arme ? Pas d'arme. S'il lui arrivait quelque chose, John viendrait l'aider. Mais John serait en danger. Une arme.

Viens jouer avec moi.

La porte. Les escaliers. L'autre porte. La rue. Une voiture.

Viens jouer avec moi.

Ses pensées s'arretèrent net.

Devant lui se tenait une grosse berline noire, presque aussi imposante que celles qui transportaient Mycroft. Un homme en sortit ; il était grand, habillé tout en noir avec un costard presque trop petit pour ses muscles saillants qui le déformaient, son visage était caché, ses mains aussi. Il lui ouvrit la porte arrière et, lui faisant face, lui ordonna silencieusement d'entrer. Sherlock s'exécuta lentement. Impatient, le malabar le poussa violemment à l'intérieur ; il s'écrasa donc sur le siège à côté d'un autre homme d'une carrure à peu près semblable et portant le même accoutrement. Le chauffeur aussi portait cet uniforme ; cependant son visage n'était pas entièrement caché,  ses yeux étaient simplement camouflés derrière des lunettes de soleil. Sherlock ne put apercevoir qu'un bout de peau, l'homme était blanc ; très bien, ça ne l'avançait à rien. Tout avait été mis en place pour qu'il puisse effectuer le moins de déductions possible. Ce qui était totalement idiot selon lui, car il savait exactement où il allait. Il n'avait aucune idée de la destination, certes, mais il ne savait que trop bien la personne qu'il allait retrouver.

La berline s'arrêta devant un bâtiment qu'il connaissait d'une part car Londres n'avait aucun secret pour lui mais aussi d'autre part car c'était l'exact endroit où il avait retrouvé les enfants de l'ambassadeur américain. Quel lien pouvait-il y avoir entre cette ancienne affaire et la situation actuelle, si ce n'est le responsable de tout cela ?

Le premier homme lui ouvrit la porte. Une fois sortit de la voiture, le sociopathe se dirigea lentement mais sûrement vers la bâtisse, tout en gardant une main posée sur la poche de son manteau qui renfermait son arme.
Une fois à l'intérieur, il marcha en direction du cœur du bâtiment où il découvrit un écran de téléviseur installé sur une sorte de trépied de manière à ce qu'il soit à sa hauteur.

Le détective s'approcha, l'écran était noir, éteint. Soudainement, il s'éclaira d'une lumière blanche si forte que le génie dut fermer les yeux. Lorsqu'il les ouvrit, il vit qu'était affiché le visage de son rival, de son némésis comme il aimait se décrire.

- Merci d'être venu jouer avec moi, Sherlock.

Le détective voulu lui hurler que c'était impossible, qu'il était mort, qu'il l'avait vu, que ses yeux ne le trompaient pas. Mais très vite, il se rendit compte que ce que disait le Napoléon du crime avait été enregistré ; ce n'était pas du direct, tout avait été préparé à l'avance. Moriarty n'était pas là, il ne pouvait pas être là, il ne faisait même plus partie de ce monde.

- Bienvenue ici. J'espère que tu apprécies l'endroit. Continua la voix provocatrice de la vidéo. Si ce n'est pas le cas, ne t'en fais pas ; tu seras bientôt de retour chez toi.

Sherlock attendait la suite, impatiemment, la main dans la poche cette fois, les doigts serrés sur le pistolet, craignant une embuscade. Moriarty avait l'air trop heureux, trop sûr de lui. Il avait fait cet enregistrement dans le passé mais pourtant il avait l'air de savoir pertinemment qu'il avait déjà gagné une bataille que Sherlock ne soupçonnait pas encore.

- Comme tu le sais, je ne suis malheureusement pas dans la possibilité de te faire réellement face. Dit il avec un air triste exagéré.

Il avait prédit sa mort sûrement des semaines avant de la mettre en scène, avait prit le temps de faire cette vidéo, avait deviné l'avenir. James Moriarty était vraiment très intelligent, ce qui faisait que Sherlock le haïssait autant qu'il l'admirait.

- Mais... Ajouta-t-il sur un ton que le détective n'aimait pas du tout, se parler au travers d'un écran peut être très pratique. Je vais avoir besoin de cet appareil d'ailleurs, pour te montrer un petit quelque chose. Je suis sûr que ça te plaira. Profite du spectacle, honey.

Le criminel consultant appuya sur une télécommande et l'écran grésilla avant d'afficher une autre vidéo que celle où se trouvait le petit homme.

À la vue de celle-ci, le monde s'écroula autour de Sherlock. Son rival touchait à un point qui ne lui plaisait pas du tout.

- Je n'irai pas jusqu'à dire que je suis jaloux, mais...

Derrière le cadet des Holmes, la voix de Moriarty se fit entendre. Tout en sortant le pistolet de sa poche et tendant le bras, il se retourna brusquement, voulant faire face au bruit. Personne n'était derrière lui, tant pis, il tira. Son némésis était là, il devait l'être, il l'avait entendu, ses oreilles ne pouvaient pas le tromper. Il l'avait vu mourir, et l'entendait vivant ; ses sens étaient confus. À moins que, peut-être, cela ne soit qu'un coup du passé.

N'entendant plus aucun son et ne remarquant aucun mouvement, le sociopathe de haut niveau se tourna à nouveau vers la vidéo qu'il ne voulait pas voir. Mais il devait le faire, il devait attendre qu'elle se termine, il devait attendre que Moriarty réapparaîsse à l'écran.

Il se força alors à le regarder, à se regarder, car c'était lui qui était à présent visible sur l'appareil. Et il n'était pas seul. À ses côtés se trouvait John, son John, debout, beau, heureux, fragile. Lui, il était agenouillé devant lui, dans la salle de bain, petit, presque recroquevillé.
Il avait envie de pleurer ; comment le génie du crime avait-il put se procurer une telle vidéo, sur un laps de temps si court ? Il n'avait même pas vu de caméra dans la pièce. À vrai dire, il n'avait même pas regardé. Il avait été trop obnubilé par John. Et maintenant ils lui appartenaient, tous les deux. Ils étaient siens.

Il pouvait faire d'eux ce qu'il voulait.

Il connaissait leur secret.

Comment avait-il pu prévoir une telle chose des années à l'avance, alors que même Sherlock et son génie incommensurable ne l'auraient pas cru quelques semaines auparavant ?

Escape Your Deduction - JohnlockOù les histoires vivent. Découvrez maintenant