Chapitre 3 - Balade

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John décida finalement de se lever. Il s'habilla. Tant pis pour l'heure. Ses pensées et ses souvenirs devenaient de plus en plus ingérables ; il devait aller marcher, une ballade dans les rues désertes de Londres ne pouvait que lui faire le plus grand bien.

En passant par la porte d'entrée de l'appartement qu'il partage depuis plusieurs années avec son ami à bouclettes et s'introduisant dans les escaliers qui mènent à celui-ci, John se surprit à penser au lendemain de son mariage, lorsqu'il avait justement passé cette porte et qu'il avait été témoin d'une scène tout aussi étrange que celle qui avait suivi la cérémonie.

Sherlock lui avait envoyé un message le matin dudit lendemain, lui demandant de passer seul au 221B Baker Street, avant de partir en lune de miel avec Mary fraîchement Watson. Et John ne s'était pas fait prier. Il pensait que Sherlock allait lui donner des informations sur ce qu'ils s'étaient dit la veille.

C'était... plus ou moins ce qu'il s'est passé. Mais pas de la manière dont le docteur aurait aimé. Et il n'avait pas vraiment eu d'informations complémentaires. Sherlock avait parlé de cela néanmoins. Mais il n'avait absolument rien dit de ce que John avait pu s'imaginer. Non, ce jour là, jamais il n'aurait pensé que Sherlock allait lui dire ce qu'il lui a dit.

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John montait les escaliers menant à l'appartement londonien comme il l'avait fait pratiquement tous les jours depuis qu'il avait rencontré le génie de la déduction.
Arrivé sur le palier il découvrit que la porte était grande ouverte. À travers l'embrasure il distinguait clairement la silhouette longiligne de Sherlock face à la fenêtre.
John était habitué à ce genre de façon d'agir de Sherlock quelque peu dramatique ; le goût de la mise en scène devait être de famille.
Dans une main, le cadet des Holmes tenait un archet, de l'autre il aggripait son violon.

John s'approcha, lentement. À peine posa-t-il un pied dans le salon que le sociopathe amena son instrument à sa gorge et commença à jouer.
Cette musique, le petit homme la reconnaissait, jamais il ne pourrait l'oublier, impossible. C'était celle que Sherlock avait composé spécialement pour son mariage : "Valse pour John & Mary", et qu'il avait joué quelques minutes avant de s'éclipser de la fête.

L'ancien militaire, pris au dépourvu, n'osa pas faire le moindre geste ou le moindre bruit. Il se contenta de rester debout, à mi chemin entre le salon et le palier.

Tout en continuant à jouer, Sherlock se retourna. Doucement, tout doucement. Si bien que John n'était pas réellement sûr qu'il bougeait. Puis il commença à effectuer de tous petits pas pour terminer son demi tour. Des petits pas en rythme avec sa musique. C'était comme si Sherlock dansait sa propre valse.

Lorsqu'il était pratiquement entièrement face à son ami et à la fin d'une phrase musicale, Sherlock posa tranquillement son violon sur son fauteuil, puis se redressa tout en passant les paumes de ses mains sur les pans de sa veste comme pour l'aplatir ou camoufler sa gêne.
Son regard bleu transparent se plongea dans les yeux foncés du docteur Watson. Il ouvrit la bouche en inspirant comme s'il s'apprêtait à dire quelque chose mais se renfrogna en soupirant bruyamment et en détournant le regard.
Après quelques infimes secondes qui parurent une éternité pour John qui n'avait aucune patience lorsqu'il s'agissait de Sherlock, celui-ci posa à nouveau ses yeux dans ceux de son colocataire qui ne l'était plus réellement depuis qu'il avait rencontré Mary et que le détective avait prétendu être mort, et il se lança.

- J'étais... plus ou moins seul avant de rencontrer l'homme que tu es. L'homme qui a vu au delà de l'idiot arrogant que je suis. L'homme qui m'a décrit comme son meilleur ami. Et sincèrement, je suis honoré. Honoré d'être ton meilleur ami, mais aussi ton témoin. Je sais, j'ai déjà fait le discours que je devais hier ; mais j'aimerais le terminer. Comme je l'avais dit, tu es un homme bien, probablement le meilleur homme que j'ai eu la chance de rencontrer. Et évidemment ; tu es mon meilleur ami aussi. Mary te mérite réellement. Vous êtes un couple... bien. Solide. Elle a beaucoup de chance ; tu l'aimes avec la même intensité qu'elle t'aime. Je suis sûr que vous allez être de bons parents. Et... J'ai fait une promesse : je serai toujours présent pour vous, je vous protégerai. Seulement... John...

- Oui ?

- Je voudrais te demander quelque chose.

- Vas-y. Tu as toute mon attention après une réplique comme ça. Dit John quelque peu ébahi par ce que venait de faire Sherlock le sociopathe renommé.

- S'il te plaît. Je veux que l'on ne reparle jamais de ce qu'il s'est passé après ton mariage. Jamais.

- Euh... D'accord... Comme tu voudras.

- Bien.

Sur ces mots, Sherlock étant Sherlock, ignora superbement son ami et quitta l'appartement de sa démarche assurée, droit comme un "I", laissant un John perplexe qui clignait plusieurs fois des yeux afin de s'assurer qu'il ne venait pas de rêver.
Sherlock pouvait parfois se montrer étrange mais jamais il n'avait agi de cette manière.

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Encore aujourd'hui, John en restait abasourdi. À quoi est-ce-que cela rimait ? Que n'avait-il pas compris ? Que s'était-il réellement passé le soir du mariage ? Qu'avait pu sous-entendre Sherlock ? Que s'étaient-ils réellement dit ?

Tout en se remémorant ces étranges épisodes, il avait marché de longues minutes et avait potentiellement fait plusieurs fois le tour du pâté de maisons. En regardant l'heure qu'il était désormais, il décida de rentrer et de retrouver sa fille qui ne devrait pas tarder à se réveiller.

Cette ballade lui avait réellement fait du bien. Tout en montant les escaliers de Mrs Hudson, il sourit à lui-même. Plus de pensées vagabondes, plus de Sherlock et de son excentricité dans son esprit.

En essayant de faire le moins de bruit possible, il arriva sur le palier et ouvrit la porte.

- Bonjour John.

Dans son fauteuil, était assis Sherlock, vêtu uniquement de sa robe de chambre en soie bleue.

- Mycroft trouve que l'enquête n'avance pas assez vite. Continua le détective.

- C'est pour ça que tu es levé si tôt ?

Sherlock ne répondit pas. John était habitué à ses silences mais ils l'irritaient quand même à chaque fois. Le docteur aimerait des réponses à ses questions, aussi stupides soient-elles ; mais c'était exactement parce qu'elles étaient stupides que Sherlock jugeait qu'elles ne méritaient pas une réponse de sa part.

- Sherlock, je peux te poser une question ? Osa l'ancien militaire sachant pertinemment qu'il allait regretter après coup. Le détective deigna enfin lever les yeux en direction de John afin de lui montrer qu'il avait toute son attention. Pourquoi ne veux tu pas que nous parlions de ce qu'il s'est passé après mon mariage ? Je sais, ça fait longtemps, mais je me pose encore la question, et ça m'intrigue de plus en plus.

- Non. Souffla Sherlock en se levant et tapant dans ses mains.

- Comment ça "non" ? Tu ne peux pas répondre "non" !

- Tu avais promis que nous n'en reparlerions pas.

- Oui, et toi tu avais promis que tu protègerais Mary. Comme quoi personne ne tient ses promesses ici.

John s'arrêta net à la fin de sa phrase. Il s'était laissé emporter. Il voulait s'excuser, retirer ce qu'il avait dit, mais c'était trop tard et aucun son ne sortait de sa bouche lorsqu'il l'ouvrait.

Il ferma les yeux et serra les poings. La tension était palpable.

Et voilà, il avait recommencé.

Escape Your Deduction - JohnlockOù les histoires vivent. Découvrez maintenant