Chapitre 25 - Ermite

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Les jours passèrent, interminables, froids, et solitaires. John avait continué de vivre sa vie pensant que Sherlock reviendrait sur ses paroles, mais à quoi bon espérer quoi que ce soit ; il n'était même pas sorti de sa grotte.

Le docteur l'entendait quelques fois bouger dans son lit, ou se déplacer en traînant des pieds ; mais à part les rares allers et retours qu'il faisait en direction de la salle de bain et des toilettes, il restait cloîtré dans sa chambre.

Chacun errait, âmes esseulées, à quelques mètres l'un de l'autre, dans le même appartement, sans jamais se croiser, se voir, se parler.

Au départ John agissait comme si Sherlock était toujours là à ses côtés. Il lui préparait le petit déjeuner, cuisinait des repas pour deux, puis petit à petit, à force de jeter à la poubelle sa part qu'il ne mangeait jamais même s'il la laissait des heures sur la table, il réduisit les doses et ne s'occupa plus que de lui.

Parfois Rosie demandait où Sherlock pouvait bien se trouver, et John n'avait d'autre réponse que la maladie. Il lui répétait que leur ami était souffrant et qu'il ne fallait entrer dans sa chambre sous aucun prétexte car il était contagieux. Bien sûr il n'aimait pas mentir à sa fille, mais ne comprenant lui même pas grand chose de la situation, il se voyait mal l'expliquer à un enfant.

Cantonné dans sa chambre, Sherlock entendait parfois ses colocataires s'amuser. Il distinguait le rire clair de la petite fille et s'imaginait le sourire de John lorsqu'il la regardait. Par moment il percevait sa petite voix fluette appeler son prénom. Cependant il ne savait pas comment se sentir face à cet événement ; il n'était pas oublié et trouvait cela attendrissant, mais au fond c'était ce qu'il désirait, disparaître, qu'on l'oublie, que tout le monde l'oublie, John, Rosie, Moriarty.

Il avait finit par replonger dans la drogue, une fois ou deux seulement, pour ne pas devenir accro, simplement se libérer du poids qui avait emménagé dans sa poitrine ; c'était son seul recours face à l'absence de John. Certes, le petit homme reviendrait au pas de course si Sherlock le lui demandait, mais il ne s'en sentait pas capable. Il ne se sentait pas capable de détruire leurs vies pour son bonheur personnel. Il souffrirait s'il le fallait, John serait peut-être déçu, piqué à vif, mais jamais le docteur ne s'en voudrait jusqu'à se haïr lui-même comme Sherlock était en train de le faire.

Enfin c'était ce qu'il pensait. Lorsque John avait quitté sa chambre pour la dernière fois, il ne pouvait pas faire autrement que se blâmer lui-même. Certes, Sherlock l'avait mis à la porte, ne voulait pas lui parler, l'éloignait de ses problèmes et refusait son aide, mais le petit homme supposait avoir une certaine implication là dedans. Et surtout, même s'il n'était pas la cause de toute cette histoire, il n'arrivait pas à y mettre un terme, il ne savait pas comment extirper Sherlock des griffes de l'enfer dans lequel il les faisait plonger. Et il s'en tenait pour unique responsable.

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John ferma lentement la porte, toujours dans l'optique de laisser le maximum de temps au sociopathe de s'excuser. Toutefois, aucun son ne sortit de sa bouche. Évidemment, il s'en doutait.

Il ne voyait pas le problème, n'arrivait pas à comprendre ce qui touchait son ami. Leurs dernières actions ensemble avaient été se partager des baisers. Ils auraient dû avoir une discussion à ce propos, mettre en place leur futur ensemble, et surtout se faire mutuellement part de ce qu'ils voulaient. Était-ce la manière de Sherlock de lui dire qu'il ne voulait pas de lui ? Que finalement, malgré tout ce qu'ils avaient déjà fait, ça ne lui paraîssait pas bien, pas juste ?

Quelques années auparavant, lorsqu'il n'avait pas rencontré cet étrange homme, John Watson était seul, entièrement seul. Aucun contact avec le moindre membre de sa famille, ou l'un de ses anciens amis. Seul Mike Stanford l'avait reconnu, et il ne s'était même pas montré amical envers lui. La guerre lui avait en quelque sorte fait perdre foi en l'humanité.
Mais Sherlock, dès les premières minutes en sa compagnie, avait fait renaître chez lui un espoir. Il l'avait sortit de la solitude, tout en lui permettant d'avoir un toit et un peu d'argent.

Peu importait ce qu'était en train de traverser le détective, John serait à ses côtés, il l'aiderait, le porterait si nécessaire, il panserait ses plaies un peu plus profondes que celles dont il avait l'habitude étant donné que Sherlock se jettait à bras ouverts dans le danger.

Tout cela commençait par respecter ses choix. Il voulait être seul ? Très bien. Il lui laisserait du temps, de l'intimité. Il reviendrait sûrement, dans quelques heures.

Il s'éloigna enfin de la porte, essuyant une larme et affichant un sourire de façade, afin d'aller récupérer sa fille, seule source de son bonheur.

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Les quelques heures que John avait supposées s'étaient transformées en jours, presque en semaines. Il n'était plus aussi tolérant, il n'y arrivait pas. Il était en colère, contre Sherlock et contre la personne responsable de son état. Il ne savait pas qui avait détruit son ami, mais il se promettait de détruire cette personne en retour.

Sherlock partageait la même idée ; il voulait se venger de Moriarty. Il avait passer de longs moments à étudier ce qu'il pouvait mettre en place pour arriver à ses fins mais rien ne lui était venu à l'esprit. Il ne pouvait rien faire. Du moins pas seul. Il lui fallait de l'aide, une aide puissante, mais il ne se voyait pas vraiment appeler Mycroft ; il serait obligé de tout lui raconter, de lui avouer que malgré ses préventions, il avait développé des sentiments, il s'était impliqué.

La seule petite chose qu'il considérait comme une pensée intéressante était son état d'esprit actuel. Oui, il avait repoussé John, il y était obligé, le détruire était dans son contrat. Mais il n'était pas obligé de se détruire lui-même. S'il était anéanti, cela atteindrait Mycroft, ce qui était l'exact but de Moriarty.

Évidemment que la situation l'abattait, mais peut-être n'était-il pas obligé de se morfondre. Il pouvait simplement continuer à vivre sa vie d'avant, avec John, sachant qu'il ne l'approcherait plus, ne le toucherait plus, ne l'embrasserait plus. En d'autres termes, il devait se montrer totalement indifférent, comme lorsqu'il cachait ses sentiments. Il pouvait continuer à vivre avec John, en la compagnie du meilleur des hommes, du meilleur des amis ; mais cette fois-ci il deva simplement s'en tenir à cela, l'amitié, rien de plus.

Moriarty ne l'atteindrait pas, il était plus fort que lui et le savait. Il allait se battre, renouer avec John, essayer au moins.

Il décida alors de se lever, une bonne fois pour toute. Il gagnerait.
Devant la porte de sa chambre, il prit une grande inspiration ; il était prêt à tout affronter, que ce soit son némésis ou lui-même.
Il arriva donc, tout frais, bien habillé comme à son habitude dans le salon, où il aperçu son ami, dos à lui, assis dans son fauteuil attitré. S'efforçant de sourire, il s'approcha de lui et s'assit à sa place, faisant face à un John dont les yeux étaient soulignés de cernes d'une taille qu'il n'avait jamais soupçonnée possible.

- Bonjour, John.

Escape Your Deduction - JohnlockOù les histoires vivent. Découvrez maintenant