Chapitre 2 - Souvenirs

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En soupirant, John se laissa tomber à la renverse sur le matelas si confortable de son lit. Pourquoi pensait-il à ce genre de choses ? Une heure tardive, un rêve répétitif, et le revoilà parti dans une rêverie à laquelle il devenait accoutumé. Beaucoup trop accoutumé à son goût.

Il aurait aimé en parler à sa psy ; mais au vu des dernières circonstances, le simple fait de se retrouver dans un cabinet de psychologue lui faisait froid dans le dos.
Il aurait voulu en parler à Mary, mais Mary n'était plus, et elle ne lui apparaissait plus. Tout ce qu'il restait d'elle, étaient ses cassettes qu'elle avait laissé à l'intention des deux hommes qui rythmaient sa vie. John avait voulu, il avait essayé, mais il n'y arrivait pas ; regarder les vidéos posthumes de la désormais Madame Watson était un effort trop compliqué à fournir. Il n'avait pu écouter qu'une partie de celle de Sherlock. Celle où Mary suppliait le sociopathe : "Sauve John Watson. Sauve-le, Sherlock".
Même en n'étant plus de ce monde, elle savait quoi faire. Elle savait toujours quoi faire. Que ce soit pour réconcilier les deux hommes ou leur permettre de se rapprocher, de prendre du temps pour eux, voire de les épauler dans une affaire. Et en plus de tout cela, elle lui avait laissé un cadeau, une partie d'elle, quelque chose qui la rendait éternelle ; Rosamund Mary, la petite Rosie.
Les yeux de John se posèrent sur le tout petit être humain reposant dans son tout aussi petit lit. Il ne pu s'empêcher de sourire. Qu'est-ce qu'elle était belle ! Qu'est-ce qu'elle ressemblait à Mary !

Le jour où le docteur avait appris qu'il allait être papa était le plus beau jour de sa vie. C'était Sherlock qui l'avait malencontreusement annoncé au jeune couple, durant les quelques secondes qui séparaient son hommage musical au violon de la danse.
Quelle journée sublime ce fut. Le sourire de John s'élargit face à ce beau souvenir. Tout avait été parfait. Plus ou moins comme dans ses rêves. La femme qu'il aimait, son meilleur ami, toutes les personnes à qui il tenait ; tout le monde était là. Même le discours de Sherlock avait surpassé la hauteur de ses attentes.

D'ailleurs, le seul petit couac qu'il pouvait trouver à cette soirée était bel et bien Sherlock. L'homme avait eu un comportement presque irréprochable jusqu'à ce qu'il annonce aux époux qu'ils attendaient un enfant. Ils avaient rigolé tous les trois, avaient été heureux, pendant ce moment mais aussi pendant toute la soirée. Mais après cela tout avait changé. La cérémonie avait pris un tournant différent.

Sherlock avait quitté le mariage plus tôt et, comme l'avait dit Mrs Hudson "qui quitte un mariage tôt ?". Il était parti, avant tout le monde, sans dire un mot, sans parler à personne, sans se retourner.
Enfin ça, c'est la version officielle. Ce que les invités ne savent pas c'est ce qu'il s'est passé, juste après cela, entre Sherlock et John. Seuls eux connaissent ces événements, ceux qui ont bouleversé la soirée, bouleversé la vie de John aussi. Pas de rapprochement physique, pas de larmes ou de cris ; seulement des mots, quelques petits mots posés et échangés dans le calme de cette chaude soirée rythmée autant par la musique que par la joie des jeunes mariés et des convives.

En regardant pleinement Mary avec les yeux de l'amour, John avait aperçu du coin de l'œil Sherlock s'éclipser. Puis après deux ou trois pas de danse, il l'avait vu passer la porte principale tout en enfilant son grand manteau. Il s'était excusé auprès de son épouse avec un léger baiser sur ses lèvres, lui promettant qu'il serait de retour bien avant qu'elle ne s'en rende compte, et avait suivi le grand homme dans la tiède pénombre de la nuit.

Il se demandait si Sherlock allait fumer. Il ne voyait que cette possibilité.

L'ancien militaire se souviendra toute sa vie de ce que son ami et lui ont partagé ce soir là. Il avait tant de questions. Tant de questions et aucune réponse. Malheureusement Sherlock l'avait prévenu ; ils n'en reparleraient pas, jamais. Néanmoins c'était la seule chose que désirait John, en reparler, avoir des réponses, des précisions, clarifier les choses.

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John trotta afin d'arriver rapidement à la hauteur de son ami qui ne se déplaçait pas spécialement vite mais qui, grâce à ses grandes enjambées, avait déjà effectué un bon bout de chemin.
Le détective consultant remonta le col de son éternel manteau de sorte à y dissimuler son cou et le bas de son visage. Il n'avait pas froid. Il le faisait simplement car... il ne savait pas. Il voulait seulement s'enfouir dans le tissus. S'enfouir et s'enfuir de la soirée.

- Sherlock !

L'homme interpellé s'arrêta net. La voix de son colocataire était joviale. Après tout, c'était le jour de son mariage. Avant de le confronter, il posa sur ses lèvres un sourire de façade. John voudrait qu'il sourie.
Le docteur arriva légèrement essoufflé au côté du détective et posa une main sur son bras tout en le contournant car celui-ci ne s'était toujours pas retourné.
Heureusement pour lui, John avait l'air de se contenter du faux sourire. Ou simplement ne s'en rendait-il pas compte ?

- Sherlock. Qu'est-ce que tu fais ?

John ne savait peut-être pas lire les gens comme le faisait si bien le cadet des Holmes, cependant il avait clairement vu le regard de son ami s'assombrir et devenir froid, presque glacial.

- Je prends l'air.

- Tu mens.

Les sourcils de Sherlock se soulevèrent et un fin sourire en coin se dessina sur sa bouche en cœur ; c'était lui qui habituellement parlait de cette manière. Au vu du sourire qui apparu petit à petit sur le visage du docteur, le détective en déduisit qu'il l'avait fait exprès.

- Où vas tu ?

- Par là. Répondit Sherlock en faisant un mouvement de tête en direction de la rue.

- Tu... Tu t'en vas ?

- Profite bien de ta soirée, John.

Sur ces mots, Sherlock décida de partir, de quitter la fête et son ami qui, n'ayant pas l'air d'accord avec cette décision, le suivit.

- Pourquoi est ce que tu t'en vas ? Tu ne passes pas un bon moment ?

- C'est ta soirée, John. Ça n'est pas la mienne.

- Je ne vois pas où est le problème.

- Ça n'est pas la mienne.

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"C'est la fin d'une ère." aurait pu lui dire Sherlock. C'était ce qu'il pensait réellement, et ce qu'il ressentait bien avant le jour fatidique. Il n'avait jamais pu poser de mots dessus. Jusqu'à Mrs Hudson. C'était elle qui le lui avait dit, le lui avait raconté ; sa meilleure amie, son mariage, son départ précoce, la fin d'une ère. Exactement ce que le détective avait fait ; il avait tout reproduit.

Escape Your Deduction - JohnlockOù les histoires vivent. Découvrez maintenant