Chapitre 6 - Affection (partie 1)

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John monta lentement les escaliers qui menaient à sa chambre. Il avait envie de pleurer. Ou peut-être pas. Il ne savait pas trop. Il se sentait vide de toute émotion, de tout sentiment. Il ne ressentait que des remords ; il n'aurait pas dû quitter Sherlock de cette manière. De toute façon, étant sociopathe il ne lui en voudrait potentiellement pas très longtemps, si ?

Le docteur essayait de se rassurer en se répétant cela. Et, au fond, il n'avait pas totalement tord. Sherlock, resté dans le salon, le bras toujours levé à la hauteur de l'épaule de John, ne ressentait aucune rancune. Évidemment, il ne comprenait pas vraiment son ami, mais il n'avait aucune raison d'être énervé contre lui. John avait l'air de se faire la guerre contre lui-même, quelle qu'en soit la cause ; et peu importe la raison, Sherlock n'avait pas à lui en vouloir.

Le détective ne cherchait qu'à comprendre. John était son bras droit ; et il ne pouvait pas se permettre de laisser son acolyte rester faible à ce point là.

Pendant que Sherlock réfléchissait à ce qu'il pouvait bien faire pour remonter une bonne fois pour toute le moral de son meilleur ami, John avait atteint sa chambre, souri à sa fille qui dormait paisiblement dans sa petite couchette, s'était déshabillé, et s'était glissé en caleçon dans son lit.

Il se souvenait de ce que Mrs Hudson lui avait dit lorsqu'il était encore absurdement en froid avec Sherlock. Il avait perdu sa femme et il ne lui restait désormais que le détective ; s'il venait à le perdre, il n'aurait définitivement plus personne. Il pensa tout à coup que peut-être il valait mieux qu'il redescende au salon et s'excuse auprès de son ami ? S'excuser était quelque chose qu'il avait pris l'habitude de faire avec un tel personnage. Enfin, il ne s'excusait pas lui-même ; il demandait plutôt à ce qu'on excuse le comportement odieux du sociopathe.

Pendant toutes ses réflexions, il sentit quelque chose de froid couler le long de sa joue. Peu lui importait. Les hommes aussi avaient le droit de pleurer.

Trois coups discrets retentirent puis la porte de la chambre de John s'ouvrit.
À contre jour, la silhouette longue et fine du détective se dessina. Le docteur ne put s'empêcher de sourire ; c'était la deuxième fois qu'il pleurait et la deuxième fois que le détective accourait. Comment avait-il su cette fois-ci ? Ça n'avait pas une grande importance ; Sherlock était un génie de la déduction, il savait, c'est tout.

En réalité, non. Sherlock ne savait pas. Il s'était simplement dit qu'il allait montrer à John qu'il était là pour lui. Il ne savait pas ce qu'il pouvait faire pour son ami ; mais rien ne lui empêchait de simplement le lui demander. Du haut de sa sociopathie, il savait quand-même que quelque chose qui sortait de l'ordinaire se tramait avec son ami ; et il détestait plus que tout de le voir dans un tel état.

- John, tu...

Avec la lumière provenant du couloir Sherlock aperçut que le visage du docteur -qui était couché sur le côté, dos à la porte et avait simplement relevé la tête- brillait.

Le détective ferma rapidement la porte tout en s'engouffrant dans la chambre où il n'avait jamais réellement mis les pieds auparavant.

John pleurait. Enfin. Maintenant il savait ce qu'il pouvait faire pour lui. Même si ce n'était qu'un petit peu ; il y avait quand même eu au moins une ou deux larmes sur ses joues.

L'ancien militaire ouvrit la bouche pour faire part de quelque chose à Sherlock. Cependant il ne trouva pas les mots. Tant pis. Le détective finirait bien par découvrir ce à quoi il était en train de penser.

Pendant ce temps Sherlock se déplaca de toute sa grandeur jusqu'au lit, et s'assit aux côtés de John. Il ne pouvait pas le prendre dans ses bras cette fois-ci car le petit homme était couché ; il pensa en son for intérieur que c'était une occasion manquée.

Sûr de lui, il posa sa main sur le haut de la hanche du docteur.
Bien que la couverture interposée empêchait leurs deux peaux de se toucher, John sentit tout de même la chaleur de Sherlock se répandre dans son bassin.

Son cœur battait un peu plus vite. Il le sentait résonner dans sa cage thoracique. Il ne comprenait pas pourquoi ; il n'avait jamais compris pourquoi Sherlock et son regard bleu perçant lui procurraient cet effet là.

Le génie de la déduction était justement en train d'utiliser ses facultés afin d'essayer de comprendre ce qu'il se passait dans l'esprit de John.

Ce dernier ne se sentait pas très à l'aise d'être ainsi soumis au regard inquisiteur du détective qui, les sourcils froncés et les lèvres pincées, le baladait de la pointe des cheveux de John jusqu'à la base de son cou.

- Je vais bien, Sherlock.

- Tu veux que je parte ? Avait-il soufflé dans le seul but que son ami se rende compte qu'il avait besoin de lui.

Non, ne part pas, jamais, avait envie de lui confier John.

- Oui.

Sherlock retira rapidement sa main ce qui fit ralentir le rythme cardiaque du docteur ainsi que disparaître la chaleur dans son bas ventre.

Le détective se leva délicatement et silencieusement et quitta la pièce toujours sans aucun bruit, avec la même démarche que précédemment.
Il ferma la porte avec un dernier regard pour John qui détourna la tête le premier.

Encore une fois il l'avait mis à la porte, il l'avait éloigné, il l'avait refusé. Alors que la seule chose qu'il voulait plus que tout au monde était Sherlock.
Il aurait voulu qu'il reste, qu'ils rigolent ensemble, qu'ils aient une amitié comme tout un chacun ; mais rien n'était ordinaire avec le cadet des Holmes, et encore moins la trace qu'il laissait aux personnes qu'il rencontrait.

John soupira bruyamment, comme s'il laissait enfin sortir tout l'air qu'il avait gardé en lui pendant le passage du sociopathe.

Il ferma les yeux, mais rapidement il fut contraint de les réouvrir car une certaine lumière chatouillait ses paupières. Là, dans l'embrasure de la porte, la petite tête et le regard joueur de Sherlock le fixaient intensément.

- Non. Dit-il sur un ton décidé avant de s'infiltrer à nouveau dans la pièce.

- Quoi ?

- Je ne pars pas, John.

Escape Your Deduction - JohnlockOù les histoires vivent. Découvrez maintenant