Chapitre 10 - Départ (partie 1)

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Le lendemain, Sherlock et John se rendirent en taxi vers une destination inconnue de John. Ni l'un ni l'autre ne parlait. Il régnait dans la cabine, un silence de mort. Le docteur n'avait aucune idée de l'endroit où Sherlock l'emmenait et de la raison pour laquelle ils y allaient. Le détective avait refusé de le lui dire ; et si au départ John avait trouvé qu'une destination mystère était quelque chose d'excitant, il avait rapidement changé d'avis lorsque son ami et lui s'étaient disputés à ce propos.

Perdu dans ses pensées, John ne portait pas vraiment d'attention sur le paysage qui défilait par la fenêtre de la voiture. Ce n'était donc qu'une fois le véhicule arrêté qu'il se rendit compte qu'il venait d'atterrir à l'aéroport ; exactement celui duquel Sherlock aurait dû s'enfuir il y a quelques mois.

Une boule se créa dans son ventre. Est-ce que Sherlock devait repartir ? Était-ce pour cela qu'il ne lui avait rien dit de la destination ? Plus les questionnements tournaient dans sa tête, plus ce sentiment désagréable prenait d'ampleur dans ses tripes.

Au centre d'une petite piste de décollage se trouvait Mycroft et son parapluie aux côtés de Gregory Lestrade et d'un hélicoptère.

Sherlock et John les rejoignirent, et le détective, apparemment déjà agacé par son frère, l'ignora superbement en ne saluant que l'homme à ses côtés.

- Graham.

- Greg. Répondit le principal intéressé du tac au tac, ayant prévu que le sociopathe allait se tromper.

L'aîné des Holmes fixait son cadet ; et malgré tous les efforts de ce dernier pour l'ignorer, la tension entre eux était très palpable.

- Que se passe-t-il ? Risqua John pour mettre fin à cette drôle de situation ainsi qu'avoir finalement des réponses à ses questions.

- Sherlock ne vous a donc rien dit ?

Mycroft narguait ouvertement les deux hommes ; et cela marchait superbement car le détective, mal à l'aise, essayait le plus possible d'éviter tout contact visuel avec les autres membres de leur petite réunion.

- Vous n'étiez pas la cible de vos kidnappeurs ; c'était moi. C'est la raison pour laquelle ils se sont acharnés sur Sherlock et ont ensuite envoyé de certaines photos à quelques membres du gouvernement.

- Forcément vous aviez des tireurs pour les abattre. Ce n'était pas très intelligent de leur part.

- Ça n'était qu'une mise en bouche, John. Quelqu'un veut me détruire et me l'a fait comprendre en torturant mon frère. En ce qui vous concerne, vous n'étiez simplement que dans le passage, si je puis dire.

John commençait à bien comprendre. Il voyait clair dans ce qu'il allait se passer. C'était certain ; Sherlock allait partir, pour de bon cette fois.

Il avait l'impression d'être la seule personne censée du groupe. Sherlock le laissait tomber une seconde fois -peut-être même une troisième en prenant en compte le fait qu'il avait fait semblant d'être mort pendant deux longues années- et cela n'avait l'air de ne déranger personne d'autre que lui. Sauf potentiellement Lestrade, qui était la seule personne véritablement capable d'humanité et de sentiments à part John. D'ailleurs que pouvait-il bien faire ici ?

- Et Greg ?

- Sherlock et moi partons pour un certain moment dans un endroit que seuls moi et quelques personnes de confiance connaissons. Vous restez ici. Cependant, vous laisser entièrement seul serait indigne. Le détective inspecteur Lestrade sera à vos côtés pour votre sécurité.

- Je n'ai pas besoin de protection.

John avait travaillé dans l'armée, John avait un pistolet ; il savait se protéger. En revanche, ce que John n'avait pas était Sherlock. Du moins, il ne l'aurait plus. Dans quelques secondes, il partira. Dans quelques secondes, sa vie s'écroulera. Plus de crimes à résoudre, plus d'énigmes, plus d'adrénaline au quotidien, plus de violon ou de robe de chambre en satin.

D'ailleurs Sherlock n'avait pas l'air dérangé par cette nouvelle qui aurait pu déchirer John s'il n'était pas habitué à de tels rebondissements. L'homme se contentait de fixer le sol sans dire un mot, sans même bouger ou exprimer de quelque manière que ce soit son mécontentement.

En réalité, l'esprit du détective était un véritable champ de bataille. Partir était bénéfique à tout le monde ; cela le protègerait lui ainsi que Mycroft, et surtout John. Le petit homme n'aurait alors plus à ses côtés une cible, il ne se trouverait plus dans le chemin des détracteurs voulant s'en prendre à l'un ou l'autre des frères Holmes. À vrai dire, savoir que son départ profiterait à John était le seul argument de Mycroft qui l'avait convaincu à le suivre.

C'était donc parti pour le vrai grand départ. Que Sherlock pouvait-il bien dire à John ? Plaisanter, comme la dernière fois ? Que John pouvait-il bien dire à Sherlock ? Rien, comme la dernière fois ? Ou était-ce pour les deux le moment d'un nouveau départ, une sorte de nouvelle chance de briser les non-dits ?

Le docteur regarda le détective du coin de l'œil. Celui-ci n'avait toujours pas bougé et encore moins ouvert la bouche. Cependant, c'était le temps des adieux, le temps de se promettre mutuellement qu'ils se reverront un jour ou l'autre. Car cette fois-ci, pas de Moriarty revenant au galop pour empêcher une séparation longue et douloureuse.

- John...

Sherlock s'était finalement tourné vers son ami. Il avait réfléchi à ce qu'il allait lui dire, du moins en surface ; rien n'était jamais sûr lorsqu'il mêlait le docteur et de quelconques sentiments.

John attendait, les yeux inquisiteurs et légèrement humides. Il ne pleurait pas, il était simplement en total désaccord avec la situation qui le dépassait largement.

Mycroft toussa légèrement à l'intention de son frère et lui ordonna aussi gentiment qu'à son habitude, de couper court et de le suivre.

Tout en montant dans l'hélicoptère, Sherlock s'adressa à John avant que son aîné ne le pousse à l'intérieur afin de s'y engouffrer à son tour.

- À bientôt, John.

Les hélices de l'hélicoptère commencèrent à tourner. John et Gregory se reculèrent à ce qu'ils estimaient être une distance réglementaire. Petit à petit, l'appareil se souleva du sol, s'éleva au dessus des deux hommes et s'apprêta à partir.

Soudain un bruit de détonation retentit et l'air se figea.

Escape Your Deduction - JohnlockOù les histoires vivent. Découvrez maintenant