Chapitre 2

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Toujours dans le bureau du psy, mes jambes étaient devenues flasques après l'entente de mes exploits. Je fixais le sol n'osant pas affronter son regard pesant. Mes doigts ne pouvaient s'empêcher de bouger dans tous les sens, rendant mes mains moites et tremblantes.

Mon cœur battait à une allure folle, et mes joues se teintèrent de rouges. Ma respiration s'emballait et je ne pensais qu'à une chose : partir en courant. Mais cela aurait-il servi ma cause ? Je suis persuadée que non.

-         Calmez-vous, me rassura-t-il, nous allons trouver une solution ensemble. Que pouvez-vous me dire pour expliquer cette situation ?

-         Vous ne pouvez pas comprendre, annonçais-je avant de me murer dans un silence complet.

-         Je vais vous dire ce que je pense de tout ça, m'expliqua-t-il en désignant le rapport. Je pense que vous êtes en grande souffrance, et que vous gardez cette souffrance pour vous. C'est très mauvais, plus vous essayez d'enfouir les choses, plus elles feront en sorte de ressortir. J'imagine que votre inconscient s'en charge pour vous. Je n'ai jamais rien vu de tel, je dois l'avouer, mais je pense que parler vous ferait du bien et je sais que vous le savez aussi.

A nouveau je ne répondis pas, il avait raison dans un sens, mais il était évident qu'il ne se doutait pas de la vérité. Il doit penser que je me suis mutilée et c'est faux. Si je lui parlais, il ne comprendrait rien et essaierai de me persuader que je suis folle.

-         Il vous serait plus favorable de coopérer. Vous savez quelle décision je dois prendre à la fin de ce rendez-vous, j'imagine que vous ne voulez pas rejoindre le centre de santé. Ce qui est écrit dans ce rapport est très préoccupant, vous avez frôlé la mort. C'est très grave. Si vous ne voulez pas confronter votre problème et le résoudre, vous mettez votre vie en danger et peut-être celle des autres. Je n'aurai donc pas d'autre choix que de vous obliger à séjourner en hôpital psychiatrique.

« Séjourner » m'indignais-je dans mes pensées, comme si cet endroit demeurait un lieu agréable ou se rendre, un camp de vacances où seuls les privilégiés ont le droit de séjourner me moquais-je davantage. Il dut comprendre par mon haussement de sourcil que j'avais tiqué sur ce mot.

Il prit alors une grande respiration avant de s'enfoncer plus dans son fauteuil pour croiser ses jambes. Il a ainsi posé ses coudes sur les accoudoirs et rejoints ses mains, entremêlant ses doigts faisant en sorte de ne laisser que les index et les pouces dépasser pour les joindre en triangle. Sa gestuelle me laissait penser qu'il réfléchissait à la façon dont il devait aborder les choses pour débloquer l'engrenage.

-         Racontez moi Laureen, je ne vous jugerai pas, je vous écouterai sans vous interrompre, racontez-moi pourquoi vous avez de telles cernes sous les yeux et autant de bleus et de plaies. Je ne reconsidérerai pas ce que vous me dites et je ne vous interromprai pas. Je ne veux pas vous faire interner, laissez-moi vous aider, supplia-t-il. Je ne peux peut-être pas comprendre, mais je peux écouter.

Je déglutis en fixant à nouveau le sol, tiraillée entre deux possibilités. Pensait-il vraiment ce qu'il me disait, il ne veut pas me faire interner ? Ou était-ce juste une manœuvre pour m'amadouer ? Après tout, puisque je suis ici, autant en profiter et me confier à quelqu'un. Je pourrais toujours m'enfuir après, quitter le pays et tout recommencer ailleurs.

-         Je ne rêve pas, commençais-je.

-         Comment ça vous ne rêvez pas ?

-         Quand je ferme les yeux, j'entre dans un monde terrifiant, avouais-je. Ce n'est pas un rêve ni un cauchemar, je le sais parce que les rêves ne blessent pas, ajoutais-je.

-         Quel est ce monde ?

-         Je ne sais pas, je ne peux pas en sortir, et il m'arrive que des mauvaises choses quand je suis dedans, chaque fois je lutte pour survivre, chaque fois je meurs.

-         Pouvez-vous me le décrire, qu'est-ce que vous y voyez ? Y êtes-vous seule ?

-         Il n'y a rien de bon là-bas, il fait toujours froid et nuit. Parfois il y a un épais brouillard, parfois la pluie ou l'orage. Il est composé, d'une forêt immense regorgeant de pièges, de rivières, de plaines, de ravins et de champs. Je n'y suis pas seule, les créatures de ce monde, elles me traquent et je fais tout pour leur échapper.

-         Et si vous me racontiez un de vos rêves, pardon un jour, une aventure dans ce monde, me proposa-t-il voyant que je n'arrivais pas à ordonner mes idées.

Je pris alors une grande respiration, tentant de me rappeler d'une nuit dans ce monde, mais toutes mes idées s'embrouillent, tout est désordonné et je suis prise de panique. Il posa alors sa main chaude sur la mienne qui est complètement gelée, je ne suis pas sûre qu'il ait le droit mais, ça m'a rassurée.

-         J'ai peut-être sous-estimé le mal qui vous ronge, et l'effet qu'il a sur vous. J'aimerai tester une autre méthode avec vous mais seulement si vous êtes d'accord ?

-         Quelle méthode ? demandais-je anxieuse.

-         L'hypnose, lâcha-t-il toujours aussi calme.

-         Si je ferme les yeux, je retourne las bas et je ne veux pas ! me braquais-je.

-         Ne paniquez pas, je serai avec vous tout le long, et je pourrais vous réveiller si jamais c'est trop pour vous, affirma-t-il.

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Vous pensez qu'elle va accepter ?

Vos avis sur le personnage principal et sur "ce monde" ?

Ne Ferme Pas Les YeuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant