Je vivais avec un énorme poids sur le corps après ce retour dans la réalité. Max m'avait ramené chez moi, prenant soin de tout car je ne pouvais penser à rien d'autre. Il essayait de me changer les idées tant bien que mal, pourtant je lui jetais toujours ce même regard vide. Quand il m'a déposée chez moi, je pensais qu'il se débarrassait juste de moi, mais il est resté.
S'en est suivi une forme de routine, il passait des heures tous les jours chez moi, mentant à sa femme, essayant d'obtenir quelconque réaction de ma part mais je ne maîtrisais plus rien. Je ne vivais plus que dans le noir, couchée sous mes draps. J'avais perdu énormément de muscle et de poids.
Mon état en est devenu assez grave et j'ai dû être hospitalisée. Après avoir passé trois mois, complètement éteinte, et près de deux semaines à l'hôpital, j'ai signé une décharge et je suis rentrée. Ce fut alors le début de ma période du changement. Quand j'ai à nouveau mis les pieds dans ma maison je me suis sentie effroyablement oppressée.
La détermination de trouver un nouveau logement me frappa alors, et ça ne me pris pas beaucoup de temps. J'avais retrouvé une petite maison, à l'autre bout de la ville, à l'écart de tout. Alors j'ai occupé mon esprit en faisant mes cartons le plus vite possible. Une fois tout emballé, j'ai réalisé que rien de cette maison ne pouvait être emporté.
Tous ces meubles, ces murs, ces objets avaient gardé la trace de mes années de souffrance et la diffusaient. Le déménagement s'est passé très vite, tout ceci avait duré pas plus de 3 semaines, ma maison a été vendue très vite aussi à mon grand soulagement.
Ma nouvelle maison était mon nouveau départ, elle était lumineuse, calme, paisible. Je pouvais enfin respirer. Mais le mal me rongeait toujours. Pour parer à mon irrépressible dépression, et mes nombreuses crises d'angoisses je me suis rendue au refuge pour adopter un chien. L'avoir à mes côtés me forçait à me lever tous les matins, sortir profiter de la campagne, ça me forçait à cuisiner aussi car je prenais plaisir à lui offrir mes restes.
Il m'offrait du réconfort, de l'affection et de la motivation. Durant mes crises d'angoisse je me grattais violemment tout le corps, parfois jusqu'au sang. La présence de mon compagnon à quatre pattes qui venait réclamer des caresses quand je me mutilais a permis à ces crises de s'espacer de plus en plus.
Mon corps fut alors moins marqué, et la douleur que je ressentais s'atténuait de plus en plus. Max continuait de passer plusieurs fois par semaine et ce contact humain m'apportait beaucoup aussi, mais je culpabilisais de savoir que ses visites pouvaient potentiellement ruiner sa relation.
Une année plus tard, j'étais une nouvelle femme, j'emportais toujours avec moi cette atroce souffrance, le poids de toutes ces années. Toute mon enfance et tout ce temps passé à échapper à mes démons me torturaient encore mais petit à petit je reprenais confiance.
Puis le brûlant désir d'enfin commencer à vivre me saisit, et je compris que je ne pouvais le faire sans avoir fini d'affronter le passé. J'ai alors contacté mon ancien psy, et je me suis retrouvée à nouveau dans cette maudite salle d'attente pendant près d'une heure avant de revoir le visage de la première personne qui a réellement entreprit de m'aider.
Avant de mettre un pied dans son bureau, j'ai réalisé tout le chemin que j'avais fait jusque là et la force qu'il me fallait pour accepter de remettre un pied ici. Cependant cette fois, je savais que je n'étais plus seule, j'avais besoin de justice et je venais chercher de l'aide pour la suite.
Le thérapeute me fit un sourire forcé, et s'assit toujours de la même façon, les jambes croisées, les coudes appuyés sur son fauteuil et ses mains rejointes.
- Je ne pensais pas vous revoir, vous avez bien meilleure mine, commença-t-il souriant.
- Merci.
- J'ai appris que vous n'êtes pas allée voir mon confrère, annonça-t-il.
- Je me souviens maintenant, de tout, clarifiais-je.
Il prit alors un instant pour mesurer ce que je venais de lui dire et il se mit à remplir sa feuille d'encre noire.
- Si je suis ici c'est parce que j'ai besoin de vous, vous aviez raison, la douleur était bien pire encore quand j'ai tout réalisé.
Durant cette année de pause, j'avais pu enfin éclaircir les choses, refaire le lien entre ce monde et le monde dans lequel j'entrais quand je fermais les yeux. J'ai alors expliqué à l'homme en face de moi tous les événements que j'avais retraversé. Mais encore une fois, j'avais du mal à organiser mes idées, bouleversée par mes récits.
Ma gorge était sèche après la difficulté que j'avais éprouvée pour énoncer les éléments douloureux de mon enfance. Mes yeux étaient gonflés après tant de larmes versées, peu importe le nombre de fois où j'ai ressassé les choses, l'émotion qu'elles me provoquaient ne s'atténuait jamais. Chaque mot qui sortait de ma bouche était une épreuve de plus à passer, chaque syllabe ravivait davantage la douleur.
Alors, le psy m'a aidé en me posant des questions une à une, nous avons pu reconstituer les choses, même s'il me fallait prendre de grandes respirations avant de pouvoir prendre la parole sans être submergée par cette incompréhension, cette douleur, et cette tristesse.
Quand le moment de faire le lien avec l'autre monde arriva, j'étais encore incapable de raconter les choses en détail et dans l'ordre, il y avait tellement à dire...
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Le retour du psy !
Les explications de l'autre monde vont enfin être faites !
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Ne Ferme Pas Les Yeux
General FictionMaltraitée durant son enfance par ses parents, Laureen n'a plus aucun souvenir de cette période de sa vie. Un monde ignoble dans lequel elle entre dès qu'elle ferme les yeux se charge pourtant de lui faire revivre toute la souffrance enfouie de son...