Chapitre 43

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Malgré tout ce temps j'avais toujours aussi mal, et je me confrontais à ce sentiment d'injustice tous les jours. Le psy avait jugé que travailler sur l'autre monde n'était pas nécessaire dans un premier temps, j'avais eu tellement de difficultés à digérer toutes les informations que je lui avais confessé. 

Mes crises d'angoisses ont été ranimées par la rétrospection sur tous ces éléments, mes tocs n'ont jamais cessé, et des migraines se joignaient à ces nuisibles à cause de toutes ces questions que je me posais. 

Pourquoi notre mère n'a jamais rien fait ? Pourquoi notre père était ainsi ? Qu'avions nous fait pour que nos parents ne nous aiment pas ? Est-ce ma faute si mon frère est mort ? Est-ce ma faute si mon père sombrait dans ses démons ? Est-ce ma faute ? Pourquoi ? Comment ? C'était l'engrenage...

Cette incompréhension était mélangée à une haine immuable pour ces êtres qui ont détruit ma vie, mon innocence, ma joie de vivre. Chaque jour, chaque heure, chaque minute je cherchais à comprendre ce qui avait poussé mes parents à agir de telle sorte, je leur cherchais des excuses ou je les accablais davantage.

Le psy m'aidait beaucoup à réaliser que je n'étais en rien responsable de leurs agissements et qu'il n'y aucune raison à trouver. Parfois, il fallait accepter de ne pas avoir de réponse à nos questions, devenir plus égoïste et se concentrer sur soi avant tout. Que je ne pourrais jamais comprendre pourquoi, même en mettant à la place de mes géniteurs, car ces agissements sont tout simplement inconcevables et inexplicables.

 Il finit en me disant que de toute façon, même si j'obtenais une réponse un jour, elle ne me conviendrait pas et remuerait davantage le couteau dans la plaie. Malheureusement, nous n'obtenons pas toujours des excuses, ni même l'once d'un remord. 

Pourtant, je les désirais plus que tout au monde, « pardon » était le mot que je rêvais de faire cracher à mes parents, mais encore une fois, suffirait-il ? Le penseraient-ils vraiment ? Ce pardon m'apporterait certainement de la haine également, mais avant tout une délivrance. Je ne vivais plus que pour espérer l'entendre un jour, cette délivrance, le point final.

J'avais rendez-vous avec le psy une fois par semaine, le mardi en début d'après-midi. Nous avons consacré plusieurs semaines sur mon enfance, la vie à la maison, mes parents, mon frère.

 Aujourd'hui, je m'y rendais à nouveau avec une grande appréhension car cette séance était consacrée à l'autre monde. Une boule se formait dans mon ventre et grandissait à chaque pas que j'effectuais, elle amplifiait mon stress, me faisait me sentir fébrile. Aujourd'hui, je fermais le livre et je le jetais au feu, ce monde, j'en parlais pour la dernière fois.

Contrairement aux autres fois, le psy n'avait pas de retard et j'avais donc peu attendu. Je peinais à dissimuler mon anxiété et il tenta de me rassurer du mieux qu'il put mais je désirais seulement en finir avec toute cette histoire. Il sortit alors des feuilles et un stylo de sa pochette, prêt à inscrire les dernières lignes de mon calvaire. 

Il était important aussi de faire ce lien avec l'autre monde car ma mémoire était restée sélective et certains éléments pouvaient être éclaircis grâce à l'autre monde. J'attendais sagement qu'il me pose des questions car c'était la seule méthode qui fonctionnait. Je ne savais pas expliquer les choses, les émotions prenaient le dessus, je partais dans tous les sens, il était très difficile de comprendre ce que j'exprimais. 

Les questions m'aidaient à garder mon calme et à rester cohérente dans mes explications. Grâce à cela je ne passais pas d'un élément à un autre sans avoir approfondi les choses. C'était un travail minutieux et fastidieux, les semaines précédentes ont été extrêmement douloureuses, mais je devais passer par là pour avancer.

- Bon, nous allons commencer par le début, démarra-t-il, auparavant, lors de nos premières séances, le premier élément évoqué fut le vent. Je cite, il a une voix féminine et familière, et c'est un signal d'alarme mais il est quelque fois défaillant, résuma-t-il avant de lever les yeux vers moi.

- C'est ça.

- Alors, quel est le lien entre le vent de l'autre monde et votre enfance ?

- J'ai découvert que le vent dans l'autre monde représentait ma mère, avouais-je difficilement. C'est sa voix, ce sont ses mots... Je veux dire, c'est ce qu'elle nous disait pour nous prévenir quand notre père était là, qu'il ne fallait pas faire de bruit ou ce genre de chose.

- Vous l'avez aussi décrit comme glacial, releva le psy, est-ce parce que votre mère se montrait indifférente à votre malheur ?

- Non, je ne pense pas. Je pense que c'est quelque chose qui m'a marqué quand nous étions enfants. Vous savez, quand nous devions sauter par la fenêtre en pleine nuit, souvent entre une et cinq heures du matin. Je pense que je ne réalisais pas en émergeant du sommeil ce qui se passait, j'étais encore un peu dans les vapes même si nous dormions avec un œil ouvert. Vous êtes réveillés en pleine nuit par des hurlements, vous entendez les pas lourds et rapides qui montent les marches, et vous n'avez pas le temps de réfléchir, vous vous levez, et vous sautez. C'était devenu un automatisme. Je réalisais seulement quand mes pieds nus atterrissaient sur le sol froid et que le vent frappait ma peau. C'était le signal vous savez, « c'est encore en train de se produire ».

Il prit un air vraiment concerné en notant ce que je venais de révéler. J'étais surprise par le calme dont je faisais preuve pour arriver à affronter cette situation. Chaque mot était dur à prononcer mais c'était plus comme une épine qu'on retirait de mon cœur. Ça fait mal quand on l'arrache mais après on se sent soulagé.

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J'imagine que vous n'êtes pas surpris en découvrant l'identité du vent ^^ 

Ne Ferme Pas Les YeuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant