Chapitre 17

29 6 8
                                    

Le temps dans ce monde semblait toujours ralentir, se délectant de chaque seconde de peur que je vivais. Les apparis mettaient le paquet pour me terroriser cette fois. Ils me frôlaient, hurlaient, chuchotaient dans mon oreille, soufflaient sur mon cou. Je ne peux pas mentir, j'étais terrorisée et je serai toujours terrorisée. 

Mon calvaire s'amplifia quand je me suis retrouvée face à la rivière. La nuit noire ne m'offrait presque aucune visibilité. Je voyais seulement le courant emporter les silhouettes, l'une après l'autre. J'hésitais à mettre un pied dans cette eau, vaseuse et répugnante. Allais-je encore mourir noyée par ces démons ou ce monde pensait-il que cette mort était trop douce pour cette fois ?

-Traversez Laureen.

Après avoir pris mon souffle, m'estimant déjà chanceuse d'être parvenue jusqu'ici sans avoir réveillé la bête, je mis un pied dans l'eau gelée. La chair de poule m'envahit et je ne pus contrôler quelques tremblements après quelques pas dans cette eau glacée. Je râpais le sol, espérant ne pas marcher sur une maudite créature.

Comme à chaque fois, le sol était rugueux, coupant, tranchant. Rien dans ce monde de me rendait la tâche facile. J'avançais en essayant d'oublier le froid, ça ne sert à rien de faire des pauses, il faut y aller franc-jeu. L'eau arriva vite à ma poitrine puis à mon cou. Il fallait que je nage.

J'étais loin de l'autre rive, le courant était très puissant et la nage n'est pas mon fort. Je panique toujours quand je n'ai plus pied, et je savais que cette rivière était très profonde car elles le sont toutes ici. Je nageais, du mieux que je pouvais mais le courant déviait ma trajectoire, rendant l'épreuve encore plus difficile. 

Je ne pouvais empêcher mon corps de dériver, je devais pratiquer des mouvements lents pour ne pas trop remuer l'eau. Je voyais que l'autre rive ne se rapprochait pas et que le courant m'emmenait toujours plus loin. Mes mouvements sont donc devenus plus hâtifs, comme ma respiration.

- Ne paniquez pas Laureen, focalisez vous sur la lumière, ne laissez rien d'autre vous perturber.

Je me ressaisis alors et ralentis ma respiration. J'avais l'impression d'avancer millimètre par millimètre et le courant me détournait de plus en plus de la lumière. Comme je me suis focalisée sur cette dernière, je n'ai pas regardé ce qui m'entourait. Je fus choquée de rentrer dans quelque chose alors. Un cadavre. Une des silhouettes que cette rivière traîne.

 Je ne pus réprimer un petit cri d'horreur au moment de l'impact mais je fus encore plus bouleversée en découvrant le visage de ce cadavre. Noah. Une expression horrifiée habillait son visage amplifiant ma douleur. Mon corps se mit à ne plus réagir. Les larmes montèrent et je n'arrivais plus à nager. 

Prise de panique, incapable de respirer, de contrôler mon corps et mes émotions, je subis cette crise d'angoisse, pleurant toutes les larmes de mon corps, suffoquant. Je me suis rattrapée au corps sans vie de mon frère pour le serrer dans mes bras. A mon grand étonnement le courant nous porta sur l'autre rive. Je n'avais pas lâcher mon frère pour autant. 

Je l'ai sorti de l'eau et me suis assise par terre, son corps rigide dans mes bras. Je pleurais toutes les larmes de mon corps. J'avais agi toutes ces années comme s'il n'avait jamais existé. Le deuil avait été tellement douloureux, je ne voulais pas me souvenir de lui, parce que ça me faisait trop mal. Il était mon petit frère et je n'ai pas su le protéger.

La vie continue et petit à petit on oublie, l'odeur, le rire, la voix, les mimiques. On repense parfois à l'être perdu en se demandant à quoi il ressemblerait, comment serait sa vie ? Mais nous ne saurons jamais.

Le voir ainsi m'avait anéantie. Je berçais son corps mort refusant de l'abandonner cette fois. Je n'arrivais pas à m'arrêter de pleurer, j'étais dans un état second. Toutes ces années d'oubliées et je me rattachais à lui du plus fort que je pouvais, comme si je pouvais lui redonner vie. Comme si cette étreinte allait pouvoir me permettre de remonter le temps. 

Pour un instant, ce monde est devenu silencieux, même le vent s'est tu et a arrêté de souffler. Ce monde cauchemardesque m'a au moins accordé cette pause, ce moment de grâce avant de mieux pouvoir m'achever. Le silence n'a pas duré longtemps, la pluie à commencer à tomber à torrent. Mais je ne me suis pas levée pour autant.

- Laureen, vous devez avancer, m'incita le psy d'une voix compatissante, vous ne pouvez pas le ramener.

En cet instant j'aurai voulu mourir, rejoindre mon frère et arrêter de souffrir une bonne fois pour toute. Pour ça, il fallait que ça arrive dans le vrai monde. Je ne le ferai pas avant d'avoir retrouvé la vérité sur la mort de mon frère.

A contrecœur j'ai laissé le corps de mon petit frère, ressentant un déchirement affreux. Puis je me suis mise à courir sous cette pluie battante. Je courais de toutes mes forces vers la lumière, espérant que la pluie ne ferait pas assez monter l'eau pour que je sois rattrapée par les démons. 

A mon étonnement, le vent s'est levé et m'a porté dans ma course. Chacun de mes pas, qui jusqu'ici avaient semblé une épreuve insurmontable, semblaient plus léger. A nouveau, malgré l'épine torturant mon cœur provoqué par l'abandon de mon petit frère, j'ai à nouveau ressenti cette sensation : l'espoir. Plus je courais plus la lumière s'accentuait, l'air se réchauffait et les bruits effrayants se dissipaient. 

Plus j'avançais moins j'avais peur. Je pus alors distinguer la sortie du bois, une plaine immense au bout duquel se trouvait le porche de la maison qui émettait la lumière. Alors j'ai redoublé d'efforts. 


✎✎✎✎✎✎✎✎✎✎✎

Je n'aime pas vraiment ce chapitre... J'espère que vous n'êtes pas déçu(e)s 

Ne Ferme Pas Les YeuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant