Chapitre 11

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Le psy m'agaçait de plus en plus, persuadé de tout savoir, il n'écoutait jamais mes requêtes parce qu'il pensait que je manquais de courage. Il ne savait pourtant pas tout de l'autre monde. Les souffrances à répétitions m'épuisaient et m'affaiblissaient de séances en séances. Il en conclut alors qu'aujourd'hui serait la dernière de la semaine et que je pourrais me reposer le dimanche avant de reprendre les sessions lundi.

Je pense surtout qu'il a pris cette décision car ça l'arrangeait lui avant tout mais je ne vais pas m'en plaindre. Je n'ai pas l'impression que retourner tous les jours dans ce monde soit une bonne chose, au contraire. J'ai l'impression qu'il est de plus en plus malsain et assoiffé de souffrance, c'est comme si les créatures qu'il abrite m'attendaient chaque jour.

Pour une fois, je n'ai pas eu à attendre trop longtemps avant mon rendez-vous, le psy semblait un peu agacé, de plus en plus au fil des séances j'ai remarqué. Sûrement parce que le travail n'avance pas assez vite à son goût. Nous avons reproduit le même rituel, il a commencé par me poser des questions sur la dernière fois et autres, puis nous avons commencé l'hypnose.

A nouveau j'ai senti le vent gelé frapper ma joue, j'ai ouvert les yeux et me suis levée du divan pour affronter la forêt. Le vent s'est levé une nouvelle fois pour m'avertir.

-         Ne.Fais.Pas.De.Bruit, susurra-t-il.

Un air de routine flottait maintenant dans tout ce rituel, cette fois j'avançais plus sûre de moi. Je me déplaçais plus vite, en prêtant toujours attention à ne pas faire de bruit. Une habitude s'était créée, et il fallait que les créatures rencontrées jusque-là se surmènent pour me surprendre et m'avoir.

Un pas après l'autre, je me rapprochais de la lumière, je me retournais fréquemment pour ne plus me laisser avoir par les ombres. Les apparis n'ont pas tardé à devenir bruyants. Des bruits de pas, des rires et des grognements surgissent autour de moi. Certains imitent des animaux en train de courir ce qui rajoute à ma nervosité et me force à analyser plus souvent les alentours. Sans m'en rendre compte, j'avais accéléré la cadence. J'ai évité de justesse un piège au sol.

-Continuez d'avancer Laureen.

Je me suis exécutée, la lumière se faisait plus forte, et je pus apercevoir les arbres se disperser. Jusque-là, je n'avais encore jamais pu atteindre la plaine, si j'y arrivais aujourd'hui, c'est seulement parce que d'autres créatures de ce monde veulent jouer avec moi. Cette fois je ne suis tombée sur aucune rivière à mon grand étonnement. Je n'ai pas tardé à rejoindre les derniers arbres de cette forêt immense. Je fus cependant déçue de constater que je n'avais pas rejoint la plaine, mais le champ de hautes herbes.

Elles me dépassent, je ne peux pas voir où je vais. Parfois je ne trouve jamais la sortie, les apparis viennent aussi ici pour se jouer de moi. Je pris une grande respiration avant de m'enfoncer dedans. C'est le seul endroit où je ne peux plus distinguer la lumière. Le vent est mon seul guide et il n'est pas toujours fiable.

L'ours peut me retrouver ici aussi, je ne dois toujours pas faire de bruit. Les grandes tiges me griffent le visage et le corps, laissant des coupures mais je ne m'arrête pas pour autant. Soudain, la pluie se met à tomber. Une pluie battante et ça ne représente rien de bon. Quand il pleut de la sorte, la terre n'absorbe pas l'eau, l'endroit se transforme donc en lac, rivière ou mer.

Cette eau-là ne fait pas exception, elle abrite aussi les démons d'eau. Je me mets alors à courir de toutes mes forces pour sortir de ce champ. Mes pieds ne tardent pas à fouler l'eau au lieu du sol ferme et sec, je n'ai plus beaucoup de temps.

Bientôt, il sera trop difficile de courir. Ce qui m'affole encore plus, c'est que le vent se lève seulement, et que j'entends derrière moi des pas lourds fracassant l'eau à un rythme effréné. J'entends aussi que quelque chose espace les herbes. Enfin, j'entends une respiration que je connais trop bien, l'ours est réveillé, l'ours est derrière moi.

Je cours avec beaucoup de mal maintenant que l'eau est montée jusqu'à mes genoux, les démons d'eau frétillent dans l'eau mais les herbes empêchent leur avancée. Je cours, avec toujours plus de mal, je sens des petites mains accroché mes mollets et des dents me mordre. Ils essaient de me faire chuter, mais l'ours me suit toujours. Contre toute attente, comme une bouffée d'air, je sors des herbes. Le sol se dérobe sous mes pieds et je tombe dans un ravin.

Je perds connaissance quelques instants et je me réveille, pleine de terre, trempée. Je regarde au-dessus de moi pour analyser la chute que je venais de faire. L'ours était en haut, j'avais réussi à lui échapper. Je pris le temps de souffler un peu. J'ai la sensation d'avoir retenu ma respiration pendant toute cette traversée. Je me relève ensuite pour trouver dans quelle direction aller.

-         Vous ne voyez aucune issue ?

Je dois remonter pour rejoindre la lumière de la maison, mais c'est trop haut et je m'épuise à essayer d'escalader. Après plusieurs tentatives infructueuses, je décide d'abandonner cette option et de marcher dans le ravin pour trouver un endroit moins haut et plus accessible. Je pars vers la gauche, suivant une simple intuition. Je marche pendant des heures, épuisée.


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Vos impressions sur le psy à ce stade ?

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