Chapitre 31

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Je m'accrochais désespérément à la main de Noah qui nous guidait grâce à sa petite lampe de poche. Je me retournais sans cesse car je pouvais distinguer des formes en mouvement, sûrement les ombres. Des froissements de feuilles, crissements et craquement se firent entendre autour de nous ainsi que des pas et des respirations bruyantes. 

Effrayée, j'ai serré encore plus la petite main de mon frère. Consternée par cette étrange nuit, et en état de choc face à nos retrouvailles je n'arrivais pas à émettre un son. Noah ne me regardait pas, il avançait légèrement penché en avant, m'incitant à me hâter davantage. Il tenait sa lampe fermement et dirigeait la lumière vers le sol pour analyser où nous posions les pieds. Il ne se retournait jamais et ne se souciait ni des apparis, ni des ombres. Il avançait tel une machine, pendu à mon bras.

Je me suis retournée une nouvelle fois car les mouvements derrière nous me préoccupaient de plus en plus. Une sensation de froid sur ma main gauche, qui tenait celle de Noah, captiva mon attention. Je fus surprise de constater que mon petit frère n'était plus là, je ne m'étais retournée que quelques secondes, et je ne l'ai même pas senti ou entendu bouger. Paniquée et désorientée je l'ai cherché partout, jusqu'à ce que le vent se lève.

- Ne. Bougez. Pas, souffla-t-il de sa voix douce.

Je me suis stoppée net, cachée derrière un arbre.

- Ne. Faites. Pas. De. Bruit, ajouta le vent augmentant davantage mon anxiété.

J'ai mis ma main devant ma bouche pour altérer le bruit de ma respiration haletante de peur. C'est à ce moment que j'entendis des bruits de pas. Des feuilles se froissèrent, des branches craquèrent sous le poids lourd de quelque chose. Ses pas étaient lents. Ce qui nous traquait ne voulait pas faire de bruit non plus.

Les pas se rapprochaient de moi, craignant le pire, je me suis encore plus collée à l'arbre espérant qu'il m'aspire et me cache. La chose était juste derrière ma cachette, je pouvais désormais l'entendre respirer. J'ai fermé les yeux, dans une tentative naïve de disparaître. J'étais à ce point quand la peur prend le dessus et qu'on pense qu'une couverture peut nous protéger, ou que s'il l'on ferme les yeux, on ne peut plus nous voir.

La chose finit par bouger à nouveau, et je repris ma respiration en comprenant que cette fois elle s'éloignait. J'étais bloquée a cet endroit, effrayée à l'idée de retomber sur une créature au moment où je me mettrais à nouveau à découvert. J'ai sursauté au contact étrange et froid de quelque chose sur mon bras. Il s'agissait de Noah. Il me fit un sourire rassurant.

- On a eu chaud, chuchota-t-il soulagé.

Il saisit à nouveau ma main et me tira à travers cette forêt. Les ombres et les apparis qui avaient disparus jusque-là revinrent nous oppresser. Nous avons marché pendant près d'une demi-heure avant d'atteindre la rivière. Je ne voyais encore aucune lumière exceptée celle que Noah tenait et cela m'inquiétait. Nous nous arrêtâmes devant la rivière, hésitant à traverser. J'en ai profité pour parler.

- Pourquoi il n'y a pas de lumière ? chuchotais-je.

- Parce que je ne peux plus la voir, répondit-il sans me regarder.

Je ne compris pas vraiment sa réponse sur le coup, j'avais vu les ombres se rapprocher dangereusement et je compris qu'elles étaient suffisamment nombreuses pour nous attaquer. Il fallait traverser cette eau gelée au plus vite, c'était l'infime chance que nous offrait ce monde pour rester en vie.

A contrecœur, j'ai répété les gestes que j'avais fait pendant trop longtemps, un pied après l'autre, j'ai laissé cette eau trouble et froide ensevelir mon corps pour nager et atteindre l'autre rive. Le courant était plus fort qu'a son habitude, je m'épuisais à nager et le froid engourdissait mes membres. Je ne sentais plus mes doigts ni mes pieds. Par je ne sais quel miracle, Noah était déjà de l'autre côté, il m'attendait, debout sur la rive, sa petite lumière à la main. 

J'ai finalement réussi à rejoindre l'autre côté, quand je suis sortie je fus davantage frappée par le froid. Tout était gelé autour de nous, le sol était recouvert de neige et j'étais à pied nus. Je grelottais en avançant, tirée par Noah qui ne semblait pas affecté par cette température glaciale. Les arbres se dispersèrent et je sus que nous n'allions pas tarder à rejoindre la plaine. Je le sus également parce que j'entendis le son mélodieux provoqué par le violon qui résonnait dans la forêt. Le violoniste était là, et l'idée que je ne pourrais pas savoir à quel endroit précis il se trouvait à cause de l'obscurité me torturait plus encore. 

Ne Ferme Pas Les YeuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant