J'avais réussi à tenir jusque l'aube sans fermer les yeux. L'ingurgitation de nombreuses boissons énergisantes détériora un peu plus ma santé, mais j'avais tenu le coup. Cependant mon corps était à bout. Pour chasser le sommeil, j'avais nettoyé l'appartement méticuleusement. Une fois ma tâche accomplie je me suis assise, pour réfléchir.
L'obsession de trouver la vérité hantait mon esprit. Je me suis alors souvenue des enregistrements des sessions chez le psy que je n'avais jamais écouté. J'avais toujours eu peur de le faire seule, mais il était temps de me faire violence et d'avancer. Je me suis alors assise, j'ai mis mes écouteurs et j'ai lancé le premier enregistrement.
Les entendre constituait une tâche insoutenable. Mais je suis restée scotchée là, à écouter chaque mot, chaque cri, revivant au passage mes peurs, ma détresse. A la fin j'étais entrée dans un état second, comme si j'avais absorbé une nouvelle fois tout ce que j'avais enduré jusque-là, si bien que je n'avais plus conscience de rien.
J'ai passé des heures, assise sur ce canapé, dans cet appartement vide. Je me sentais plus vide encore. Incapable de bouger, le soleil avait gardé un œil sur moi jusqu'à son coucher. Les bruits de la ville avaient résonné entre ces murs et dans ma tête tout le long. Tout semblait extrêmement bruyant, et puis plus rien, le silence complet.
Le genre de silence qui vous laisse appréhender quelque chose d'inquiétant. Il faisait complètement nuit. On ne distinguait plus rien dans l'appartement. Comment avais-je pu rester dans un état second si longtemps ? Rejouant la dispute avec Max, notre rencontre, notre histoire, la journée que nous venions de passer, les enregistrements, ma voix repassait en boucle dans ma tête et me rendait folle.
Ce silence pesant m'avait ramené à moi. L'atmosphère était devenue nocive, oppressante, pesante. J'ai alors tâtonné pour trouver l'interrupteur de la lampe sur la petite table de chevet. Sans savoir pourquoi je retenais mon souffle. Soudain, je fus éclairée et un son fort fit écho dans la pièce me faisant sursauter. La télévision venait de s'allumer, seule.
J'ai alors analysé la table sur laquelle ma main était pour savoir si j'en étais l'auteure mais je ne vis aucune télécommande. Puis la télévision s'est éteinte. La lampe à côté de moi s'est allumée à son tour, et s'éteignit presque aussitôt. Ainsi toutes les lampes se sont mises à éclairer quelques secondes, une par une, sans aucune intervention. La cadence s'accentua, faisant clignoter chaque ampoule.
Toutes les lumières, de chaque pièce, s'allumaient les unes après les autres, et s'éteignaient aussi rapidement. J'étais terrifiée par ce spectacle. Je ne savais pas où porter mon attention, mes yeux n'avaient pas le temps de s'habituer à la lumière puis à l'obscurité.
La cadence ne cessait d'augmenter, et un vacarme vint s'installer dans cet étrange phénomène. Les portes des placards, des pièces se mirent à claquer une à une, me faisant sursauter au passage. Les événements me terrorisaient, j'en tremblais. Alors que le spectacle avait atteint une vitesse maximale et un vacarme assourdissant, je croyais distinguer des ombres. Puis la cadence diminua, me laissant dans l'obscurité plus longtemps et n'allumant que pour certaines secondes une lumière.
C'est à ce moment que je vis que quelqu'un se tenait au bout de la pièce en me fixant. Puis la lumière s'est éteinte et j'ai alors entendu des bruits de pas, comme quelqu'un qui court. J'ai agrippé la mousse du sofa de toutes mes forces pour avoir le sentiment de me raccrocher à quelque chose. La lumière s'est allumée laissant apparaître la silhouette s'avancer rapidement vers moi.
J'ai regardé par terre, espérant devenir invisible. Les bruits de pas se sont rapprochés toujours plus vite. J'ai alors senti une brise froide. Au moment de la supposée collision, la lumière s'est éteinte, puis rallumée. Rien, plus personne. Un rire rauque a résonné entre ces 4 murs faisant hérisser les poils de mes bras.
Toutes les lumières étaient désormais allumées et ne semblaient pas enclines à dérailler à nouveau. Il me fallut un instant pour me ressaisir et lâcher mon emprise sur le canapé. Je m'étais accrochée si fort que j'en avais des crampes aux mains. Pensant à une hallucination, je me suis rendue dans la salle de bain pour me remettre les idées en place.
Quand je suis arrivée devant le miroir au-dessus du lavabo, une petite tache bleu foncé violacée m'intrigua sur le reflet de mon visage. Je me suis alors mis sur la pointe des pieds pour rapprocher ma tête de la glace. La tache sur ma joue bougeait, comme un liquide qu'on secoue vu de dessus. J'ai cligné des yeux plusieurs fois, croyant ma vue défaillante mais la tache restait ancrée là. J'ai ensuite frotté le miroir pensant qu'il était sale mais non.
- Je deviens folle, murmurais-je perplexe.
J'ai froncé les sourcils en voyant la tâche augmenter, puis d'autres sont apparues, sur mes joues, mon front, sous mes yeux. Elles apparaissaient, grossissaient puis disparaissaient. Ma peau gonflait sous leur passage, mon visage se déformait dans tous les sens sous l'effet de ces traces semblables à des bleus. Paniquant à nouveau, j'ouvris le robinet pour mouiller mon visage et mes yeux, espérant que cette eau froide, rafraîchisse mon front en sueur et stoppe la mutation qui affectait ma tête.
Quand j'ouvris les yeux, imaginant constater ma peau comme elle était avant. Le phénomène s'était empiré, des cicatrices apparaissaient aussi maintenant. Cherchant à tout prix la raison, j'ai orienté mon regard vers mes mains et je vis qu'elles étaient victimes du même phénomène. Ma tête tournait, ma respiration était saccadée, je n'arrêtais pas de fermer et d'ouvrir les yeux. Les marques ne disparaissaient pas, au contraire le phénomène ne cessait d'empirer.
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Ne Ferme Pas Les Yeux
General FictionMaltraitée durant son enfance par ses parents, Laureen n'a plus aucun souvenir de cette période de sa vie. Un monde ignoble dans lequel elle entre dès qu'elle ferme les yeux se charge pourtant de lui faire revivre toute la souffrance enfouie de son...