Chapitre 12

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Mes pieds sont endoloris, mes jambes ne vont pas tarder à me lâcher, je n'ai rien trouvé pour l'instant. Ce ravin n'a peut-être pas d'issue, c'est peut-être ça le piège. Au moment où j'ai décidé de faire une pause, pensant que je n'allais plus jamais pouvoir ressortir de ce monde, j'ai remarqué une maison en bois complètement délabrée.

- Rentrez-y, m'ordonne le psy.

Je ne souhaite pas y rentrer, cette maison me donne la chair de poule. Le bois est pourri, les fenêtres sont cassées, il manque des planches et la toiture n'inspire pas confiance. Cette maison n'est que ruine, l'atmosphère qu'elle dégage me donne la chair de poule. Je la retrouve rarement dans ce monde. Elle a un effet sur moi que je ne comprendrais jamais. Quand j'entre, le plancher craque, menaçant de céder à chaque pas. 

Les larmes me montent aux yeux, je suis submergée par une émotion affreuse, une forme de nostalgie et de tristesse immense, je me sens oppressée, dévastée. Je ne peux jamais rester dedans très longtemps. Une fois ma sortie précipitée les larmes aux yeux, je fais face à ce tas de ruine, et je le vois être démoli par une petite bourrasque de vent. La maison vole en éclat et s'affaisse par terre comme à chaque fois. Je décide alors de la contourner et d'avancer car les larmes remplissent toujours mes yeux. Un lourd pincement au cœur me fait avancer plus vite encore.

Je finis par trouver une issue, encore toute chamboulée par ce qui vient de se passer. J'escalade alors la paroi du ravin et parvint à me hisser sur mon nouvel obstacle. A mon grand étonnement, je suis proche de la maison, plus proche que je ne l'ai jamais été. La lumière qui émane du porche m'aveugle, mais je peux enfin voir à quoi elle ressemble. 

Les murs sont blancs, en crépi, et les volets sont bleus. Je n'avais pas remarqué jusque-là que l'air était plus chaud et qu'une délicieuse odeur entourait la maison. Par je ne sais quel automatisme, mes jambes se sont mises à courir pour la rejoindre. Mon corps s'affole, je suis en ébullition, plus heureuse que jamais de voir enfin la fin, la lumière au bout du tunnel. Je cours, toujours plus vite, tendant la main espérant toucher rapidement la bâtisse tant convoitée.

 Un sentiment de joie et de soulagement infini m'envahi tandis que je me rapproche davantage, courant de toutes mes forces, encore plus vite que lorsque j'essaye de survivre. Je cours après la délivrance, cette maison est mon issue, ma sécurité. 

Soudain je suis percutée par une masse à toute vitesse. Je tombe les yeux rivés sur la maison. Ma tête et mon corps cognent le sol avec une violence sans pareille.

J'ouvre les yeux dans le bureau du psy, à nouveau paralysée. Il ne prend même plus la peine de se lever pour tenter de m'aider maintenant. Il attend juste. Après avoir réussi à reprendre mes esprits, je me tourne vers lui, attendant qu'il parle.

- Nous y étions presque cette fois, félicita-t-il.

J'ai hoché la tête pour simple réponse, je n'arrivais toujours pas à me remettre de cet ascenseur émotionnel. Je ressentais un vide immense, c'était plus qu'une déception ou un échec. La seule envie que j'avais à présent était de pleurer, le monde maudit se jouait de moi, me donnait de l'espoir, si grand qu'il me transportait, puis il l'a détruit avec moi au passage. J'avais encore plus mal que lorsque j'échouais face aux créatures. J'avais tellement mal que j'avais la sensation que mon corps avait explosé face à ce que mon cœur endurait.

- Bon, il semblerait que nous ayons rencontré de nouveaux éléments, je pensais que vous les aviez déjà tous évoqués, me reprocha-t-il avant de marquer une pause pour relire ses notes. Que pouvez-vous me dire sur le champ d'herbe et la maison ? Et qu'est-ce qui vous a rattrapé cette fois ?

- Pour le champ d'herbe, j'ai tout dit, il arrive que je n'en sorte jamais, je ne vois rien, je ne sais pas où je vais. Pour la maison, je ne vois pas ce que je peux ajouter. Je ne sais pas ce qui m'a tué cette fois.

- Très bien, vous allez me dessiner la maison, ainsi que vous à côté du champ d'herbes hautes. Il arrive souvent qu'il pleuve ?

- Non pas souvent.

- Bon, pour aujourd'hui on se contentera des dessins et puis vous serez libre, me dit mon interlocuteur avec un sourire compatissant. Au fait, dessinez-moi les deux maisons.

Je saisis alors une feuille et un crayon de mine pour me mettre au travail. Ayant nouvellement le souci du détail, je pris plus de temps pour m'appliquer dans mes dessins. Cette fois une sensation bizarre s'empara de moi. Une fois les dessins finis je ne les tendis pas au psy et sortit mon téléphone pour les prendre en photo sous son regard étonné.

- Est-ce que vous pourriez me donner les autres pour que je puisse faire de même s'il vous plaît ? demandais-je.

- Certainement, répondit-il en fouillant dans la pochette, vous vous souvenez de quelque chose ?

- Non pas vraiment, plutôt une sensation étrange.

Il haussa les sourcils et me tendit les dessins. Après les avoir pris en photo, je me suis levée, ne lui laissant pas le temps de parler.

- Eh bien, à lundi, bon dimanche, lançais-je en tendant la main.

Je partis le laissant ébahi. Il n'eut même pas le temps de me raccompagner à la sortie comme à son habitude. 

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Alors, est-ce que les dessins vont l'aider ? 

Ne Ferme Pas Les YeuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant