Chapitre 7

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Je demeurais fatiguée par toutes ces questions et toutes les justifications que je devais apporter sur chaque élément de mes rêves. Le psy avait déjà rempli plusieurs feuilles de l'encre noire de son stylo plume. Nous venions de passer une demi-heure à parler des ombres et des apparis avant qu'il ne me tende un crayon de mine pour que je puisse dessiner à quoi ressemblait les créatures que j'avais mentionnée.

 Il est loin de se douter qu'il y en a encore d'autres. Le psy avait l'air terriblement confus, à la limite de la folie. Ce qui l'inquiétait il y encore quelques minutes, semblait l'obséder à présent. Une fois mon dessin des ombres finis, mais aussi de la forêt et de la maison que je cherche à atteindre, je lui tendis les feuilles. Il les saisit et les rangeas aussitôt dans la pochette qu'il avait consacré à mon cas. Il ne ressentait pas le besoin de les étudier, il avait scruté chacun de mes coups de crayon.

- Il nous reste un élément à approfondir, la bête, à quoi ressemble-t-elle ?

- C'est un ours, immense, décrivis-je après avoir soupiré, il a une fourrure très sombre. Certaines fois je ne peux pas le distinguer la nuit dans la forêt. Il est vraiment grand, je pense que la plupart du temps, il dort ou il ignore que je suis là, c'est pourquoi je ne dois pas faire de bruit.

- Pensez-vous qu'il défend son territoire ? demanda-t-il curieux.

- Je ne pense pas non, il veut surtout m'empêcher d'atteindre la maison. Parfois quand j'en suis trop près, il apparaît derrière moi, grognant et me poursuis jusqu'à m'éliminer, confiais-je.

- Que pouvez-vous me dire de plus sur cet animal ?

- Ses yeux sont blancs, vitreux, comme s'il n'avait pas d'âme. Comme si on avait mis un voile dessus. Il est aveuglé par la rage, il détruit tout ce qui l'empêche de m'atteindre, même les créatures de ce monde.

- Pouvez-vous me le dessiner également, ça peut nous aider à avancer, m'expliqua-t-il en me tendant une feuille vierge.

Je me suis donc exécutée, essayant de rendre mon dessin le plus réaliste possible mais mes coups de crayon n'étaient pas très sûrs et toutes les œuvres que j'avais réalisée ici ressemblait davantage à des gribouilles d'enfant. Je me sentais encore plus ridicule.

Après qu'il eût ranger mon dernier dessin précieusement. Il me regarda dans les yeux, cherchant encore ses mots.

- Je n'avais pas vu qu'il était si tard. Nous devrions en rester là pour aujourd'hui. Je pense que... Je pense qu'il ne serait pas judicieux de vous faire interner, j'essaie de mesurer le pour et le contre mais...

- Je suis de votre avis, l'interrompis-je, si je ne dors pas, ils me donneront des sédatifs, et s'ils voient ce qu'il se passe dans mes rêves, ils augmenteront la dose. Je pense qu'il serait mieux que je rentre chez moi, sollicitais-je.

- Je vais imposer des conditions dans votre dossier, malheureusement, si vous ne remplissez pas ces conditions, je serai contraint de demander votre admission en centre hospitalier, reprit-il.

- Quelles sont ces conditions ? Interrogeais-je nerveuse.

- Je voudrais vous voir en consultation tous les jours, votre problème est très grave et nous devons le solutionner très vite, sinon les choses risquent d'empirer. Je n'ai aucun doute sur l'utilisation de l'hypnose dans votre cas. Je ne connaissais pas ce monde donc je n'étais pas d'une grande aide pour cette consultation. Maintenant, je vois mieux de quoi il s'agit, je pourrais mieux appréhender les pièges et vous aider à les détourner. De plus, cela vous permet de fermer un peu les yeux.

Je me sentais quelque peu piégée par ces conditions, une partie de moi songeait encore à quitter le pays. Je me suis levée, j'ai serré la main du psy et je suis parti en disant à demain pour le rassurer. Il me fit un grand sourire et me raccompagna jusqu'à la sortie.

Je venais de rentrer chez moi, admirant les dégâts. Le rapport disait vrai, ma maison est complètement saccagée. Des morceaux de verres étalés partout sur le sol étaient impossible à éviter, les meubles jonchaient sur le sol cassés, renversés avec tout ce qu'ils contenaient. La mousse des fauteuils et du canapé jonchait par terre. 

Je n'avais plus rien, et c'était uniquement à cause de moi. Les murs de la maison étaient griffés, les portes aussi. En avançant dans mon chaos, je découvris mon ordinateur explosé par terre, la télévision aussi. Je me suis assise sur le matelas de mon lit que j'avais du balancer par terre, ne sachant pas quoi faire. Il allait me falloir des heures pour tout nettoyer. 

Un ultimatum s'est alors imposé dans mon esprit. Soit je pars, et je deviens une vraie nomade, bougeant de ville en ville, de pays en pays sans jamais m'établir ; soit je reste et je fais en sorte de ne plus jamais entrer dans ce monde. Dans tous les cas il y a une chose pour laquelle je dois encore lutter. Je ne dois pas fermer les yeux.

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Alors qu'avez vous pensé de cette séance ? Du psy ? 

Ne Ferme Pas Les YeuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant