•15 Janvier•

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Newt,

A la reprise des cours tu n'es pas venu. Ta chaise est restée vide pendant une semaine aux côtés de Minho. C'était étrange. Je me sentais mal. Il me manquait quelque chose, une présence, un engrenage. Je me suis rendu compte que tu prenais vraiment beaucoup de place dans ma vie et ta chaise vide s'est mise à me hanter comme un spectre. Je l'observais dès que j'en avais l'occasion et j'avais envie de pleurer. Même quand tu n'es pas là tout me ramènes à toi. Tu avais seulement la grippe pourtant. Ce n'est pas comme si tu disparaissais complètement. Comme si j'étais débarrassé. Ces pensées me font me sentir coupable. Je ne pourrais jamais rompre notre lien, peu importe sa nature. Si tu disparais, c'est une partie de moi qui s'en va. Ton absence ne devrait pas me peser pourtant.

Mais tu n'étais pas totalement absent de ma vie non plus. Cette semaine et ton combat contre le virus ne t'ont pas fait oublier mon existence. Loin de là. Je devais te hanter toi aussi puisque je recevais un petit message presque toutes les deux heures. C'était des citations qui me visaient, des poèmes touchants, des réflexions philosophiques qui me concernaient indirectement ou juste des messages un peu ambiguës qui m'ont fait me sentir bizarre. Je n'aime pas ressentir toutes ces choses contradictoires en ta présence. Ce n'est pas normal. C'est dangereux. Je m'en rongeais les ongles, le regard dans le vide. J'étais étrangement anxieux.

Je le suis devenu encore plus quand maman a abordé ton sujet. Je ne sais pas pourquoi elle l'a fait, ça fait des années que je m'efforce de cacher à mes parents tout ce qu'il se passe entre nous. Peut-être qu'elle a croisé ta mère dans le hall. Peut-être qu'elles ont discuté. Ou en y réfléchissant, peut-être que tu as simplement dormi dans le même lit que moi, un peu trop proche à son goût. Elle s'est tue pendant deux semaines mais à présent sa curiosité était trop forte.

" Tu es proche de Newt non ? "

Ça s'est passé un soir quand j'étais rentré des cours, la boule au ventre et ton absence obsédante bien présente dans ma poitrine. J'avais l'étrange impression d'être coupable de ta maladie et je l'étais en quelques sortes puisque je t'avais refilé mes microbes. Pourtant j'aurais dû me sentir allégé par ton absence. Je n'aurais pas dû me sentir si oppressé. Alors quand maman m'a posé cette question, ma boule au ventre a grandi et j'ai tout de suite su que son sourire était plus poli que réel. Elle voulait faire comme si de rien était mais je voyais bien que quelque chose la perturbait. Je sais bien que ça ne lui a pas plu que je partage mon lit avec toi. Quand on le faisait petit, j'avais le droit à la morale. Elle sortait toujours le deuxième matelas de sous mon lit pour que pareille situation soit évitée. J'ai commencé par la regarder en cherchant une réponse. Elle me poserait d'autres questions quoique je choisisse de dire et j'avais juste envie de me retrouver seule et de faire taire cette angoisse sourde. J'ai préféré mesurer mes réponses.

« Non...

— Soit honnête Thomas... On ne partage pas son lit avec n'importe qui ! Quand tu dors avec quelqu'un c'est que tu as confiance en lui, que tu lui donnes de l'importance... Beaucoup d'importance... »

Je suis resté immobile. Je connaissais sa philosophie. Pour elle, la deuxième place dans le lit, c'est celle de l'âme sœur. Si elle est occupée, ce n'est pas anodin. C'est sérieux, il y a des sentiments et des cœurs en jeux. Et ce sérieux avec un garçon, c'était difficilement imaginable. Je la comprenais quelque part. Je me suis senti piqué au vif. Comme si elle avait appuyé là où ça fait mal. Me faire dire que je te faisais confiance et que tu avais de l'importance... Je me suis senti pris au piège, agressé. J'ai senti une pulsion venir. Je devais me défendre contre cette fausse supposition. Je ne voulais pas qu'elle pense que je puisse construire quelque chose avec un garçon. Surtout pas avec toi.

« Je voulais pas m'endormir, il devait partir, pas se coucher à côté de moi. »

J'ai parlé plus sèchement que je ne l'aurais voulu. Ma mère m'a regardé dans les yeux comme pour chercher la vérité en moi. Elle semblait vraiment se préoccuper de cette histoire. J'ai soutenu son regard en essayant de paraître sûr de moi. Je ne sais pas pourquoi mais j'avais l'impression de mentir, d'être en faute. Quelque part, c'est une façon de penser qu'elle avait fini par me mettre dans la tête et j'allais à l'encontre de cette éducation. Elle a abandonné sa fouille visuelle. Je lui disais la vérité bien que j'aurais préféré que cette vérité n'existe pas. Elle a ouvert la bouche pour me dire autre chose mais je ne l'ai pas laissé s'exprimer et je me suis enfui dans ma chambre. J'avais trop peur qu'elle comprenne tout ce que je ne dis pas.

Détesté NewtOù les histoires vivent. Découvrez maintenant