•16 Novembre•

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Détesté Newt,

Je ne sais pas si c'est à cause de toi ou pas. Je ne sais pas si tu as vraiment craqué devant Janson, si tu lui as montré tes faiblesses, si tu as pleuré ou même si tu lui as parlé. Je ne sais pas parce qu'il ne m'a rien dit de plus et que Minho n'est pas venu me trouver pour me démolir. Mais peut-être que tu ne l'as pas prévenu. Peut-être que tu as caché cet instant de faiblesse à ton meilleur ami et que le seul témoin reste Janson.

Je le déteste lui aussi. Il a demandé au prof de philo de nous faire un cours sur la haine. Donc nous voilà en train de débattre sur cette émotion noire et malsaine. Je la connais par cœur et ce n'est que d'une oreille distraite que je l'écoutais faire son cours. Je vis avec tous les jours, comment ignorer ses effets ou même ses sensations ? On a appris que c'était une des trois émotions présentes à tout instant chez nous, une émotion primaire, et qui nous permettait d'en ressentir d'autres plus complexes. On a aussi appris qu'elle était provoquée par quelque chose qui contredit violemment nos croyances. Mais j'ai beau chercher je ne sais pas ce qui me contrarie tant pour me mettre à ce point en colère chaque jour. Enfin, si je veux être honnête, je le sais. Je l'admets avec beaucoup de mal. C'est tellement plus facile de se voiler la face. Je me sens tellement honteux de ressentir de tels sentiments. J'aurais préféré les garder enfouis à jamais et qu'ils ne viennent jamais causer cette colère, qu'ils me laissent en paix. Mais évidement ce n'est pas comme ça que ça marche.

Le prof de philo aussi je le déteste. Il a décidé de sortir cette fameuse phrase qui relie l'amour et la haine. Il n'y a qu'un pas entre ces deux sentiments. Et je ne peux pas le contredire. On a longuement débattu sur cette expression. Il dit que la haine peut être provoquée par l'amour et vice versa. A force de trop aimer, on peut venir à détester. Il n'y a que les idiots qui ne changent pas d'avis paraît-t-il. L'humain change constamment. Je ne suis pas le Thomas d'hier ni le Thomas de demain.

Quand cette question de haine et d'amour a été mise sur le tapis, tu t'es retourné vers moi avec lenteur, comme si tu hésitais. Tu pensais peut-être te tromper au départ. J'ai fais de mon mieux pour éviter ton regard. T'es yeux noirs me questionnaient. Leur poids était bien plus élevé qu'à l'accoutumé. Je suffoquais sous tes questions. Le rouge venait teinter mes joues alors que je fixais résolument le tableau. J'espérais qu'aucune de mes réactions ne te traduisent mes secrets. Mais c'était peine perdue. Mon corps prend un malin plaisir à me trahir en ce moment.

N'en pouvant plus de ton regard lourd, j'ai tourné la tête vers toi. J'avais horriblement peur, tu m'intimidais. Une boule s'était logée dans ma gorge, j'étais certain de ne plus pouvoir parler. Mes mains moites tremblaient effroyablement et même les serrer entre mes cuisses ne permettait pas de dissimuler leurs spasmes. Je me suis senti très vulnérable et plutôt que de me mettre en colère, j'ai eu envie de pleurer. Je me sentais comme la corde au cou face à ses secrets que les professeurs avaient permis de dévoiler alors que j'avais tant de mal à les dissimuler.

J'ai vu tes yeux s'éclairer d'une lueur intelligente. Tu avais fait le rapprochement. J'étais comme nu devant toi et il me semblait que tout le monde pouvais également deviner ces choses que je cache. J'ai fui ton regard et je me suis senti sur le point de craquer alors que je me répétais que tu venais de tout comprendre. C'était comme la fin de mon monde. Ça me faisait horriblement peur. Mes yeux se sont brouillés de larmes et Gally à côté de moi m'a demandé si j'allais bien. J'ai tenté de me reprendre pour lui répondre. J'ai échoué lamentablement.

Je me suis précipité à l'extérieur de la salle, n'en pouvant plus. J'ai senti une trentaine d'yeux perplexes se poser sur moi pendant que je fuyais lâchement. J'ai couru dans le couloir avec précipitation pendant que les larmes dévalaient mes joues. Le prof est sorti à ma suite et m'a demandé de revenir. Je ne l'ai pas écouté. Je suis parti me cacher dans les toilettes et j'ai pleuré tout ce que j'avais. Il ne savait pas ce qu'il se passait et je n'avais aucune envie d'en discuter. Je venais de perdre un de mes plus grands secrets. Je ne voulais absolument pas parler pour l'instant. Je me sentais désarmé et vulnérable. Tu pouvais faire n'importe quoi de moi maintenant que tu savais et cette perspective me mettait vraiment mal. J'étais comme seul face au monde, c'est horrible comme sensation. C'était trop pour moi.

Tu as deviné Newt. Tu es venu me voir plus tard à la récréation. Ton visage était doux. Tu avançais à petit pas comme si tu avais peur de m'effrayer. Tu voulais une confirmation sans doutes. Mais mieux valait pour nous que je ne dise pas tout haut ce que tu sais déjà. Je me suis contenté de te lancer un regard d'avertissement et tu t'es arrêté à mi-chemin. Tu m'as souri tristement et tu as hoché la tête comme si tu comprenais, que tu me laissais du temps. Pour quoi je ne sais pas.

J'espère ne jamais avoir à parler de ça avec toi. C'est déjà assez douloureux d'aimer à sens unique. Je n'ai pas besoin de t'entendre confirmer une impossibilité. D'autant plus que ça me déplaît toujours autant cette idée. Je ne pensais pas que notre amitié si forte s'arrêterait un jour et c'est sans doute ce qui me contrarie. Je ne pensais pas non plus pouvoir tomber amoureux de mon meilleur ami. Je pensais encore moins pouvoir aimer les garçons. Je me suis pris le fouet directement dans la figure ce matin où je t'ai donné un petit nom affectueux en me réveillant. Ma réaction a été violente pour toi comme pour moi. Mais c'était la meilleure chose que je puisse faire. Te tenir éloigné de moi pour ne pas souffrir. C'est de la légitime défense. J'espère qu'un jour tu comprendras et que tu me pardonneras.

Je te hais.

Tommy. 

Détesté NewtOù les histoires vivent. Découvrez maintenant