20 mars

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J'avais tout déballé. Absolument tout. C'était comme si j'avais été dans une transe et les mots franchissaient seuls mes lèvres. C'était comme si je restais enfermé en moi et que le temps tournait à l'extérieur mais que ça stagnait chez moi. Encore une fois, je vous voyais vivre et réagir à mes paroles alors que tout me semblait surfait et irréel. 

J'étais descendu des genoux de ma mère et je m'étais installé près d'elle, la tête penchée et le regard fixé sur mes mains tremblantes. Mon père à tout de suite compris qu'il ne fallait pas me poser de question, que je n'y répondrai pas et que je me contenterai de tout déballer, peu importe si vous êtes attentifs ou pas. Alors il s'est assis dans son fauteuil et m'a regardé, un peu perdu. Toi tu es resté debout derrière moi. Je sentais ta présence rassurante et encourageante. 

J'ai raconté cette soirée, il y a quatre ans où mes sentiments m'ont frappé de pleins fouets. J'ai raconté tous les détails de cette étrange sensation et la peur qui l'a rapidement suivi. Je leur ai dit à quel point je m'étais senti aux abois alors que ma mère nous regardait tour à tour, en ce demandant certainement si ces sentiments étaient toujours de mise aujourd'hui. Elle attendait nerveusement que je le confirme, et j'étais certain que si je le faisais dans la foulée, elle allait cessé de m'écouter. Alors j'ai continué mon histoire, notre histoire, sans me préoccuper de ses regards. J'espérais qu'elle prenne le temps de comprendre que ce n'était rien de grave, ces sentiments. 

J'ai enchaîné en leur disant quel monstre j'étais devenu, quel fils ils avaient élevé. Ils ont vu que je n'avais été rien d'autres qu'un monstre, une horreur qui s'était amusée à te faire souffrir. Ma mère a rapidement compris que c'est pour ça qu'on ne se voyait plus, parce que j'étais devenu un personnage odieux, apeuré par des sentiments qu'il n'imaginait même pas posséder. J'ai vu ses yeux s'agrandirent de stupeur. J'ai vu qu'elle n'aimait pas ce que je lui racontais. J'ai vu l'ancien Thomas dans son regard, celui qui fait des bêtises, qui se venge sur toi et qui espère tromper ses sentiments dans les filles qu'il séduit. J'ai vu que ce Thomas ne lui plaisait pas du tout et quelque part c'était tant mieux parce qu'il était mort et enterré. Mon père n'a rien dit à ça. Il s'est contenté de me regarder avec déception et tristesse d'apprendre que son fils en qui il avait fondé tous ses espoirs avait été une pauvre merde. Je voyais bien qu'il était déçu que j'ai pu leur caché tout ça, d'avoir joué la comédie de l'enfant à peu près correct pendant tout ce temps. Il était déçu que je puisse leur cacher tant de chose, déçu de voir qu'il n'avait vu que la surface de l'iceberg et que la partie la plus importante restait immergé et caché de tous les yeux. Toi tu as passé tes mains sur mes épaules. Tu les as serré, tendu et crispé. Je mettais tes blessures à vif et le regard que te portaient mes parents étaient de ceux que l'on porte à un enfant malade et faible. Ils avaient pitié. Je savais que mes mots te faisaient souffrir et que c'était difficile de revivre tout ça. Moi même ça ne me faisait pas plaisir. 

Je leur ai raconté le moment où tout a commencé à aller un peu mieux. C'était cet exposé de français, au début de l'année, tu te souviens ? Travailler ensemble nous avait rapproché et c'est à cette occasion que ma mère t'a recroisé dans l'appartement pour la première fois depuis quatre ans. C'est à partir de ce moment que j'ai commencé à me radoucir, lentement mais surement. Il y a ensuite eu ce baiser à Halloween. Là mes émotions sont remontées petit à petit, si bien qu'on a fini par faire la paix. Je voyais ma mère commencer à se satisfaire de ça, voir que je n'étais pas qu'un idiot qui s'amuse à faire du mal aux autres. J'ai vu le regard de mon père un peu mois déçu en constatant que j'étais capable de racheter mes fautes. Je t'ai senti te détendre et ta poigne était plus agréable sur mes épaules. 

J'ai continué sans relâche en leur parlant de notre amitié renaissante qui n'avait pas vécu très longtemps avec toute cette culpabilité. Je leur ai expliqué à quel point je ne me sentais plus digne d'être ton ami. Je leur ai dit que je souffrais de mes erreurs et que c'était impossible pour moi de construire une amitié qui me semblait illégitime. Pour moi, c'était impossible que tu puisses me pardonner puisque je n'y parviens pas moi même. Je leur ai expliqué ce jeu du chat et de la souris auquel nous avons joué pendant longtemps. Je leur ai dit combien de fois je t'avais fui alors que tu cherchais seulement à m'aider. Je leur ai dit que le poids de mes erreurs devenait de plus en plus lourd à porter et que je ployais sous leur poids. Ma mère a commencé à comprendre ce qui m'avait mis dans cet état. La colère a laissé place à l'inquiétude. Elle se souciait de moi et elle commençait à comprendre que tout ça n'était qu'une addition d'événements et que les limites avaient été dépassé. Elle a alors pris mes mains dans les siennes et, sans m'interrompre, elle m'a dit silencieusement qu'elle comprenait. Mon père ne disait toujours rien. Il restait fixe et j'avais l'impression que tout ça le dépassait et qu'il ne comprenait pas ma douleur. Toi tu as fini par me rejoindre sur le canapé et tu as posé ta tête sur mon épaule en signe de soutien. 

Détesté NewtOù les histoires vivent. Découvrez maintenant