31 Octobre 2024.
Ma mère avait appris la cuisine de sa propre mère qui l'avait appris de la sienne et ainsi de suite. C'était quelque chose d'immuable comme dans beaucoup de familles. Lorsqu'elle était venue me chercher à l'école ce jour-là, elle m'avait affirmé, déterminée :
— Je n'ai pas de fille, mais je t'enseignerais les recettes de tes aïeules. Nous passerons le temps qu'il faudra, mais tu sauras faire un repas digne de ce nom !
Sur le moment, j'avais été heureux qu'elle me dise ça. Je m'étais aussitôt vu devant les fourneaux avec mes parents et Dae, à partager ça comme nous l'avions souvent fait quand nous étions encore en Corée. Puis l'idée de connaître des recettes familiales m'avait séduit aussi. Nous étions rentrés, main dans la main, à l'appartement et nous n'avions pas perdu de temps. Ma mère m'avait passé un tablier par-dessus la tête et nous nous étions lancés dans la mission de préparer le dîner que tous les deux.
— On n'attend pas appa* et Dae-Dae ? lui avais-je demandé.
— Pour la cuisine, maintenant, ça sera que nous deux, Kwang Sun. Tu dois te concentrer sur ce que je t'apprends.
Je n'avais pas compris pourquoi elle me disait cela et elle ne m'avait pas laissé le temps d'y réfléchir. Elle s'était mise à me montrer les différents ustensiles, ingrédients, produits... Elle me posait des questions parfois sur ce qu'elle m'avait expliqué un peu plus tôt, comme une interrogation surprise.
En une heure, même si j'essayais de tout suivre, elle m'avait complètement perdu. Lorsque la porte de l'entrée avait claqué pour annoncer l'arrivée de Dae avec notre père, j'avais souri, heureux. J'allais pouvoir aider mon frère avec ses devoirs ou mieux jouer avec lui. Quand j'avais fait le geste pour retirer mon tablier, ma mère m'avait retenu par le poignet.
— Le dîner est-il prêt ? m'avait-elle demandé sèchement.
J'étais tellement surpris que mes yeux étaient grands ouverts. Elle avait croisé les bras, les sourcils froncés et j'avais cru bon de secouer la tête pour lui répondre.
— Alors tu restes ici. Tant que nous n'avons pas fini tous les plats à la perfection, nous ne sortons pas de la cuisine.
Mon regard s'était porté sur tous les saladiers et poêles qui trônaient sur nos plans de travail et j'avais senti la déception s'emparer de moi. Il nous faudrait une éternité pour faire tout ce qu'elle avait en tête.
— Le rôle du cuisinier est de satisfaire l'appétit et les papilles de ses convives ! Si tu n'es pas capable d'atteindre ces deux buts, tu ne seras jamais excellent.
Mes yeux s'étaient baissés sur la viande que nous étions en train de préparer et je m'étais demandé à quel moment j'avais voulu être un cuisinier.
— Sun ! avait résonné la voix de mon frère dans l'appartement tandis qu'il devait me chercher dans toutes les pièces.
D'habitude, j'étais celui qui le raccompagnait de l'école alors ça avait dû le surprendre de trouver notre père devant le portail. Quand il était entré dans la salle, ses petits yeux s'étaient écarquillés puis il avait ri.
— Qu'est-ce que tu fais avec ça ?
— Kwang Sun nous prépare le dîner de ce soir, avait répondu eomma à ma place.
— Pourquoi ?
— Parce qu'il est temps qu'il apprenne.
— Je peux l'aider ?
J'avais souri à cette idée. Notre mère avait dit que ce n'était que nous deux, mais maintenant que Dae était là, il pouvait très bien venir mélanger des trucs. Elle ne pouvait pas refuser, surtout pas à mon petit frère.
— Non.
Ce mot avait claqué dans l'air.
— Tu vas te laver les mains et faire tes devoirs.
— Mais...
— Maintenant, Dae ! avait-elle ordonné.
Nous avions échangé un regard triste avant qu'il ne fasse demi-tour. Je l'avais observé sortir de la pièce, la tête basse et ça m'avait fait de la peine.
— Eomma...
— Toi, tu recommences à malaxer ! m'avait-elle coupé sans même s'en rendre compte.
J'avais dégluti. Mon esprit avait bien tenté d'imaginer des dizaines de plans pour que je rejoigne Dae, mais mon courage me faisait à chaque fois faux bond.
J'avais fini les larmes aux yeux quand j'avais aperçu mon frère, agenouillé à la table basse du salon, ses cahiers ouverts devant lui. Après avoir soupiré, elle m'avait obligé à me tourner vers elle et en posant ses mains sur mes épaules, m'avait asséné la vérité, dans un murmure :
— Kwang Sun, un jour, tu seras grand et tu seras responsable d'appa et de moi. Ta propre famille. Peut-être même de ton petit frère et sa famille.
J'avais beau avoir douze ans et de ne pas être stupide, le concept d'être responsable de quelqu'un me dépassait complètement. Mais j'avais trouvé que ça faisait beaucoup de monde... Cependant, je comprenais que ce n'était pas le moment pour moi de poser des questions. Je devais seulement l'écouter :
— Pour ça, tu reprendras le restaurant. Tu devras savoir cuisinier et gérer une entreprise. À partir d'aujourd'hui, appa et moi nous t'apprendrons tout ce que nous connaissons, mais de ton côté, il faut que tu sois sérieux, concentré et travailleur.
J'avais hoché la tête, par automatisme.
— Tu vas y passer beaucoup de temps, mais c'est pour l'avenir de la famille.
Encore une fois, j'avais fait le robot.
— En faisant ça, tu réussiras à protéger tout le monde.
— Même Dae ?
— Bien sûr.
Ma mère avait dit lesmots magiques...
*Appa : terme coréen pour appeler son papa
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someone like you. - idy 3
RomanceIt's Definitely You - Tome 3 Le destin... Sun ignorait s'il y croyait. Il aurait aimé. Se dire que tout son avenir n'était pas écrit par ses parents et leurs traditions. Que tout ne tendait qu'à cette rencontre qui allait le transporter. Qu'un jour...