I. 24.

10 2 0
                                    

Sarlat, Périgord, fin juillet.

L'attente était interminable, et les autochtones pas suffisamment burlesques pour tromper l'ennui. Assise sur une chaise au plastique très inconfortable, elle patientait depuis des heures, chaque seconde écoulée lourdement signifiée par l'aiguille très sonore d'une horloge vieillotte. Trois heures et cinquante trois minutes, neuf magazines dont un datant de 1993, et six tentatives de coups de fil tombés à l'eau, elle était toujours là, désespérant qu'on lui prête enfin attention. Elle voulait partir, quitter cette région, quitter ce coin de France qui, pourtant, ne semblait pas très pressé de la laisser s'éloigner. Il y avait d'abord eu Jeanne qui, repassant par chez elle avant de se rentrer -selon sa propre expression- et surprenant la jeune femme rassemblant ses affaires précipitamment, l'avait supplié de prendre la nuit pour y réfléchir, la noyant sous une multitude d'arguments qui, elle devait bien l'admettre, étaient tous plus ou moins recevable. Dont un, plus que les autres : elle ne pouvait pas quitter la région sans les papiers nécessaires à la vente. 

Certes, elle pouvait employer des gens pour nettoyer la maison, la vider, et la déménager, oui elle n'avait pas besoin d'être sur place durant la mise en vente, et elle n'aurait même pas à se déplacer pour la signature, mais elle ne pourrait rien faire de tout cela sans les quelques papiers officiels qu'elle n'avait pas encore rassemblé. En plus de deux semaines, elle avait fait le plus gros du travail, mais ces derniers jours, elle avait eu la faiblesse de délaisser quelque peu les administrations au profit de tout le reste. Si elle avait le titre de propriété et les plans de cadastre, il lui manquait le plus déterminant, le plus contraignant également : Les diagnostics et les certificats obligatoires, et les documents relatifs aux travaux et modifications effectués sur le bien. Sur un bâtiment dont la construction avait débuté au XIVème siècle pour s'achever quelques siècles plus tard, évidemment qu'il y avait un paquet de modifications, et évidemment qu'ils n'en avaient gardé aucune traces.

Voilà pourquoi, après un énième réveil en sursaut trempée de sueur, elle avait quitté la gentilhommière comme une voleuse, allant récupérer sa voiture à la sortie du village pour se rendre à Sarlat, et réclamer, auprès de la mairie, les documents qui lui manquaient. Elle pensait que ça lui demanderait une petite heure et qu'après elle pourrait prendre la route directement pour Paris, voilà pourquoi toutes ses affaires s'entassaient dans le minuscule coffre de sa voiture tandis qu'elle s'impatientait sur son siège en plastique d'un autre âge. Elle n'était pas la seule à attendre. Comme elle, une dizaine d'autres personnes s'entassait dans ce décor dépouillé, avec pour seule compagnie une hôtesse d'accueil absolument pas accueillante. Visiblement, même pour lui poser une question il fallait patienter. Et surtout, ne vous avisez pas d'avoir une envie pressante au risque de vous faire dérober votre tour de passage en votre absence. Ça lui était arrivé une fois déjà, alors depuis elle restait cramponnée à son siège, offrant un regard suspicieux à chacun de ses compagnons de galère. Pour tromper l'ennui, elle avait cherché à joindre Pâris, mais celui-ci avait été d'une parfaite inutilité. D'abord parce qu'il n'avait pas répondu à sa dizaine de tentatives. Puis finalement, parce qu'il avait fini par la rappeler, malheureusement.

- Ha bah quand même, monsieur daigne faire un signe ! Répondit-elle après une sonnerie. Voilà des jours qu'elle était sans nouvelle de son frère. A la maison elle ne tombait que sur Benjamin, et le portable Pâris la renvoyait systématiquement sur messagerie. 

- T'es où ? Questionna-t-il sans autre forme de procès.

- A Sarlat. Répondit la brune sur le même ton.

- Ouai, ok, mais où ça, à Sarlat ?

- C'est quoi cette question ? Tu m'espionnes ?

- Pas du tout ! Je me renseigne. J'essaye de visualiser le décor autour de toi. C'est beau au moins ?

nāphîlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant