II. 41.

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- Il en est hors de question !

Debout, impressionnante malgré sa petite stature, elle s'agitait, faisant preuve d'une force de conviction absolument fascinante. Fascinante, c'était l'adjectif qui lui collait le mieux au tempérament depuis qu'il avait croisé sa route. Elle le fascinait au-delà du raisonnable. Il s'était cru insensible, impassible, sans doute mort, et puis il avait suffit d'un simple regard et ce cœur qui s'était immobilisé voilà des années s'était remis à battre crescendo. L'organe s'était emballé et n'en finissait plus de s'affoler. Voilà plusieurs mois, désormais, qu'il vivait avec cette sorte de tachycardie.

- Syssoï ! Dis-lui qu'on ira nulle part avec lui !

"On". Malgré son obstination à refuser l'aide qui lui était proposée, elle ne projetait rien sans lui. Un "on" incroyablement rassurant bien qu'il se refusait encore à l'admettre à haute voix.

- Vous êtes en danger, vous ne pouvez pas rester ici. Tentait le capucin en triturant cette étrange barbe.

- Il n'est pas question de rester ici, je vous rassure, je compte bien rentrer chez moi !

- C'est pure folie ! Ils connaissent certainement déjà vos adresses !

- Qui ça "ils" ? Et qu'est-ce qui nous prouve qu'on peut vous faire confiance, que vous n'en faites pas partie de ce "ils", hein ?

Croisant les bras sur sa poitrine pour se donner plus d'assurance, elle en oublia ses poignets bandés et laissa échapper une légère grimace de douleur.

- Ce n'était donc pas une légende, vous êtes d'un entêtement spectaculaire !

Un affront de plus qui fut de trop pour la jeune femme. Il put le sentir à ses poings se serrant, à ses yeux se plissant, à cette boule qu'il pouvait presque percevoir se former dans ses tripes et s'apprêtant à jaillir sur le pauvre moine sous forme d'une pluie d'injures. Mais plus encore, il pu le ressentir lui-même comme s'il se trouvait submergé par les émotions de la jeune femme au travers d'un lien étrange et soudain.

- Ça suffit !! Tonna-t-il, sortant brusquement de son mutisme doublé d'immobilisme.

Quittant le banc, il alla se positionner à quelques centimètres de la brune, son regard de lave braqué sur le capucin de manière à ne laisser aucun doute sur l'identité du destinataire de cet ordre.

- Accordez-nous quelques minutes. Reprit-il en enroulant ses doigts autour de ceux d'Astrée, l'attirant vers l'arche de la cuisine.

Il y eut bien quelques tentatives d'objection, mais il les balaya facilement d'un simple regard puis tourna les talons, entraînant la jeune femme dans son sillage. Il délaissa le rez-de-chaussée et l'emmena directement à l'étage. Pas n'importe où puisque ce fut de la chambre dans laquelle il s'était laissé emporter la première fois dont il passa le seuil, délaissant la main féminine le temps de refermer la porte derrière eux, les isolant du reste du monde.

- Je ne le suivrais pas, ce n'est pas la peine d'insister ! L'informa-t-elle lorsqu'il se retourna vers elle, agitant des mains, catégorique.

- Bien que je pense que ce ne soit pas forcément une mauvaise idée de se faire oublier un peu, ce n'est pas pour ça que je t'ai amené ici.

- Pourquoi alors ?

Surprise par sa réponse, elle fronça les sourcils et inclina légèrement la tête sur le côté, sans le quitter des yeux. Une attitude qu'il lui connaissait déjà, mais qu'il comparait pour la première fois à celle d'un félin face à un bruit inhabituel. Une réaction qui fit naître un sourire sur ses lèvres sans qu'il n'en prenne conscience.

nāphîlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant