II. 45.

8 2 0
                                    


- Et il est où, maintenant ? Voulu savoir Pâris en cherchant, péniblement, à se redresser dans le lit. En prison ?

- Reste allongé ! Ordonna sa sœur en lui appuyant sur les épaules pour le faire obéir. T'as une commotion cérébrale, je te rappelle, et tu sors tout juste du coma.

- Disons que... Il ne pourra plus faire de mal à personne. Éluda l'homme d'église, intriguant Astrée au passage.

- Mais c'est terminé, n'est-ce pas ? Je veux dire, on est en sécurité maintenant ? Elle est en sécurité maintenant ? Insista le convalescent, son regard inquiet passant d'un capucin à un russe, faisant escale par sa sœur, avant de revenir au russe dont les yeux se défilaient.

Personne ne répondit, ni Syssoï qui demeurait dans un coin de la pièce, stagnant dans l'ombre, ni Astrée trop occupée à placer des oreillers dans son dos. Même Frère Tuck, d'ordinaire si prolixe, se tenait silencieux derrière Benjamin.

- Qu'est-ce que vous ne dites pas ? Astrée ! Parle-moi !

Il insistait, suppliait. Elle aurait voulu le ménager encore un peu, mais le connaissant, il ne lâcherait rien, quitte à s'épuiser à la tâche. Aussi, résignée, elle se laissa retomber dans le fauteuil à ses côtés, et se passa plusieurs fois les mains sur le visage, comme pour tenter de s'extraire de force de ce cauchemar.

- Il n'était pas seul. Lâcha-t-elle enfin après un moment de silence pesant. Lorsqu'il me... tenait, il était au téléphone avec quelqu'un d'autre, quelqu'un à qui il ne faisait qu'obéir. Il n'arrêtait pas de répéter qu'il ne souhaitait pas ça, qu'il ne voulait pas en arriver là, qu'il avait tout essayé pour le dissuader, pour m'accorder plus de temps, mais qu'il n'était pas décisionnaire.

- Qui alors ?

- J'en sais rien. Soupira-t-elle en se recroquevillant sur elle-même, ses bras venant encercler ses genoux qu'elle avait ramené sous son menton.

- Abraxas. Coupa le moine dans le plus grand calme.

Alors, il quitta son coin d'ombre pour s'avancer jusqu'au centre de la pièce. Il avait attendu ça depuis Beynac, autant dire des heures. Bien sûr, il n'avait pas imaginé cette explication dans pareil lieu et entouré de témoins qui n'étaient pas les protagonistes, mais la jeune femme ne lui laissait pas le choix, elle ne voulait rien entendre. Un trait de caractère qui semblait, à l'image de son physique, se perpétuer au cours des siècles.

- C'est le nom qu'ils se donnent. Poursuivit-il, maintenant qu'il avait l'attention générale. Ils ont une seule et unique mission, faire en sorte que vous ne soyez jamais réunis.

Et par 'vous' il entendait Astrée et Syssoï comme son regard oscillant de l'un à l'autre le prouvait.

- Mais pourquoi ? Interrogea un Pâris totalement perdu.

- Peu importe, ils ont gagné. Trancha Astrée. Je ne veux risquer la vie de personne.

Elle souhaitait être contredite, par n'importe qui, par n'importe quel moyen. Elle repensait à son ébauche de conversation une heure plus tôt avec le russe, et cette simple perspective forçait un tremblement dans ses extrémités. Peur ? Colère ? Certainement un peu des deux. Pour bien faire, il fallait que leurs routes se séparent ici et maintenant, même si c'était injuste, même si c'était absurde, elle ne voulait plus prendre le moindre risque, mais ne parvenait à s'y résoudre. Pas plus que lui, visiblement. Que faisait-il encore là ? 

- Vous comptez faire quoi ? Faire une annonce publique précisant que vous ne vous reverrez plus ? Intervint le capucin d'un ton légèrement moqueur qui eut le don d'irriter profondément la brune. Ils ne vont pas s'arrêter parce que vous leur promettez quoique ce soit. Ensemble ou pas, ils ne prendront pas le moindre risque, ils vous tueront. Au moins l'un de vous deux.

nāphîlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant