I. 58.

7 2 0
                                    


Le retour vers la gentilhommière ne s'était pas fait sans difficulté, ni en silence. Il avait fallu négocier un moment avant que les deux Beynac daignent se séparer de Tagada. Ils voulaient bien admettre qu'il était plus que temps de rentrer, mais s'étaient mis dans la tête que le poney ferait un excellent animal de compagnie, au même titre qu'un chien ou un chat. Ils avaient décidé d'une alternance, un jour sur deux Tagada dormirait avec l'un, puis avec l'autre, et le matin ils iraient le promener ensemble dans les ruelles de Beynac. Trop sonnée par ce qu'elle venait de vivre pour leur tenir tête ou même s'énerver, elle avait tout simplement démissionné en les renvoyant auprès du responsable du centre. Bien évidemment, ce dernier, incrédule, avait rejeté la requête, et depuis les deux immatures n'en finissaient pas d'exprimer bruyamment leur frustration. Plaintes et traînages de pieds avaient agrémenté leur retour au bercail. 

Tant et si bien qu'en passant le seuil, Astrée n'avait plus qu'un seul besoin, l'isolement. Elle avait beau les aimer plus que de raison, l'instant était mal choisi pour leurs jérémiades et autres blagues d'un goût douteux. À fleur de peau, elle supportait mal toute forme de sociabilité, et ne serait-ce que forcer un sourire s'avérait être au-dessus de ses forces. Abandonnant l'écho de leurs voix au rez-de-chaussée, elle s'empressa de rejoindre le premier étage, et sous le fallacieux prétexte d'une douche, s'assura une solitude temporaire. Et pourquoi pas un bain ? Elle n'aurait qu'à tourner le verrou afin qu'ils ne déboulent pas toutes les trois minutes et peut-être aurait-elle droit à un moment juste pour elle ? Parfois elle avait le sentiment d'être dans la peau d'une mère de famille débordée dont les enfants auraient physiquement grandis plus vite que mentalement. Elle poussa la porte de sa chambre en se délestant de son débardeur, et ce fut avec ce même débardeur au niveau des cheveux, façon Sœur Dominique qu'elle surprit le mouvement en provenance du bureau. Ou plutôt de la chaise de bureau qui, dos à elle, pivota brusquement dans sa direction. D'elle-même ?

- Je vous attendais, Mister Bond. Entonna l'homme, bien enfoncé dans l'assise, ses doigts caressant le pelage d'un chat sortit d'on ne sait où.

- Pierre !! Cria-t-elle de surprise en plaquant ses bras contre son soutien-gorge à découvert.

- Comme s'il y avait quelque chose à cacher. Se moqua-t-il tout en poursuivant ses caresses sur la bestiole.

L'outrage dû être particulièrement visible sur les traits de la jeune femme, puisqu'il s'empressa d'ajouter, une main tendue dans sa direction :

- Non ! Mais non ! Je veux dire que c'est ravissant, et que ce serait dommage de priver le monde d'un tel enchantement, et que...

- La ferme ! Bougonna-t-elle en ré-enfilant son débardeur à la hâte.

- D'accord.

- Qu'est-ce que tu fous-là, et plus important encore, d'où sort ce chat ? Demanda-t-elle en occultant volontairement le fait qu'il n'arborait, en tout et pour tout, qu'une serviette nouée autour de la taille.

- Comme précisé précédemment, je t'attendais, et concernant le chat, simple accessoire. Annonça-t-il dans un sourire très sûr de lui qu'il ne manqua pas de perdre instantanément. Non, sérieusement, c'est pas le tien ? Il était couché sur le lit, alors j'ai cru que... Oh merde ! Ça transporte des maladies ces trucs là !

D'un bond, il se redressa, forçant le matou à un vol plané qu'il accomplit dans un miaulement des plus stridents.

- Mais t'es malade ? Pauvre bête ! S'indigna la jeune femme en ramassant la boule de poils qui s'en vint se pelotonner dans son cou. Regarde comme il est mignon en plus... On dirait qu'il a des sourcils et une moustache de hipster !

nāphîlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant