II. 46.

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C'est son visage tuméfié qu'elle remarqua en premier. Non pas qu'elle ait oublié quoique ce soit des coups qu'il avait reçu pour elle, simplement dans la pénombre de la chambre d'hôpital uniquement éclairée par quelques lampes d'appoint, cela sautait moins aux yeux. Là, dans ce couloir, sous la lueur blafarde des néons agressifs, chaque hématome ressortait plus violacé, plus imposant, plus révoltant. Aussi, oubliant temporairement ce pour quoi elle l'avait entraîné jusqu'ici, elle s'approcha, effleura de ses doigts les bosses et les bleus, et quelque part, ça répondait déjà à la question qu'elle voulait lui poser. Si elle ne voulait pas prendre le risque qu'il arrive quoique ce soit à sa famille, elle devait bien admettre qu'elle avait ce besoin, cette urgence en elle, plus importante encore, qu'il ne lui arrive rien à lui.

- Ça va, je vais bien. Coupa-t-il court en lisant l'inquiétude dans son regard.

Sa main s'en vint s'emparer du poignet de la jeune femme, rompant le contact du bout de ses doigts contre sa joue. Une distance qu'il minimisant en ne parvenant à se résoudre à lâcher sa main.

- Fais pas ça. Le prévint-elle, le supplia-t-elle. T'éloigne pas comme ça.

- Tu me demandes de partir sans m'éloigner ? Comment j'suis supposé faire ça, Astrée ?

Il était agacé, irrité, vexé probablement également, et elle pouvait parfaitement le comprendre. Mais ne pouvait-il pas, lui-même, comprendre à quel point elle était perdue, en ruine, sans plus aucun repère, rendant ses décisions aussi chaotiques qu'incertaines ?

- Je cherche juste une solution. Et puis, t'es encore là, alors...

Son regard, implorant, tentait de sonder le sien, de l'attendrir, alors que tout ce qu'il lui renvoyait n'était que mer de glace, ces deux lacs gelés désormais si familier.

- Parce que ce n'est pas la solution.

Il avait certainement raison, mais aucune de celles proposées ne semblaient idéales. Dans un cas comme dans l'autre, elle devrait renoncer à bien trop. Que ce soit lui ou sa famille, sa vie, c'était trop lui demander. C'était injuste et tétanisant.

- Hier, sur les toits, tu m'as avoué que tu n'avais pas l'intention de me revoir, et aujourd'hui tu voudrais renoncer à tout, ton art, ta vie, tes amis, juste pour suivre un vieux fou dont on ignore tout ? Pourquoi ?

- Parce que j'ai failli te perdre ! Cracha-t-il comme si cette information était d'une évidence déconcertante.

- Ça change quoi ?

Après tout, que ce soit physiquement ou tout court, faire le choix de ne plus jamais la revoir, c'était la perdre aussi, non ?

- Ça change tout !

- Arrête de crier et m'engueuler ! Hurla-t-elle à son tour, avant qu'une infirmière n'apparaisse pour leur signifier de baisser le ton, de son air sévère. S'il te plait, parle-moi, dis-moi les choses... Reprit-elle, plus doucement, son corps se rapprochant, ses paumes allant caresser le haut des bras qu'il avait croisé contre son torse, dans une attitude de repli et de distance.

Surement qu'une autre qu'elle ne se serait jamais permis cette intrusion, et elle-même quelques semaines plus tôt, aurait plutôt fait deux pas en arrière, mais... Il était loin ce temps où elle l'avait craint, où son regard l'aurait réfrigéré en une fraction de seconde. Désormais, en plus de cette attraction indéniable, elle savait, pour l'avoir observé, qu'il donnerait sa vie contre la sienne. Et n'était-ce pas, justement, ce qu'elle avait prouvé également lorsqu'elle l'avait écarté de cette voiture s'apprêtant à le faucher ? Elle avait agit par instinct, certainement qu'il en allait de même pour lui. Ce n'était pas des décisions qu'ils prenaient, juste des décisions qu'ils subissaient. Elle avait bien essayé de lutter, mais... C'était peine perdue.

nāphîlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant