II. 23.

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Assise sur l'une des marches extérieures recouverte de ce tapis rouge qui avait tant attiré les regards, la jeune femme profitait d'une brève accalmie dans le flot incessant des noctambules gravitant autour de la Place. Il était tard, à présent, et il faisait lourd, le ciel se zébrant de temps en temps, mais pas suffisamment pour que l'un des pôles principaux de la capitale ne se vide de son flot de touristes et autres agités nocturnes. Quelle heure pouvait-il être ? Son portable se trouvant toujours dans son sac, elle demeurait privée d'informations horaires. Dans son dos, les pas la forcèrent à se retourner. Pierre approchait, un verre dans chaque main. Du blanc pour elle, du rouge pour lui. Elle le remercia d'un mouvement de tête, et s'empressa d'y tremper les lèvres pendant qu'il s'installait à ses côtés.

- Tu veux bien m'expliquer, maintenant, pourquoi tu errais pieds nus dans l'opéra pourchassée par Syssoï ?

Elle n'avait pas dit un mot, jusqu'à présent. Elle s'était exprimée sur son besoin de prendre l'air, et sur son envie d'étancher sa soif. Il s'était montré docile, et avait accédé à chacune de ses demandes, plus que ravi qu'elle sollicite son aide.

- Je ne errais pas, je ne faisais que redescendre. Et j'avais ôté mes chaussures parce qu'elles me faisaient un mal de chien.

- Ça va mieux maintenant ?

En effet, ça allait bien mieux. Elle n'y avait pas réellement prêté attention durant sa fuite, mais désormais qu'il posait la question, elle remarquait l'absence quasi totale de la moindre douleur. Elle aurait du avoir mal, même un peu, mais ce n'était pas le cas. C'était comme les enfiler pour la première fois.

- Et qu'est-ce que tu faisais dans les étages avec Syssoï ? Reprit-il, définitivement trop curieux.

Elle aurait pu lui dire la vérité, tout lui raconter désormais qu'il n'y avait plus rien à cacher. Pourquoi devrait-elle encore protéger le danseur ?

- Je n'étais pas avec lui, je suis tombée sur lui, nuance. S'entendit-elle répondre à la place. Je voulais avoir des clichés du grand escalier dans son ensemble, alors je suis montée au deuxième étage, puis au troisième étage. Sauf qu'il y était aussi, pour s'isoler si j'ai bien tout compris, et pas vraiment ravi de me voir, j'ai eu le droit à sa très habituelle bonne humeur communicative. 

- C'est tout ?

- Qu'est-ce que tu voudrais qu'il y ait de plus ?

Elle bluffait, mais sourcils froncés, elle sembla donné le change puisqu'il ne remit rien en question.

- Je ne sais pas, vous sembliez très proche à Beynac, avant que tu ne partes. Pourquoi t'es partie, d'ailleurs ? 

- J'avais besoin de rentrer chez moi. Et si par "très proche" tu entends se faire hurler dessus à longueur de journée, alors oui, on était comme les deux doigts de la main. Est-ce qu'on peut arrêter de parler de ce type ? J'essaye de me calmer. 

- D'accord, de quoi voudrais-tu qu'on parle ?

- De rien. Il va falloir que je rentre, de toute façon.

Ramassant son appareil photo, elle se releva en finissant son verre d'un trait, à l'instant même où Pâris apparaissait sur le seuil d'une des grandes portes. D'abord clairement affolé, il sembla retrouver un calme apparent en apercevant Pierre, lui-même sur le point de se redresser.

- Ast', tu peux venir, s'il te plait ? Demanda-t-il en attrapant le bras de sa sœur, tout en souriant à l'autre, un peu plus loin.

- Qu'est-ce qu'il y a ? Murmura-t-elle entre ses dents, le ton pressant de son frère ne l'ayant pas tromper.

nāphîlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant