Souvenirs II

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Beynac, 19 ans plus tôt.

 « Alors Benoît s'avança dans l'eau jusqu'à mi-taille, puis s'arrêta brusquement, hésitant.

- Dépêche-toi ! Le supplia Aurore... Si tu m'aimes, tu dois le faire !

- Oh oui, Je t'aime !

Bien sûr qu'il l'aimait, il n'y avait aucun doute là-dessus. Aussi, Benoît prit sa respiration et disparu sous l'eau, à la recherche de la chevelure blonde qui l'avait précédé... »

Dans un bruit sec, la jeune femme brune referma l'épais volume qu'elle tenait en main, puis déchaussa ses lunettes de lecture. Le silence s'était répandu dans la petite chambre depuis qu'elle avait interrompu sa lecture, ne subsistait que la respiration lente des deux petits corps enchevêtrés l'un dans l'autre. D'une main tendre, elle vint lisser les bouclettes de la petite fille répandues en auréole autour de son petit visage. La jeune maman avait beau être l'auteur de ce petit chef-d'œuvre, elle n'en était pas moins subjuguée à chaque fois. La beauté de ses enfants la surprendrait toujours, que cela soit la petite poupée de porcelaine ou, celui qui gisait à ses côtés, allongé sur le dos, les bras en croix, dont un barrant le torse de sa sœur. Un tendre sourire aux lèvres, la jeune femme se releva du fauteuil, recouvrit les deux petits corps avec la couverture brodée, puis s'occupa d'éteindre la veilleuse sur la petite table basse. Mais alors que, la main sur la poignée de la porte, elle s'apprêtait à quitter la chambre d'enfant, une douce voix en provenance de l'obscurité, se fit entendre.

- Maman ? Appelait la petite fille.

- Tu ne dors pas, mon ange ? S'enquit la maman en question, en revenant sur ses pas.

- Non. Je réfléchissais. Répondit la petite voix avec un sérieux qui n'allait pas aux enfants de son âge. D'ailleurs, sa mère ne pu retenir un sourire amusé. A quoi donc pouvait réfléchir une petite fille de six ans avec autant de concentration ?

- A quoi, ma puce ?

Elle venait de se réinstaller dans le fauteuil, et en éclairant la veilleuse, elle fut surprise par l'intensité du regard émeraude de sa fillette. Aucune trace de sommeil, aucun signe de fatigue. Se pouvait-il qu'elle réfléchisse réellement depuis de longues minutes, alors qu'elle la pensait endormie ?

- A Benoît. Répondit-elle en fronçant les sourcils, comme si elle abordait un sujet complexe, un sujet qui occupait toutes ses pensées et dont elle ne parvenait à se débarrasser. Une expression qui n'allait pas plus à son jeune âge. Une adulte dans le corps d'une enfant de six ans, de quoi déstabiliser sa mère.

- Et bien ?

- Il va mourir. Constata l'enfant avec gravité.

- Non, c'est un conte, mon ange, une histoire d'amour... Tenta de lui expliquer sa mère, sans grand succès.

Elle avait la fâcheuse habitude de rejeter les contes de fée, qu'elle jugeait trop niais pour ses enfants, et de leur offrir la lecture d'histoires plus « adultes », plus travaillées, mais toujours aussi magiques et quelque part féeriques. Peut être pas assez, puisque Astrée n'évoquait que la mort.

- Mais si, Maman. Insista l'enfant, en s'emparant de la main de sa mère, comme si elle cherchait à rassurer cette dernière face à la réalité des choses. Aurore elle est morte, maman, et si Benoît il va sous l'eau, il va mourir lui aussi. Il peut pas respirer sous l'eau, c'est la vérité.

- Non, ma puce, ce n'est pas aussi simple que ça... Souffla sa mère à voix basse.

- Si ! C'est pour ça qu'on peut pas aller près de la rivière, parce que si on tombe dans l'eau, on peut pas y respirer, papa il a dit. C'est pas vrai ?

nāphîlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant