I. 55.

9 2 0
                                    



- Troisième ! Comment c'est tout moisi !

- T'aurais dû me laisser concourir plutôt que de jeter le discrédit sur notre nom de famille.

Sympa l'accueil. Elle venait de franchir la ligne d'arrivée comme une bombe, s'employant à dépasser le plus de concurrents possibles sur les derniers mètres, sans parvenir, néanmoins, à rattraper son retard. Un retard dont elle comptait bien imputer la responsabilité à cet abruti de cavalier noir. Pour cela fallait-il encore le retrouver, et dans la foule débordant sur la piste pour venir soutenir vainqueurs et perdants, ce n'était pas chose aisée. Encore moins flanquée de deux crétins très occupés à débriefer sa médiocre performance.

- Non mais troisième, Astro ! Il s'est passé quoi ? C'est à cause de ton béguin pour le fils de boulanger ? Tu sais, c'est pas parce que tu lui laisses la deuxième place qu'il va quitter sa femme pour ta culotte, hein !

- Et dire que tu prétends que je sais pas monter ! Mille excuses Milady, mais même les yeux bandés je faisais mieux que toi.

Elle n'écoutait pas, ayant développé, à force d'expérience, une forme d'insensibilité à leur timbre de voix. Elle n'avait d'attention que pour sa quête du cavalier noir, dirigeant sa monture au travers de la foule en veillant à ne piétiner personne. Depuis la tribune, le Maire était réapparu, félicitant tous les participants, même les perdants qui avaient vaillamment combattus, et bien évidemment la population touristique et autochtone pour sa contribution à la compétition. Comprenant qu'il allait annoncer le vainqueur, et qu'ainsi le cavalier noir ne pourrait plus se cacher, Astrée reporta son attention sur l'homme au micro, immobilisant monture et ses deux palefreniers trop bavards.

- ... Et j'appelle sur le podium, le vainqueur de cette six-cent-quatorzième édition du tournoi de Beynac... Martin Larrieu pour le barry du port !

- Martin Larrieu, j'vais te péter ta tronche ! Grommela Astrée en le cherchant du regard, ne s'arrêtant qu'en repérant cette partie de la foule s'agitant plus que de raison, dont fini par s'extraire un cavalier bariolé de vert et de jaune, aux couleurs du barry concerné.

Un cavalier n'ayant absolument rien de noir sur lui ou en lui. Un illustre inconnu certes, mais pas celui qu'elle recherchait. Qu'est-ce que ça pouvait bien vouloir dire ? Le cavalier noir n'était-il pas censé arriver vainqueur ? S'était-il fait doubler par cet enrobé quadra sur la dernière ligne droite ?!

- Qui est arrivé deuxième ? Beugla-t-elle à l'attention de son frère. Pâris !! Qui est second ?

- Le fils du boulanger, j't'ai dit.

- Le cavalier noir, il est où ?

- Qui ?

- Le cavalier tout en noir, celui qui me collait au train sur les deux premiers tours ! S'énerva-t-elle.

- J'en sais rien, moi ! Il a dû arriver après toi ! Et elle est où ta bombe ?

- Dans ton c... ! Commença-t-elle, la dernière syllabe avalée par l'intervention d'un nouvel arrivant, accrochant la bride pour prendre la direction de l'étalon sur lequel elle était toujours.

- Où est-il ? Venait de l'interroger le danseur à peine essoufflé par sa course.

- J'en sais rien. Lui répondit-elle, sincèrement désolée, réellement perdue. Je ne comprends pas, il semblerait qu'il ne soit jamais arrivé.

Du moins, d'après ce que prétendait Pâris. S'il n'avait pas terminé avant elle, et puisqu'elle ne l'avait pas croisé sur les derniers mètres, se pourrait-il qu'il ait simplement disparu ? Alors qu'elle fouillait l'espace derrière elle, s'attendant à le voir débarquer après le coup de sifflet final, une main se posant sur sa cuisse la ramena à la réalité.

nāphîlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant