II. 17.

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Ce fut les coups répétés à la porte qui la tirèrent de son second sommeil. Le premier ayant été interrompu par l'un de ses habituels cauchemars dont elle ne gardait aucun souvenir, elle n'était parvenue à se rendormir que bien plus tard. Bien trop tard pour ne pas se sentir totalement égarée en ouvrant un œil. Bien trop tard pour ne pas maudire l'abruti qui osait la réveiller avant midi. Bien trop tard pour ne pas hurler à qui voudrait bien l'entendre qu'il fallait aller ouvrir avant qu'elle ne se compromette dans un homicide avec préméditation. Sauf que rien ne vint interrompre les coups portés qui ne faisaient que gagner en violence et précipitation. L'importun s'impatientait. Elle aussi. D'un mouvement enragé, elle vira les draps et dérangea le chat qui s'y était lové en boule. Après s'être enroulée dans un vieux gilet, elle entreprit de descendre jusqu'à l'entrée, sans oublier de pester à voix haute contre cette bande d'incapables qui la laissait tout faire dans cette baraque. Et lorsqu'elle ouvrit la porte sur un monsieur très sérieux en complet noir et casquette estampillée "voiturier", elle était encore en train de hurler son mal-être. Elle en bafouilla de surprise, resserra le gilet autour de son corps menu, et se redressa d'un coup, dos bien droit, histoire de présenter un peu mieux.

- Mademoiselle Astrée de Beynac ? Chercha-t-il à savoir en l'inspectant de pieds en cap.

- Heu... oui... Je veux dire, oui, c'est bien moi.

- Alors, ceci est pour vous.

Dans sa main, à bout de bras, une housse de protection noire sur cintre, qu'il lui tendit avec sérieux. Elle n'eut le temps de lui poser la moindre question, à savoir ce que c'était ou d'où ça provenait, que déjà il rebroussait chemin, son devoir accompli. Perplexe, elle referma la lourde porte d'une main, puis gagna la cuisine son attention accaparée par la chose étrange qui renfermait Dieu sait quoi. Si bien qu'elle ne remarqua la présence de son frère que lorsqu'il se fit entendre.

- C'était pour quoi ?

Installé à la grande table en bois de la cuisine, occupé à imbiber une tartine beurrée de ce chocolat au lait dans lequel il la trempait, il lui offrait ce sourire, cet air d'une innocence absolument improbable.

- Ça ne t'est pas venu à l'esprit d'aller ouvrir, par le plus grand des hasards ?

- Et me priver de ton chant de rossignol furibond ? Naaaan, j'aime tellement t'entendre hurler de bon matin.

Elle lui jeta un regard noir et remarqua pour la première fois le nœud de papillon qui pendait par-dessus son tee-shirt fétiche, celui qui disait "Ôte ta culotte, c'est moi qui pilote".

- Qu'est-ce que c'est que ça ? Demanda-t-elle en désignant le curieux accessoire du menton, tandis qu'après avoir étalé la housse sur la table, elle entreprenait, d'une main, d'en abaisser le zip.

- Ça ? Répéta-t-il en caressant du bout des doigts le satin noir. Un petit quelque chose pour accompagner ça.

Cette fois, c'était sa housse, désormais ouverte, qu'il désignait du bout de sa tartine dégoulinante. Intriguée, elle reporta son attention sur le contenu, et découvrit du tissu, beaucoup de tissu. Un tissu superbe aux teintes sable pâle parsemés de motifs discrets d'un bleu plus audacieux. Et de la dentelle, de la dentelle constellée d'or sur ce qu'elle identifia comme un décolleté et des manches. Elle s'était décidée à extraire le tissu de la housse afin de dévoiler ce qui n'était autre qu'une robe. Une robe longue, une robe somptueuse. Composée d'un tissu si fin qu'on aurait dit un voile de la taille jusqu'aux pieds, le buste se trouvait scindé en deux flammes de ce même voile, couvrant chaque sein tout en découvrant l'espace entre eux jusqu'à ce fin ruban doré qui ceinturait la taille. Un décolleté audacieux et pourtant rendu parfaitement décent par cette dentelle subtile qui couvrait tout le reste du buste, de la ceinture jusqu'au cou, des épaules jusqu'aux poignets. Une dentelle dorée, brillante, discrète, sublime.

nāphîlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant