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NOAM

Les bras croisés sur le torse, je poussai un soupir à fendre l'âme. Je ne me sentais pas à ma place à ma propre fête d'anniversaire. Trop de monde, trop d'alcool, trop de bruits. Louis, mon meilleur ami, avait tout organisé dans sa grande maison sans même me demander mon avis.

Ah, l'amitié...

J'attendis impatiemment qu'il ait le dos tourné pour m'éclipser dans le jardin. Avec un peu de chance, il ne remarquerait peut-être pas mon absence. Louis, comme tous mes autres « amis », ignorait parfaitement ce que je désirais vraiment. Mon dix-huitième anniversaire était pour lui l'occasion idéal d'accroître sa cote de popularité.

Je m'allongeai sur la pelouse humide pour observer le ciel bleu marine. Les étoiles étaient si peu nombreuses que je pouvais les compter sur les doigts de la main. Je fermai les yeux pour formuler un vœu et aussitôt un visage s'imposa à mon esprit.

Des yeux en forme d'amande de la couleur de l'onyx. Un nez fin et droit. Des lèvres roses et pulpeuses.

J'étais prêt à tout sacrifier pour qu'Achillia s'intéresse à moi. Peu m'importait qu'elle vive dans le quartier pauvre de Corm. Peu m'importait qu'elle s'habille avec des vêtements noirs et des chaînes en argent autour du cou et des poignets. Peu m'importait qu'elle ait toujours le nez dans un recueil de poèmes et qu'elle soit complètement hermétique au monde extérieur. Elle était, incontestablement, la fille la plus merveilleuse de la planète.

- Noam ?

J'ouvris un œil pour voir qui s'était approché de moi.

- Arthur, tu empestes l'alcool.

- Comme tout le monde ici à part toi. Jules et Mathis sont en train de se battre, tu viens regarder ?

Je me relevai en secouant la tête. Par moment, il m'arrivait de me demander comment j'avais pu devenir ami avec des idiots pareils.

- Je rentre chez moi.

Lundi matin, j'ai retrouvé Louis, Arthur et tous les autres devant le gymnase pour notre unique cours de la journée : Education physique, cycle endurance. Je passai devant notre professeur, le dos voûté. Je n'avais pas besoin d'être extralucide pour savoir que cette séance serait pénible. Le seul sport que j'aimais et où j'excellais était le tennis de table.

En entrant dans le bâtiment, je constatai qu'Achillia était déjà sur la ligne de départ, prête à courir. Elle avait les poings serrés et je me demandai ce qui pouvait bien la contrarier.

Mme Blot fit l'appel, installa les plots et la séance de torture commença. Vingt tours de pistes. Ni plus ni moins. A mon dixième, je rampais déjà comme un ver. Au dernier coup de sifflet, tout le monde, filles et garçons confondus, se rua dans les toilettes mixtes pour boire à la petite fontaine à eau. Achillia n'était pas parmi eux.

Quelques minutes plus tard, un silence de plomb s'abattit sur le gymnase, il n'y avait plus personne. Du moins, je le croyais.

- Ne me touche pas !

Je refermai le robinet de la fontaine à eau, alerté par des éclats de voix.

Louis, Arthur, Mathis et Jules encerclaient quelqu'un dans le couloir du distributeur.

- Les gars, qu'est-ce que vous faites ? demandai-je, alors, comme si la situation n'était pas assez claire.

- On fait connaissance, ricana mon meilleur ami.

Les sourcils froncés, je m'avançai, forçant les autres à s'écarter. Achillia était acculée contre le mur du couloir, les joues striées de larmes.

Rien que nousOù les histoires vivent. Découvrez maintenant