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ACHILLIA

Furieuse, je bondis de marche en marche pour rejoindre le C.D.I et mettre autant de distance que possible entre Noam et moi.

La documentaliste discutait avec un professeur que je ne connaissais que de vue. Je les saluai d'un hochement de tête avant d'inscrire mon nom sur la liste de présence et prendre place devant un ordinateur.

Cet endroit était comme mon refuge et j'étais bien contente de l'avoir pour moi seule encore une fois. Je pouvais pleurnicher à ma guise sans personne pour me lancer des regards de pitié. La solitude, le silence et l'odeur des livres me plaisaient, je n'avais besoin de rien d'autre.

Je mis plusieurs minutes à calmer mon cœur qui battait la chamade. Mon propre comportement me donnait la nausée. Noam cherchait seulement à m'aider et je lui avais presque craché au visage. Après cela, il n'allait plus m'adresser la parole, c'était certain. D'ailleurs, il valait peut-être mieux qu'il en soit ainsi. Je ne voulais pas qu'il tente de me convaincre de rester. Je ne pouvais pas. L'idée de devenir une fugitive ne m'enchantait guère mais la sécurité de mon frère était primordiale.

Un bref instant, l'envie d'appeler ma mère effleura mes pensées. J'y renonçai. Elle n'était pas exactement le genre de personne sur qui l'on pouvait compter. Depuis son remariage, elle ne voulait plus entendre parler de Priam ou de moi. Elle avait tiré un trait sur son passé et considérait ses enfants assez grands pour se débrouiller seuls. Ce qui était effectivement le cas. En théorie.

Finalement, je me levai. Rester assise devant un ordinateur, surtout éteint, n'avait pas grand intérêt.

Je traversai les couloirs pour rejoindre ma salle de classe. Aller en cours de philosophie une heure avant l'heure du déjeuner n'était pas très tentant mais je me fis violence. Un troupeau de harpies était déjà rassemblé devant la porte. Elles échangèrent des remarques en gloussant mais cela ne me fit ni chaud ni froid. Je guettais Noam, le cœur serré par la culpabilité.

- Mademoiselle Tanaka, j'ai deux mots à vous dire. Vous resterez donc à la fin du cours.

Madame Sosureau m'adressa un regard appuyé et j'inclinai la tête en soupirant intérieurement. Ce mercredi matin n'en finissait pas.

Finalement, Noam frappa à la porte quelques minutes plus tard pendant que la prof rendait les copies de la veille sur « le sens du devoir ». Comme il avait fait une très bonne dissertation, elle l'autorisa à rejoindre sa place. En passant, il m'adressa un regard interrogateur et je grimaçai un sourire d'excuse. Il rayonna de soulagement.

Madame Sosureau nous infligea un autre devoir que je ne fis pas plus que le précédent. Je n'avais même pas pris la peine de jeter un coup d'œil à l'intitulé.

- Posez vos stylos, annonça Madame Sosureau comme la veille, cinq minutes avant la fin de l'heure.

Je me fis la réflexion que le métier de professeur devait être lassant à force. Toujours enseigner les mêmes cours, toujours dire les mêmes choses. Avoir toujours les mêmes élèves rebutant. Une routine sans fin.

Cette fois-ci, elle ne prit même pas la peine de ramasser ma copie. Je ne pouvais que la comprendre, elle n'avait pas envie de perdre son temps.

Je vis Noam approcher de mon bureau du coin de l'œil.

- Pas facile cette disserte, dit-il en levant les mains comme s'il était sur le point de se faire arrêter par la police.

Ses doigts étaient tâchés d'encre. Comme Kensei, il écrivait au stylo-plume. J'essayai de sourire. En vain.

- Je ne te le fais pas dire.

Il jeta un regard à ma feuille vierge.

- Tu as écrit à l'encre invisible ?

Rien que nousOù les histoires vivent. Découvrez maintenant