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NOAM

Dans le hall de l'hôpital, je tournais en rond comme un lion en cage. J'étais toujours en colère contre mon père mais je regrettais de m'être emporté devant Achillia.

- Noam !

Je me retournai. Elle me bondit presque dans les bras. Presque.

- Oui ? demandai-je, maussade.

- J'ai parlé à ton père. Le dossier est dans son bureau en ville !

Je secouai la tête.

- Il t'a menti. J'ai fouillé chaque recoin de son bureau, il n'y avait rien.

- Tu as pensé à regarder derrière la carte ?

- Non, avouai-je.

Elle sourit.

- On dirait qu'il y a un gros nuage noir au-dessus de toi. Arrête de faire la tête !

J'enfonçai mes mains dans mes poches en grognant. Elle me prit par le bras.

- Léopold Chevalier n'est plus en liberté pour très longtemps, nous allons le coincer !

Je ne répondis rien, sceptique.

- Ton père a tort, Noam, me glissa-t-elle à l'oreille. Nous ne jouons pas aux détectives. Nous sommes des détectives.

Je ne pus réprimer un sourire.

Je lui effleurai l'épaule et la seconde suivante nous étions de retour dans le bureau de mon père devant la carte du Monde.

- Tu sais, Noam, un peu de marche ne fait pas de mal ! J'espère que personne ne nous a vus nous téléporter, dit mon amie en se mordant le pouce, inquiète.

Je souris avec espièglerie.

- Tu devrais me remercier, on a gagné une demi-heure !

Elle prit la carte par un coin et la souleva. Elle enleva ensuite les punaises aux trois autres coins, l'enroula et retira l'élastique qu'elle avait dans les cheveux pour le mettre autour.

- Tiens, me dit-elle en me posant le rouleau dans mes bras.

Elle posa sa main sur le mur bleu pâle et mit l'index là où le mur faisait un défaut. Je la regardai faire, à la fois intrigué et admiratif.

Finalement, elle frappa le mur du plat de la main.

- Il n'y a rien dans la fente ! s'exclama-t-elle, irritée. Ce qui signifie qu'il va falloir trouver l'homme qui a tenté de tuer ton père. C'est lui qui l'a.

- Comment on va faire ça ? demandai-je. Le numéro et l'adresse des tueurs ne se trouvent pas dans l'annuaire !

Elle marcha de long en large pendant une à deux minutes et soudain, relava la tête.

Je souris, m'attendant presque à la voir crier « Eurêka ! ».

- Je connais ce regard, Achillia. Tu as un plan !

- On ne peut rien te cacher, Partenaire ! Je vais encore devoir endosser un rôle. A moins que tu ne veuilles t'en charger ?

Je secouai la tête.

- Je suis mauvais acteur. Toi, en revanche, tu pourrais faire carrière !

Elle rougit de plaisir.

- Merci, Noam. Allons chez moi. Je vais me changer et on pourra manger quelque chose au passage.

- D'accord.

Je lui tendis la main en me courbant, comme si elle avait été une grande dame. Je vis sur son visage qu'elle se retenait à grand peine d'éclater de rire.

Quelques mois plus tôt, j'aurais tué pour pouvoir passer un moment comme celui-là avec elle.

En un battement de paupières, je nous ramenai dans le quartier sud à l'arrêt de bus en bas de sa rue.

Tandis que nous remontions l'allée, elle fronça les sourcils.

- Qui sont ces types ?

Une voiture ressemblant à un corbillard était garée devant sa maison et deux hommes faisaient le pied de grue devant sa porte.

Prenant son téléphone portable, mon amie tapa un message en un éclair.

Puis, elle inspira profondément et ouvrit la barrière grinçante.

Les deux hommes se retournèrent instantanément. Je n'aurais su dire lequel était le plus laid des deux.

- Vous désirez ? demanda Achillia sans même les saluer.

Seul l'imperceptible tremblement de sa voix trahissait sa tension.

- Priam Tanaka doit venir avec nous, répondit le petit homme chauve.

- Qui ça ?

Elle avait feint de ne pas connaître ce nom en écarquillant les yeux avec innocence.

- Priam Tanaka. Nous savons qu'il vit avec vous, répliqua le plus jeune des deux.

Elle secoua la tête, l'air navré.

- Vous devez faire erreur, messieurs. Mon frère est en voyage scolaire, il ne rentrera pas avant plusieurs semaines. Pourquoi voulez-vous lui parler ? Qui êtes-vous ?

- Vous le saurez bien assez tôt.

Je m'avançai d'un pas. La menace à peine voilée n'augurait rien de bon.

- Vous êtes sur une propriété privée, messieurs, alors... commençai-je.

Les hommes regagnèrent leur corbillard sans plus insister. Tandis qu'Achillia entrait chez elle, je restai sur le perron à les regarder s'éloigner, méfiant.

- Ils sont partis, informai-je Achillia en entrant et en refermant la porte derrière moi. Honnêtement, je ne comprends pas ce qui vient de se passer.

Achillia tenait le rideau devant la fenêtre du salon.

- Quelque chose cloche, dit-elle sans me regarder. Je vais appeler Priam.

J'acquiesçai en m'adossant contre le chambranle de la cuisine. Elle faisait des allers-retours entre le canapé et le téléviseur tout en se mordant le pouce, nerveuse.

- Allô, Priam ? Tu en as mis du temps à répondre ! Où es-tu ?

Elle hocha la tête lorsque son frère lui répondit, geste qu'il ne pouvait pas voir bien entendu.

- Rentre, tout de suite. Passe par la porte de derrière.

Elle fronça les sourcils.

- Ne pose pas de questions, rentre immédiatement !

Son ton était sans appel. Gare à son frère s'il désobéissait !

Elle referma le clapet de son portable.

- Priam n'est pas loin, il arrive.

- Tu crois qu'il fréquente ces types ?

- Je ne pense pas, non. Les types qui travaillaient pour les parents de Priam, ne sont pas censés savoir qu'il est encore en vie.

Elle soupira.

- Je vais devoir tirer ça au clair aujourd'hui. Je ne peux pas prendre le risque que ces armoires à glace reviennent et enlèvent mon frère. Tu penses pouvoir te débrouiller seul sur l'affaire Chevalier ?

Je souris.

- Tu parles comme un agent secret ! Comment vais-je faire sans ma partenaire préférée ? Que dois-je faire au juste ?

Achillia sourit à son tour.

- Oh, mais c'est très simple : user de ton pouvoir !


Rien que nousOù les histoires vivent. Découvrez maintenant