36

5 1 2
                                    

ACHILLIA

Noam attrapa ma main et la seconde suivante nous étions devant la porte de la salle B14. Il me prêta son téléphone, prétextant que j'étais sans doute plus diplomate que lui.

Je m'éloignai pour composer le numéro de Philip sur mon portable tandis que mon ami collait son oreille contre la porte. Nous ne percevions pas le moindre bruit à l'intérieur. Mauvais augure ?

Noam avait bloqué les portes et les fenêtres du couloir pour que personne d'autre que nous n'intervienne.

Ce terrible silence fut brusquement interrompu par une sonnerie à l'intérieur de la pièce. J'entendis même le hoquet de surprise de l'élève assis au bureau le plus proche de la porte.

- Qui êtes-vous ?! rugit Philip, me faisant tressaillir.

Je lui expliquai posément.

- Je m'appelle Achillia Tanaka et le fils de Cordel Chance, Noam, est avec moi. Nous pouvons t'aider Philip.

- Personne peut m'aider ! le père de Noam est à l'hôpital par ma faute !

Sa voix tremblait comme s'il était sur le point de fondre en larmes.

- Philip, repris-je calmement. Ecoute-moi. Noam va ouvrir la porte et laisser partir les autres. D'accord ? Son père se remet de ses blessures, il va bien. Libère ta classe et nous pourrons discuter.

- Non ! hurla-t-il. Je ne peux pas ! Si je fais ça, il n'avouera pas !

Je fronçai les sourcils.

- De qui tu parles, Philip ?

- De mon père ! Je veux qu'il paye !

Je l'entendis frapper du poing sur un bureau et plusieurs filles poussèrent des cris effrayés.

- Le premier qui fait un geste, je le descends ! aboya Philip.

Je continuai, les mains moites et le cœur battant bruyamment à mes tempes :

- Philip, calme-toi. Je sais que tu ne me connais pas mais je veux te faire une proposition : un échange. Ma vie contre celle des otages. En agissant comme tu le fais, tu ne vas faire qu'aggraver tes ennuis. Noam et moi nous allons entrer et tu vas relâcher les autres élèves. Après nous pourrons parler.

Il toussa bruyamment.

- Philip, réponds-moi oui ou non, m'impatientai-je au bout de quelques secondes. Si tu acceptes, nous t'aiderons mais ne mêle pas des innocents à ça, s'il te plaît.

- Entre, répondit-il simplement.

Noam reprit son portable et ouvrit la porte tout doucement.

La classe consistait en un demi-groupe d'élèves, une quinzaine tout au plus. Les bureaux étaient collés les uns aux autres pour former un U et à juger par le vocabulaire noté au tableau, il s'agissait d'un cours d'espagnol. Le professeur était allongé par terre devant son bureau, inconscient.

- Il est... ? commençai-je.

- Dans les pommes, termina Philip. Tu ressembles beaucoup à ton père, Noam.

Mon ami acquieça, mâchoires serrées. Il n'appréciait pas la comparaison.

Philip en revanche n'était pas du tout comme je l'avais imaginé. Des cheveux blonds et lisses aux pointes noires, des yeux de cendres, un corps frêle et... des doigts tremblants si forts qu'il était obligé de tenir l'arme à deux mains.

- Vous, au premier rang, enchaina-t-il en s'adressant aux filles. Sortez.

Les quatre adolescentes aux cheveux et aux yeux pâles s'exécutèrent avec lenteur, de peur qu'il ne change d'avis à la dernière minute et décide de les liquider. Elles poussèrent toutes les quatre un soupir de soulagement après avoir franchi le seuil.

- Deuxième rang, à votre tour, continua Philip.

Il avait baissé son arme et paraissait plus calme.

Trois élèves se levèrent, pas le quatrième. Il semblait plus vieux que les autres et aussi plus... agressif.

- Tu aimes ça, hein, Chevalier ? Tu aimes que tout soit sous ton contrôle. T'es qu'un pauvre type sans amis qui ne sait pas quoi faire de son temps.

- Toi, intervint fermement Noam. Sors d'ici sans faire d'histoire ! C'est pas le moment de rester risquer ta peau !

Il fit craquer ses doigts avec un sourire malin.

- On a tous vu les bleus sur le visage de ta sœur un peu avant qu'elle disparaisse de la circulation, insista-t-il. Avoue que c'est toi qui la frappais, Philip.

- C'est faux ! cracha ce dernier en pointant son arme sur le suicidaire.

- Tu n'auras pas le courage de me tuer, le maigrichon.

Le front de Noam perlait de sueur et il était pâle comme la mort. Sa main gauche tremblait et était presque devenue transparente comme lorsqu'il s'apprêtait à se téléporter.

- Sortez tous, intimai-je aux élèves restants.

Ils se précipitèrent tous vers la porte à l'exception du rebelle auquel j'adressai un regard meurtrier. Je m'avançai vers lui, poings en avant.

- C'est quoi ton problème ? Tu veux te faire tuer ? Tu feras moins le fier quand tu auras une balle dans la tête !

Elle avait tout dit d'une traite et je la sentais sur le point de le cogner.

- Ce n'est pas moi qui frappais ma sœur ! hurla alors Philip.

Sans prévenir Philip me bouscula à la vitesse d'un boulet de canon et je trébuchai sur le corps du prof.

Une larme de rage et de désespoir roula sur ma joue. Je voulais sauver tout le monde, y compris Philip. Je voulais comprendre comment il en était arrivé à cette extrémité. Il n'avait pas un mauvais fond, cela se voyait comme le nez au milieu de la figure. C'était juste un ado dépassé par ses problèmes.

- Philip, baisse ton arme ! cria Noam.

- Non !

Je me redressai alors, déterminée, et m'approchai doucement de Philip avant de lui tendre la main. Quitte à tenter le tout pour le tout...

- Donne-moi ce pistolet, Philip.

- Vous ne comprenez pas ! Quoi que je fasse, c'est trop tard ! Je suis un monstre ! hurla Philip, le doigt crispé sur la gâchette.

- Pourquoi tu dis... ?

- Pour ça !

Rien que nousOù les histoires vivent. Découvrez maintenant